Dans cette commune, un cinéma indépendant, engagé dans ces initiatives et porteur d’une programmation exigeante mais abordable par tous, a eu maille à partir avec l’implantation de multiplexes aux alentours dans nos grandes villes – quand je dis « grandes », cela vaut pour le Morbihan ; elles le seraient peut-être moins en région parisienne –, comme Lorient, Lanester ou Vannes. Ainsi, Auray va également perdre son petit cinéma, qui ne tient même plus à un fil et qui va malheureusement disparaître d’ici à quelques mois avec sa petite salle d’art et d’essai. Ce sera une vraie perte, car ce cinéma représente un lien de proximité et un apport de qualité.
Il faut que cohabitent les « petites salles » et les multiplexes dans un aménagement raisonné du territoire. Si les petites salles proposent, certes, une offre plus diversifiée et contribuent au lien social et culturel fort, les multiplexes permettent malgré tout également d’accueillir un nombre plus important de spectateurs, ce qui est positif pour la création de films.
Mais, de grâce, ne multiplions pas les multiplexes ! §Aidons d’abord et avant tout les petites salles à survivre et à rayonner ; elles en ont le plus grand besoin !
Ainsi, pour faire vivre l’action culturelle, plus particulièrement cinématographique, et pour viser la diversification des publics, il faut une politique forte, passionnée et ambitieuse. Il faut tendre à une vraie démocratie culturelle par une meilleure appropriation de tous des enjeux et des valeurs.
Pour y parvenir, il nous faut un service public refondé en concertation avec les professionnels du secteur et tenant compte de leurs besoins au service de la population. Il faut intégrer les collectivités territoriales, qui se sont largement impliquées et ont beaucoup investi ces dernières années, notamment à travers la création de salles de cinéma municipales. Elles attendent un engagement fort de l’État.
Je souhaiterais également élargir le débat en rappelant la situation préoccupante des intermittents du spectacle, ces professionnels sans qui nos écrans de cinéma resteraient désespérément noirs. Du désespoir, les intermittents en sont accablés, tant la responsabilité d’un déficit imaginaire pèse sur leurs épaules.
Les annexes VIII et X, unanimement reconnues comme indispensables pour la promotion et la richesse des pratiques culturelles professionnelles de notre pays, sont arrivées à échéance au 31 décembre 2013. Il est donc urgent d’apporter des réponses à des professionnels du spectacle vivant et de l’audiovisuel qui doutent légitimement pour leur avenir.
Sans le système d’intermittence, il n’y aurait pas de droit à une juste rémunération pour eux et donc pas d’offres artistiques de qualité pour les spectateurs.
De plus, la négociation des annexes VIII et X serait l’occasion de procéder à une répartition plus juste des allocations versées aux intermittents, notamment les plus précaires d’entre eux – je pense par exemple au cas des congés maternité pour les intermittentes – et de lutter efficacement contre les pratiques abusives de certains employeurs qui usent de ces dispositions pour employer des salariés permanents.
C’est d’ailleurs souvent le cas dans les entreprises de production cinématographiques ou audiovisuelles.
Toutefois, une telle réforme ne devrait pas s’effectuer au détriment des artistes, des interprètes ou des techniciens en augmentant considérablement le nombre d’heures exigées ou en réduisant les allocations. Elle doit les accompagner au mieux dans leur profession.
Avant d’envisager une exploitation cinématographique indépendante forte, il nous faut songer à sauvegarder, à pérenniser et à développer le système de l’intermittence.
Notre regard sur l’exploitation cinématographique ne peut pas non plus s’envisager sans les prismes, d’une part, des droits d’auteurs et, d’autre part, de la reconnaissance de la spécificité des métiers d’exploitants de salles de cinéma indépendantes. Voilà deux questions qui mériteraient, elles aussi, un débat pour que l’exception culturelle française, dont nous sommes tous fiers dans cette assemblée, ne se conjugue pas au passé dans les années à venir.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le cinéma comme la culture ne seront jamais un supplément d’âme. Au contraire, dans ces temps d’austérité, la culture est ce qui permet de maintenir un destin individuel, mais aussi de participer à l’élaboration d’un destin collectif.