Lors de la discussion générale, notre collègue Dominique Watrin a rappelé nos réserves sur le fait d’accorder aux tribunaux de commerce compétence pour connaître des litiges liés aux obligations d’information et de consultation des comités d’entreprise ou à la recherche d’un repreneur. Nous préférerions que soit respecté l’engagement initial de confier aux tribunaux de grande instance ce nouveau contentieux, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, sans nier les qualités humaines des juges des tribunaux commerciaux, force est de constater qu’ils ne sont pas des juges professionnels et ne disposent pas toujours de la formation adéquate pour trancher des litiges complexes, comme ceux afférents au respect de l’obligation d’information et de consultation des comités d’entreprise, qui fait l’objet d’un contentieux relativement important.
Ensuite, la situation a atteint un niveau de complexité rare. En effet, l’appréciation du respect des obligations légales en matière d’information et de consultation dans le cadre d’une cession de site rentable dépendra des tribunaux de commerce, tandis que, pour la procédure d’information et de consultation sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, le PSE, elle relèvera du tribunal de grande instance, qui conserve la compétence pour le contentieux collectif portant sur la mise en œuvre de ce plan. Le conseil des prud’hommes, quant à lui, reste compétent en premier ressort pour statuer sur la validité ou la régularité du licenciement et sur les litiges individuels afférents.
Aussi, dans ce schéma, encore complexifié par l’adoption de l’ANI, ne nous semble-t-il pas souhaitable d’ajouter un acteur, à savoir les tribunaux de commerce. Cela ferait d’ailleurs mentir deux fois le Président de la République : une première fois sur la compétence promise au tribunal de grande instance, une seconde sur le choc de simplification.
Par ailleurs, le tribunal de commerce est une juridiction d’exception composée de juges élus parmi les commerçants, au point que de nombreux juristes, classés tant à gauche qu’à droite, remettent en cause leur capacité à statuer en toute impartialité.
Ainsi, l’Union syndicale des magistrats rappelait, dans un document publié à la suite de l’annonce d’un projet de réforme de la justice consulaire, que, « dans les petites juridictions, dont le ressort englobe un bassin économique nécessairement restreint, il peut ne pas toujours exister une distance suffisante entre les intérêts économiques des juges et ceux des justiciables ».
Or, les litiges qu’auront à trancher demain les juges consulaires ne sont pas minces. Si nos amendements ne sont pas adoptés, ils auront la faculté de trancher seuls de l’opportunité ou non de sanctionner financièrement une entreprise et de définir librement le montant des pénalités.
Nous craignons, vous l’aurez compris, qu’ils n’optent que très rarement en faveur de la sanction, quand bien même celle-ci serait légitime. Cette crainte est d’autant plus importante que les salariés méconnaissent les procédures devant ces juridictions et que les conditions pour former appel d’une décision rendue sont plus restrictives que devant d’autres juridictions.
Tout cela nous conduit donc logiquement à proposer de confier cette compétence aux tribunaux de grande instance.