Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur les considérations exposées par notre groupe sur les problèmes que cette proposition de loi soulève ; je me contenterai de fournir quelques illustrations concrètes de ces difficultés.
Cet article 1er, en particulier, prévoit l’information du comité d’entreprise sur la recherche d’un repreneur. Je ne conteste pas le droit du comité d’entreprise d’être un acteur économique dans sa propre entreprise et d’être ainsi informé de la vie, ou de la mort, de cette entreprise. Encore faut-il être conséquent et mesurer les effets de cette disposition qui tend à obliger l’entreprise à rechercher un repreneur.
La situation d’une entreprise en difficulté se caractérise, en général, par deux causes : la faiblesse du résultat ou la surcapacité de production d’un groupe ou d’une filière, qui conduit l’entreprise à fermer un ou des sites de production. J’en veux pour preuve deux cas qui intéressent l’Arrageois, dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis l’élu.
Le premier est celui de l’entreprise Meryl Fiber. Cette usine de textiles synthétiques avait été reprise par deux cadres, qui ne disposaient toutefois pas de fonds propres suffisants. Je vous épargnerai les détails de cette longue histoire, puisque cette entreprise avait une cinquantaine d’années ; elle était présente sur un marché de niche à l’export très intéressant, malheureusement sa rentabilité était très faible et aucun investisseur ni aucune banque ne se sont manifestés. Le comité d’entreprise a été informé et consulté, mais la société a été mise en liquidation, entraînant la suppression de 300 emplois. Je ne pense pas que cette proposition de loi, si elle avait été adoptée à l’époque, y aurait changé quoi que ce soit !
Le second cas que je souhaite évoquer est celui de Stora Enso, grand groupe papetier finlandais, qui a déjà fermé la moitié d’un site de production également très proche d’Arras et souhaite aujourd’hui le fermer complètement : 350 emplois sont en jeu. La raison invoquée pour cette décision est la surcapacité de production de l’industrie papetière au niveau mondial. C’est donc la France, éloignée de la Finlande, qui sera touchée, et l’usine arrêtée, malgré la présence sur le site d’une machine très performante.
Où en est-on ? Hier, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a annoncé que trois repreneurs potentiels avaient donné des « marques d’intérêt » qu’il estimait « sérieuses ». Selon ses propres termes, « il faut que ces trois repreneurs potentiels, dont on ne peut bien entendu pas donner l’identité, au risque de les effrayer ou de les faire fuir, s’ils font une proposition, individuellement ou de façon mutualisée, la fassent en ayant conscience que le marché de la papeterie rencontre une grave crise structurelle ».
Le ministre ne peut donc pas révéler l’identité des repreneurs, « au risque de les effrayer ou de les faire fuir ». C’est là tout l’enjeu de notre discussion : le ministre du redressement productif adopte une position précisément contraire à l’article 1er de la proposition de loi dont nous discutons, qui prévoit l’information pour avis du comité d’entreprise sur les repreneurs éventuels !
J’en conclus que l’on est en droit de s’interroger sur la qualité de cette proposition de loi censée faciliter la reprise des entreprises en difficulté. Le ministre du redressement productif lui-même en conteste par avance une disposition essentielle, en invoquant la confidentialité des offres de reprise.
Si le dispositif prévu par ce texte était en vigueur, le secret gardé par le ministre ne serait-il pas éventé ? Permettez-moi d’observer que tel est d’ailleurs le plus souvent le cas…
Je ne comprends donc vraiment pas l’intérêt de cette proposition de loi. Tout au plus répond-elle à une promesse du Président de la République : était-ce bien nécessaire ?