Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par là où a terminé mon excellent collègue Jean Desessard, en lui apportant cependant une précision. Oui, la France a intérêt à jouer la qualité. Toutefois, en matière industrielle comme en matière de services, pour assurer la qualité, il ne suffit pas de la décréter, il faut également la financer. Il faut donc des capitaux, et c'est exactement ce dont nous serons privés si votre proposition de loi est adoptée.
Il n’y a pas de qualité sans capitaux. Or votre proposition de loi aura un effet immédiat : elle dissuadera l’investissement dans l’industrie française, parce qu’elle inquiète sans pour autant apporter de solutions. Elle est profondément contre performante.
Ouvrons le débat sémantique. Il s’agit donc de « l’économie réelle ». Qu’est-ce que la valeur d’un bien ? Cher collègue Jean Desessard, en économie, la valeur d’un bien est la valeur qu’un client est prêt à lui consacrer. Quelle est la valeur d’un bien de production, comme d’un bien de consommation ? C’est en effet une demande solvable. Le travail réel existe, res, rei, c'est-à-dire la chose. Personne ne conteste qu’il puisse exister une économie réelle. Toutefois, si vous fabriquez des voitures qui ne sont pas achetées, ou en dessous de leur prix de revient, si vous fabriquez des produits qui sont en excédent ou qui ne sont plus adaptés à la clientèle, vos biens ne valent rien.
Il s’agit d’une réalité économique : la valeur, c’est la rencontre d’une offre et d’une demande, et ce n’est pas la décision de bâtir une offre qui imposera une demande. Nous sommes dans une économie ouverte et nous le resterons durablement.
D’ailleurs, ce texte parce que c’est une proposition de loi exprime bien, sinon le désarroi du Gouvernement, au moins sa malice. Celle-ci trouve son origine dans un événement que nous connaissons – Jean-Marc Todeschini l’a évoqué et Mme Gisèle Printz le connaît tout autant, en qualité de sénateur mosellan – : Florange. Le destin de ce site industriel est à l’origine de la proposition n° 35 du candidat François Hollande.
Cette proposition n’a pas été mise en œuvre jusqu’à maintenant par le Gouvernement. Le Président Hollande est revenu sur place en février 2012 pour affirmer qu’il ferait quelque chose. Nous avons eu, en septembre 2012, l’annonce, par votre collègue M. Montebourg, d’un projet de loi – qui ne s’est jamais concrétisé – puis, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, en janvier dernier, des dispositions sur la reprise d’entreprises.
Et, assez rapidement, il y a eu un chevauchement singulier, comme si le Gouvernement avait peur de sa majorité. Par la loi du 13 juin 2013, il a étendu l’ANI, brûlant en quelque sorte la politesse à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, comme s’il était urgent pour le Gouvernement de faire en sorte que le groupe parlementaire socialiste, qui est pour l’essentiel à l’origine de cette proposition, ne se trouve pas sur un terrain dégagé et que, d’une certaine manière, il soit encadré.
Les rapporteurs ont mené des travaux excellents, passionnants, riches – et j’ajouterai, moi qui ai des convictions libérales : des travaux parfaitement mesurés, qui nourrissent le débat. C’est donc en me tournant vers eux que je relève la situation très insolite dans laquelle nous nous trouvons : le Président de la République semble avoir cheminé vers Bad-Godesberg, le 14 janvier dernier, et le groupe socialiste s’accroche à la proposition n° 35, qui, de ce fait, n’est plus d’actualité.
La bataille sémantique n’est pas complètement négligeable. Ce qui est plus important, c’est le désarroi de cette majorité…