Intervention de René Vandierendonck

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 février 2014 : 1ère réunion
Accueil et prise en charge des mineurs étrangers — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de René VandierendonckRené Vandierendonck, rapporteur :

Le phénomène des mineurs isolés étrangers est apparu à la fin des années 1990. L'absence de définition juridique de cette population le rend difficile à appréhender. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) n'évoque les mineurs que pour interdire leur éloignement, que ce soit au titre d'une obligation de quitter le territoire français - à l'article L. 511-4 - ou d'une expulsion - à l'article L. 521-4. Lorsqu'il était ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, Éric Besson avait reconnu qu'un mineur ne pouvait être considéré comme en situation irrégulière dans la mesure où le CESEDA ne lui faisait pas obligation de détenir un titre de séjour.

La matière est gouvernée par des conventions internationales - qui priment la loi -, dont celle relative aux droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989. Seuls les États-Unis, la Somalie et le Soudan du Sud ne l'ont pas signée. Son article 22 stipule notamment que « lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l'enfant se voit accorder, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit ». La prise en charge des mineurs isolés étrangers découle de ces engagements. Elle est assurée par les départements, compétents en matière d'aide sociale à l'enfance (ASE). Si les auteurs de cette proposition de loi la remettent en cause, c'est en raison de la très forte concentration géographique de ces mineurs, de l'existence de trafics et des coûts de cette prise en charge.

La loi du 5 mars 2007 - votée par M. Arthuis - a réparti les compétences entre l'État et les départements. Valérie Pécresse, rapporteure du texte, regrettait initialement que le projet de loi n'abordât pas la prise en charge des mineurs isolés. La députée socialiste Patricia Adam a déposé un amendement complétant l'article L. 112-3 code de l'action sociale et des familles (CASF), disposant que « la protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge ». Mme Pécresse a reconnu en séance que cet amendement apportait « une première réponse de principe à la question des mineurs isolés étrangers ».

Or, aux termes de l'article L. 121-1 du CASF, la politique d'action sociale incombe aux départements. L'article L. 228-3 du même code dispose que « le département prend en charge financièrement au titre de l'action sociale à l'enfance, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les cas prévus au 3° de l'article L. 222-5 ». D'aucuns ont interprété l'article L. 228-5 du CASF comme faisant supporter à l'État les dépenses de prise en charge des mineurs isolés étrangers. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2005 conteste cette interprétation : « l'application de cet article, à la discrétion du gouvernement, ne peut qu'être réservée à des situations exceptionnelles d'urgence humanitaire dans le pays d'émigration. On ne saurait s'appuyer sur ce texte pour affirmer une compétence générale de l'État ».

Afin de compenser la mise en oeuvre par les départements de la réforme de la protection de l'enfance, l'article 27 de la loi, à l'initiative du Sénat, avait créé un fonds national de protection de l'enfance, géré par la Caisse nationale d'allocations familiales. Le Conseil constitutionnel, par une décision du 25 mars 2011 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé cet article conforme à la Constitution. En effet, si la loi de 2007 a modifié les conditions d'exercice de l'aide sociale à l'enfance par les départements définies par les lois de décentralisation de 1982 et 1986, elle n'a pas élargi le champ de ses bénéficiaires ni créé de nouvelles prestations sociales. Bref, elle n'a ni transféré ni élargi de compétences. Ce fonds n'a pas été mis en place avant le décret du 17 mai 2010.

En définitive, les départements ont une triple compétence : dans la mise à l'abri des mineurs, sitôt repérés par l'aide sociale à l'enfance ou une association agréée - l'article L. 223-2 du CASF n'imposant la saisine de l'autorité judiciaire qu'à l'issue d'un délai de cinq jours ; dans l'évaluation et l'orientation des mineurs, visant à s'assurer de leur minorité, présumée, et de leur isolement ; dans l'accueil des mineurs à plus long terme après décision judiciaire de placement définitif.

Le phénomène des mineurs isolés étrangers se caractérise par sa très forte concentration dans certains départements. Celle-ci s'explique soit par la géographie - frontière, présence d'un aéroport international -, soit par la présence de communautés étrangères et la tradition d'accueil et d'ouverture de certains territoires. Une douzaine de départements ont accueilli entre le 1er juin et le 31 décembre 2013 plus de la moitié des arrivées spontanées de jeunes évalués mineurs et isolés.

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