Nous examinons la proposition de loi n° 232 de Mme Hélène Lipietz créant un dispositif de suspension de détention provisoire pour motif d'ordre médical. Cela répond à une préoccupation ancienne : en 2011, Mmes Alima Boumediene-Thiery et Nicole Borvo Cohen-Seat avaient déposé des propositions de loi d'objet similaire. Très récemment, notre collègue Cécile Cukierman a fait de même. Il s'agit de combler un vide juridique et de mettre un terme à une inégalité de droits entre prévenus et condamnés, comme l'ont préconisé en juillet 2012 M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat dans leur rapport d'évaluation de la loi pénitentiaire.
Ce texte crée un dispositif de suspension de la détention provisoire pour motif médical qui s'inspire très largement des dispositions de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale applicables aux détenus condamnés : rien ne justifie qu'aucun dispositif similaire ne permette à une personne prévenue d'obtenir la suspension de sa mesure de détention provisoire lorsque son état de santé est incompatible avec une détention ou que son pronostic vital est engagé. Au contraire, bénéficiant de la présomption d'innocence, les personnes prévenues devraient bénéficier de conditions plus favorables que les personnes condamnées. Or, elles se trouvent exposées à des conditions de détention plus défavorables : elles sont exclusivement incarcérées en maisons d'arrêt, établissements pour la plupart confrontés à une situation de surpopulation carcérale chronique, qui complique l'organisation des extractions médicales, pourtant nécessaires pour réaliser des examens médicaux ou subir un traitement particulier à l'extérieur de la maison d'arrêt.
Aux termes de la proposition de loi, la personne qui bénéficierait de la procédure proposée pourrait être soumise à un contrôle judiciaire ou assignée à résidence avec surveillance électronique. Le juge d'instruction pourrait à tout moment ordonner une nouvelle expertise et la suspension de détention provisoire pourrait prendre fin si les conditions n'en sont plus réunies ou si les obligations ne sont pas respectées.
Le dispositif retenu pour l'article 1er présente certaines différences avec celui de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale. Alors que, pour les condamnés, deux expertises médicales distinctes et concordantes sont requises, la nouvelle procédure pourrait être mise en oeuvre au vu d'une unique expertise médicale. Contrairement à l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, la proposition de loi ne prévoit pas d'exception lorsqu'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction. Elle ne prévoit pas non plus d'obligation de nouvelle expertise médicale régulière en matière criminelle. Enfin, elle assouplit le dispositif en prévoyant que l'état de santé du prévenu devrait être « incompatible avec le maintien en détention » et non « durablement » incompatible avec un tel maintien, et que la procédure d'urgence pourrait être mise en oeuvre lorsque le pronostic vital « semble » engagé, et non « est » engagé. Les articles 2 et 3 comportent les nécessaires coordinations prévoyant la compétence du juge des libertés et de la détention et permettant à la personne concernée de solliciter à tout moment la suspension de sa détention provisoire.
Je vous proposerai tout à l'heure un amendement pour sécuriser la proposition de loi sur le plan juridique.