Intervention de Ernestine Ronai

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 février 2014 : 1ère réunion
Prostitution — Audition des présidentes des commissions « violences de genre » et « santé droits sexuels et reproductifs » du haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes hce f-h

Ernestine Ronai, co-présidente de la commission « violences de genre » du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE f-h), coordinatrice nationale « violences faites aux femmes » de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF) :

Concernant l'inceste, la campagne du Collectif féministe contre le viol demande de « changer la loi ».

Je m'adresse donc à vous aujourd'hui, parlementaires, pour vous rappeler votre responsabilité en tant que législateurs. Il faut une meilleure prise en considération de l'inceste dans la loi. Je veux insister sur le fait qu'un enfant violé ne peut jamais consentir. Cette idée, qui paraît évidente, est loin de l'être puisqu'une jurisprudence existe qui considère l'enfant comme consentant ! Je ne parle pas ici des relations entre enfants du même âge. La législation canadienne sur le sujet me paraît juste. Mais lorsque nous sommes en présence d'un acte sexuel perpétré par un parent sur son enfant, nous sommes évidemment dans une situation de violence.

À cet égard, les mots sont importants et il faut bien les choisir. La campagne du Conseil de l'Europe tendrait à penser qu'on ne considère que les « abus ». Or, un « abus », en français, présuppose - comme pour l'abus d'alcool - un seuil de tolérance, au-delà duquel on intervient. Au contraire, la traduction littérale du mot anglais « abuse » est « agression ». En ce qui me concerne, je considère qu'en matière d'inceste, il faut être attentifs aux mots et parler d'« agression », non pas d'« abus ».

En réponse à M. Roland Courteau concernant le lien entre agression sexuelle dans l'enfance et entrée dans la prostitution, bien entendu la corrélation n'est pas systématique, fort heureusement. Pourtant, je vous rappelle que les aspects psychotraumatiques des violences sexuelles sont triples : elles entraînent systématiquement la perte de confiance en soi, la déconnexion des émotions de la personne victime - qui détache le moi de la personne agressée - et une amnésie traumatique tendant à faire oublier l'acte par la personne agressée.

Cette triple conséquence traumatique installe la victime dans un état de fragilité. N'oublions pas que, dans la plupart des cas, c'est l'agresseur qui choisit sa proie pour sa vulnérabilité.

Plusieurs faits divers rapportés dans les journaux le prouvent. L'entrée dans la spirale de la prostitution commence par la rencontre d'un individu à la recherche d'une personne fragilisée. Là encore, les mots choisis comptent : « se » prostituer, ce n'est pas la même chose qu'« être » prostituée. Il faut rétablir le sens des choses : c'est l'agresseur qui va chercher sa victime. Certaines personnes fragiles croisent sur leur chemin ce genre d'individu, d'autres non. En ce sens, les réseaux numériques sont un puissant vecteur de multiplication des rencontres. Internet est donc un champ essentiel d'étude dans la lutte contre le phénomène prostitutionnel.

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