Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et qui, je l’espère, sera adoptée au plus vite, est un premier pas important.
Elle constitue en effet une première étape dans notre lutte contre une économie financiarisée qui fragilise et même détruit l’économie réelle, l’économie de proximité, celle qui structure nos territoires. Peut-être faudrait-il sortir de Paris – je m’adresse maintenant, par exemple, à Mme Procaccia – pour comprendre quelle est cette urgence.
Cette proposition est donc une première étape, car d’autres moyens juridiques sont nécessaires pour mettre fin à un système qui, depuis plusieurs années, est totalement déconnecté des entreprises, de leur développement, de la création de richesses et d’emplois.
Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont parfaitement présenté ce texte, par conséquent je serai plus concise sur les différentes mesures qu’il contient.
Cette proposition de loi a plusieurs objectifs, tels que favoriser la recherche d’un repreneur, donner plus de pouvoirs aux salariés dans l’entreprise, notamment dans sa gouvernance, privilégier l’actionnariat de long terme au détriment de la rentabilité immédiate et, enfin, renforcer la capacité des entreprises à résister à la spéculation et aux opérations financières déstabilisantes.
Dans son discours introductif, M. Pierre Moscovici l’a annoncé fermement : il s’agit d’une proposition de loi stratégique pour aider au maintien du tissu industriel.
Ainsi, favoriser la reprise d’un site, y compris par les salariés, constitue une première réponse aux stratégies financières obsédées par la rentabilité quasi immédiate. Nous constatons d’ailleurs tous les jours, dans les territoires, les drames humains qu’elles ont pu engendrer. Or, quand l’industrie est touchée, ce sont aussi les autres secteurs qui en pâtissent. À cet égard, je veux rappeler un chiffre révélé lors de nos précédents débats : un emploi industriel détruit entraîne la disparition de deux emplois et demi dans les services et aggrave d’autant la crise sociale.
Il nous faut donc mettre en place des dispositifs qui permettent, autant que faire se peut, de protéger et de sauver l’emploi industriel.
Cela commence dans ce texte par un renforcement des obligations de l’employeur dans sa recherche de repreneur. Il était important d’énumérer clairement les actions à mener dans ces cas-là pour que les bonnes pratiques soient adoptées.
Un autre point important est l’introduction du tribunal de commerce en vue de sanctionner le non-respect de la procédure de recherche. Il s’agit, ici encore, d’un nouveau progrès, mais ces dispositions et la question très sensible qu’elles concernent, à savoir la reprise d’une entreprise, me poussent à ouvrir une courte parenthèse au sujet de la composition et du fonctionnement des tribunaux de commerce.
Loin de moi l’idée de jeter le doute sur la justice consulaire tout entière, mais je souhaite simplement faire remarquer que l’on ne peut laisser perdurer certaines situations de conflits d’intérêts au sein même de l’institution judiciaire, car, lorsque ces conflits sont avérés, cette juridiction n’est plus à même de jouer équitablement son rôle de régulateur. Néanmoins, je reste convaincue que nous parviendrons à progresser sur la question.
Pour en revenir aux dispositions du texte, l’autre volet important sur lequel je souhaite insister concerne l’actionnariat. Ce texte nous fournit enfin le début de l’indispensable remise en cause d’un modèle face auquel nous restons immobiles depuis des années.
En effet, comme vous le savez, l’évolution qui a commencé à la fin des années soixante-dix, n’a cessé de s’approfondir dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, puis s’est trouvée lancée à pleine vitesse dans les années deux mille, a vu entrer le capitalisme dans sa configuration néolibérale. Pour reprendre l’exposé des motifs, cette période correspond à « trente années durant lesquelles l’économie réelle a été délaissée au profit de la finance ».
Ces trente années ont consacré le primat des actionnaires, dans le but, disaient leurs défenseurs, de faciliter le financement des entreprises et donc leurs investissements. Or nous nous retrouvons aujourd’hui dans la situation contraire : la pression de l’actionnariat met les entreprises sous l’injonction de créer de la valeur, d’augmenter leur rentabilité financière et d’assécher leurs investissements.
C’est pourquoi il était temps de commencer à enrayer le phénomène. L’article 5, renforcé notamment par Mme la rapporteur, va permettre aux actionnaires des sociétés cotées de bénéficier automatiquement d’un droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans. En inversant la logique actuelle, nous franchissons donc un premier pas.
Sur ce point, il ne fallait pas céder face à certains acteurs qui, comme d’habitude, ont étalé leur pessimisme à la vue des changements que nous envisagions. Ainsi, certains banquiers et investisseurs ont pu déclarer dans la presse que cet article était la disposition « la plus grave » de ce texte. Et, mélangeant à peu près tout, ils n’ont pas hésité non plus à parler du « triomphe de l’idéologie de la rente ». Selon eux, cette mesure aura un effet immédiat de perte de valeur pour l’entreprise ; c’est bien la preuve, encore une fois, que la rentabilité financière obsède toujours !
Madame la rapporteur, vous le disiez en commission, cette disposition est extrêmement importante et constituera peut-être une mesure phare de la législature.
La question des offres publiques d’achat, ou OPA, est aussi centrale, mais l’article 4, qui envisageait d’abaisser son seuil de déclenchement obligatoire, n’a malheureusement pu être maintenu.
Comme je l’ai dit précédemment, ce texte contient de bonnes mesures. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires était un premier pas, la loi dite « de reconquête de l’économie réelle » en constitue un autre. Toutefois, à mon sens, elle ne sera une bonne loi qu’à la condition d’être le début d’une série de mesures plus fortes que le législateur et le Gouvernement se devront de proposer.
Certes, pour relancer l’activité, il est nécessaire de faire confiance aux différents acteurs économiques de notre pays – nous exprimons régulièrement cette nécessité depuis bientôt deux ans. Du reste, cette confiance doit être réciproque lorsque le législateur envisage de modifier certaines règles, comme c’est le cas actuellement. Le législateur ne doit donc pas avoir peur d’instaurer un début de régulation, quand nos collègues, aujourd’hui dans l’opposition, ne se gênaient pas pour y mettre fin.
Sur ces sujets, nous devrons donc aller encore plus loin et ne pas céder aux sirènes de ceux qui ont organisé la financiarisation excessive de l’économie et en ont profité pendant des années. Aujourd’hui, nous commençons enfin à nous attaquer à cette dérive en proposant des mesures intéressantes et que j’espère efficaces. C’est pourquoi, avec mon groupe, je me prononcerai en faveur du texte ainsi amélioré.