Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 5 février 2014 à 21h30
Débat sur l'avenir de l'exploitation cinématographique indépendante

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en France, la création cinématographique est foisonnante, grâce à un outil précieux : le CNC.

Mais, pour que vive la diversité des films, il nous faut veiller à la distribution. Aujourd’hui, l’exploitation cinématographique est partagée entre les grands complexes commerciaux et les salles dites « indépendantes » proposant des films d’auteurs, des films du monde, des courts métrages…

Face à des mastodontes adossés à de grands groupes qui possèdent des équipements comptant parfois jusqu’à vingt-trois salles et 7 286 sièges – c’est chez moi !- le cinéma indépendant tente de survivre, sans obtenir les copies de films porteurs, sans offrir le clinquant des multiplexes, sans proposer de ces formules d’abonnement qui fidélisent les cinéphiles. Il est donc bien souvent menacé, face à une situation économique délicate, de devoir baisser le rideau.

Le CNC a aidé ces salles indépendantes à la numérisation et, s’il n’avait pas été écrêté par Bercy, il aurait pu soutenir la nécessaire accessibilité à tous.

Fort heureusement, il existe toujours en France des salles comme le Ciné 104, La Clef, les Majestic ou les Méliès, au cœur des villes, dans de vrais quartiers, parfois piétons, près de vrais cafés, des salles de cinéma où l’on peut voir des œuvres du monde entier.

Ces salles, notamment celles dites « d’art et d’essai », jouent un rôle moteur dans la diffusion du septième art. Elles auront encore besoin du CNC, car le numérique, c’est l’entrée dans l’obsolescence programmée. Le soutien financier de l’État et des collectivités leur sera indispensable afin qu’elles puissent continuer à faire découvrir et promouvoir des œuvres.

On est loin de la pratique des multiplexes, qui déprogramment soudainement un film en fonction de son résultat, favorisant le quantitatif au détriment du qualitatif et de la création.

L’encadrement de l’implantation de nouvelles salles de cinéma est indispensable à l’ensemble de la filière. Un maillage fort de salles indépendantes constitue une condition essentielle au maintien de la diversité de l’offre et de son exposition, particulièrement pour les films dits « exigeants », qui nécessitent un accompagnement dans la durée.

A contrario, l’envahissement des villes et périphéries par les multiplexes véhicule, hélas, les mêmes dérives que la grande distribution : bâtiment gigantesque de béton et de tôle entouré de parkings, de fast-food, canalisation industrielle des flux humains, pour ce qui est de l’aménagement ; uniformisation, écrasement de la diversité, flexibilité de la programmation, pour ce qui est de la culture. On y amène son cerveau comme on amène son caddie à l’hypermarché !

Pour toutes ces raisons, les écologistes défendent et défendront toujours l’exploitation indépendante, dont les difficultés méritent bien cette séance d’alerte. Bienvenue, monsieur Laurent !

Bien souvent, les demandes d’extension ou d’implantation de nouveaux équipements s’inscrivent dans des zones où une offre de cinéma préexiste. De plus, dans son bilan de la géographie du cinéma, le CNC indique qu’au cours des dix dernières années le nombre d’écrans a augmenté, alors que, dans le même temps, le nombre d’établissements baissait. C’est la concentration. Aujourd’hui, près de 60 % des entrées sont réalisées par les multiplexes.

L’aménagement culturel et social du territoire, dont l’implantation des salles, doit répondre à des critères comme la formation du jeune public, comme les débats ou la diversité des choix éditoriaux dans les salles d’art et d’essai.

Ce constat, nous le partageons tous, même si, chez certains, persiste un double discours qui s’accommode de la défense orale de l’exploitation indépendante et du soutien matériel à l’installation de multiplexes dans leur commune…

Il est donc nécessaire de requalifier le système d’autorisation des multiplexes en tenant compte des spécificités du secteur : projet de programmation, nature et diversité culturelle de l’offre proposée, insertion du projet dans son environnement, préservation d’une animation culturelle et respect de l’équilibre des agglomérations. Le pluralisme doit être garanti et le niveau de décision un peu plus éloigné du destinataire des éventuelles retombées économiques.

Il faut un suivi plus contraignant des engagements pris par les opérateurs au moment de l’autorisation d’implantation ou d’extension, ainsi qu’un système de sanctions dissuasives en cas de non-respect du contrat.

Je ne doute pas que notre ancien collègue Serge Lagauche, missionné pour un rapport, fera des propositions allant dans ce sens quand il remettra son travail, et nous y serons tous très attentifs.

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