Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 4 février 2014 à 14h30
Économie réelle — Article 1er

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Bien que nous souscrivions volontiers à l’idée de tout faire pour inciter les employeurs à céder un site rentable plutôt qu’à le fermer, nous considérons que la proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, n’est pas suffisamment opérante.

Outre qu’il instaure un seuil, sur lequel nous sommes déjà intervenus, l’article 1er dispose que la recherche, l’information et la consultation du comité d’entreprise ne seront obligatoires que dans le cas où un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre.

Là encore, nous comprenons le souci d’éviter que les mesures contenues dans cette proposition de loi n’impactent les petites structures. Mais cet argument ne tient pas, en l’occurrence, puisqu’il s’agit ici d’établissements appartenant à des grands groupes comptant au moins mille salariés.

Qui plus est, c’est méconnaître la capacité des dirigeants d’entreprise à contourner les règles sociales les plus élémentaires. En effet, on le constate très souvent, certains d’entre eux cherchent par tous les moyens à minorer le nombre de licenciements pour motif économique afin d’éviter d’atteindre le seuil de dix salariés déclenchant l’organisation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Pour ce faire, ils peuvent se fonder sur deux dispositifs reposant prétendument sur l’accord commun des salariés et de l’employeur, je veux parler ici de la rupture conventionnelle ou des plans de départs volontaires.

S’il est évident que le plan de sauvegarde de l’emploi peut intégrer des plans de départs volontaires, la jurisprudence, notamment celle de la plus haute juridiction civile, a reconnu la possibilité pour les entreprises de mettre en œuvre des plans de départs volontaires dits « autonomes », c’est-à-dire non rattachés à un plan de sauvegarde de l’emploi. Dès lors, peu importe que le nombre d’emplois supprimés lors de ces plans volontaires autonomes dépasse les dix salariés puisque, dans ce cadre, aucun PSE ne sera mis en œuvre. C’est ce que confirme l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 octobre 2010, à la lecture duquel je vous renvoie.

Ce point est aussi clairement mis en avant par Yasmine Tarasewicz, avocate spécialisée en droit des sociétés, qui précise, dans Les Échos, que 80 % des entreprises procédant à des réductions d’effectifs engagent des plans de départs volontaires. L’auteur de l’article souligne, au passage, que les banques figurent au nombre des habitués de cette pratique ; or l’article 1er prévoit précisément de les écarter du dispositif.

Outre les départs volontaires, les entreprises peuvent aussi, depuis une loi de 2008, rompre le contrat de travail à l’amiable avec des salariés via des ruptures conventionnelles. Ce système s’est largement développé puisque près de 290 000 personnes ont été concernées en 2011.

Cette proposition de loi nous paraît donc largement perfectible. Pour éviter ces détournements, il est utile de prévoir que le dispositif est applicable dès lors que dix emplois sont supprimés, qu’ils le soient par le biais d’un PSE ou des méthodes de contournement que constituent les ruptures conventionnelles et les plans de départs volontaires.

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