Je partage la philosophie exposée par notre rapporteur. Cinq autres propositions de loi ont été déposées au Sénat sur le même sujet et ont été soumises à l'avis du Conseil d'Etat. Muguette Dini a présenté un texte assez proche. L'ensemble des propositions ne peuvent-elles être reprises et portées comme en 2011 par la commission dans le cadre d'un texte unique à l'élaboration duquel toutes les formations politiques seraient associées ? Cette démarche présenterait l'intérêt de dépasser les clivages politiques.
Le texte ne dépénalise pas l'euthanasie dans le code pénal ; il introduit une exception d'euthanasie dans le code de la santé publique. S'il n'appelle pas d'objection de fond, l'article 2 vise une « affection grave et/ou à tendance invalidante ». Je m'interroge sur la validité juridique de la double conjonction et sur le sens précis de la notion de « tendance invalidante » qui semble ouvrir la voie à des interprétations larges.
Il n'est pas juste d'opposer soins palliatifs et assistance médicalisée à la fin de vie ; les deux démarches sont complémentaires. Il est louable d'aider le plus grand nombre de patients à mourir à domicile. Si le précédent gouvernement a ouvert la possibilité aux proches de malades de prendre un congé de fin de vie de trois semaines, cette disposition se heurte à des difficultés pratiques, car il est impossible de déterminer la date d'un décès. De même, le développement des soins palliatifs n'est-il pas entravé par des enjeux financiers dès lors qu'ils ne sont pas rentables pour les hôpitaux ? Au demeurant, doivent-ils demeurer une spécialité ou au contraire relever du cursus médical général ?
La question de l'opposabilité des directives de fin de vie appelle un véritable débat. Doivent-elles avoir une fonction testamentaire ou une validité limitée dans le temps ? Il serait bon de solliciter l'avis du Conseil d'Etat.
Je suis réservé sur l'adoption de dispositions proches de celles qui existent en Oregon. Les législations belge, luxembourgeoise et néerlandaise me semblent plus satisfaisantes. Confier un poison constitue une forme d'abandon de la personne, outre que cela soulève des inquiétudes sur l'utilisation du produit. Un rapport québécois conclut que l'acte de donner la mort doit faire partie du parcours de soin des médecins. Cela semble intéressant.
Toutes ces remarques plaident pour un retour du texte en commission, non pour l'enterrer mais pour qu'il soit porté par tous. Dans son avis sur les propositions de loi qui lui ont été soumises par le Président du Sénat, le Conseil d'Etat a rappelé que le législateur dispose d'une grande liberté d'appréciation sur le sujet en l'absence de norme constitutionnelle ou conventionnelle faisant obstacle par principe à la législation envisagée. La compétence du législateur n'est pas épuisée. Il conviendra d'être attentif à la décision que rendra le Conseil d'Etat au sujet de l'arrêt des traitements de Vincent Lambert, car elle pourrait remettre en cause la loi Leonetti.
Le CCNE va remettre un rapport. Bien que nous n'ayons pas l'obligation d'attendre son dépôt, il semble préférable d'en tenir compte. Cela milite également en faveur d'un renvoi du texte en commission.