Intervention de Françoise Laurant

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 février 2014 : 1ère réunion
Prostitution — Audition des présidentes des commissions « violences de genre » et « santé droits sexuels et reproductifs » du haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes hce f-h

Françoise Laurant, présidente de la commission « santé, droits sexuels et reproductifs » du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE f-h) :

À la commission « santé, droits sexuels et reproductifs » du Haut conseil à l'égalité, nous n'avons pas été en mesure, faute de temps, d'analyser en détail le contenu et les implications de la proposition de loi de l'Assemblée nationale sous l'angle sanitaire. Dans ce domaine, différentes questions se posent. Je me référerai tout d'abord au rapport publié par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en décembre 2012 intitulé « Aspects sanitaires de la prostitution ». L'un des constats que livre ce document est le manque de données sur la prostitution et, plus particulièrement, de descriptions épidémiologiques des personnes prostituées.

Pour tous ceux qui sont impliqués dans la situation sanitaire des personnes prostituées, les infections sexuellement transmissibles (IST) sont la priorité, notamment du fait des rapports sexuels non protégés. Et d'ailleurs, faute de soins, certaines personnes prostituées peuvent mourir de ces maladies. Mais cette approche n'est pas suffisante car elle revient à se soucier essentiellement du problème de la transmission des maladies, sans se préoccuper véritablement de l'état de santé des personnes elles-mêmes. Cela ressemble à ce qui était fait en matière de lutte contre la syphilis, à une autre époque.

Il faut le souligner : les personnes prostituées sont également victimes de violences quotidiennes et répétées, de la part tant des clients que des proxénètes, voire d'autres prostituées. Ces violences sont non seulement physiques, mais aussi morales : or si l'on se préoccupe des violences dans notre société, celles que subissent les personnes prostituées ne sont pas vraiment prises en compte, alors même qu'il s'agit d'un aspect essentiel de leur condition. Quant aux drogues, ces personnes en prennent pour « survivre ». Mais c'est souvent aussi par l'addiction qu'elles sont venues à la prostitution. Quant aux aspects gynécologiques de leur état de santé, c'est une « destruction totale »...

Le bilan est donc, sur le plan de la santé, extrêmement préoccupant. Un des constats du rapport de l'IGAS est qu'il faudrait privilégier une approche globale de la santé de ces personnes sans viser spécifiquement telle ou telle maladie. Mais à ce jour, rien n'a été mis en place pour assurer aux personnes prostituées l'accès à des services de santé complets, probablement d'ailleurs très complexe à organiser. Pourtant, plusieurs témoignages l'ont montré, ces personnes ne savent même pas que l'hôpital en France accueille et soigne les personnes sans papiers. La priorité des personnes prostituées ne concerne d'ailleurs pas vraiment l'accès aux soins, mais plutôt, par exemple, le logement.

Ce sont, pour l'essentiel, des acteurs de la prévention qui interviennent en matière de santé des personnes prostituées - Médecins du monde, Act Up, le Planning familial et Aides. De cette approche préventive relève par exemple la distribution de préservatifs : la prévention vise en effet pour l'essentiel les IST et le Sida.

Selon ces associations, la pénalisation du racolage contribuait à limiter l'accès aux soins des personnes prostituées. La pénalisation du client pourrait aussi, dans cette logique défendue par des acteurs de terrain, avoir le même effet. Cette question de l'accès aux soins et de la prise en charge de l'état de santé des prostituées suppose que ces personnes aient confiance dans les institutions et les associations. Il serait utile d'intégrer les personnes prostituées à des groupes de parole : cela supposerait toutefois qu'elles aient pu être approchées par des associations, et qu'elles aient une relation de confiance avec ces dernières.

L'amélioration de la santé des prostituées est donc un problème en soi : je ne suis pas certaine que la proposition de loi permette véritablement de le traiter.

J'en viens maintenant aux questions posées par l'éducation à la sexualité, selon moi indispensable, dès la maternelle, pour sensibiliser nos jeunes à l'égalité entre les hommes et femmes. Cette éducation ne doit pas être vécue comme un cours de morale. Il faut faire comprendre aux jeunes qu'il n'existe pas de besoin sexuel irrépressible des hommes que les femmes auraient à subir, et que les femmes n'ont pas à souffrir de la violence que constitue la prostitution. Je regrette d'ailleurs que le rapport de l'IGAS ne mentionne pas que la prostitution est une violence faite aux femmes.

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