Je suis d’habitude très défavorable aux demandes de rapport, mais, en l’espèce, j’estime que le Gouvernement devrait s’engager à clarifier les choses.
L’un des objectifs du rapport demandé dans cet amendement est justement d’éviter un certain nombre de confusions. De qui parle-t-on, en effet ?
L’appellation générique « gens du voyage » regroupe des catégories de personnes d’origine et de culture différentes. Elle permet aux pouvoirs publics de désigner, facilement et un peu lâchement, une population en la caractérisant uniquement par son mode de vie spécifique, sans avoir recours à des critères ethniques ou culturels, ce qui serait contraire à la Constitution.
Pour autant, si seule la catégorie des « gens du voyage » est juridiquement reconnue, le terme de « Tsiganes » est le plus fréquemment utilisé dans le langage commun.
Les États voisins, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe identifient officiellement ces populations sur une base ethnique et culturelle. Comme je le constate lors des sessions du Conseil de l’Europe auxquelles je participe, on privilégie actuellement le terme générique de « Roms », qui désigne l’ensemble de ces populations en Europe. L’appellation « Tsiganes » est en effet jugée péjorative notamment en Allemagne et en Europe centrale et orientale.
En France, le mot « Roms » est réservé aux seuls migrants de nationalité étrangère. Est-ce justifié ? Personne ne le sait, car on ne voit pas de qui l’on parle. On se sert de ce terme – pas au Sénat, mais ailleurs – pour évoquer des populations que l’on veut discriminer ou exclure, ou encore que l’on refuse d’accueillir.
Ces populations, qui proviennent essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale, sont souvent sédentarisées dans leur pays d’origine. Elles relèvent de la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français, sauf si elles viennent de pays membres de l’Union européenne liés par les accords de Schengen.
La population des gens du voyage est diverse. Trois groupes peuvent être distingués, ce que personne, pas même le Gouvernement, ne fait jamais.
Il s’agit d’abord des Roms, des « orientaux » venus d’Inde du Nord depuis le xiiie siècle, qui sont surtout présents en Europe centrale et orientale. Ils peuvent être français ; ce ne sont pas forcément des étrangers.
Il y a, ensuite, les Sintés ou manouches, principalement installés en Grande-Bretagne.
Enfin, les gitans sont surtout présents dans le monde ibérique et le sud de la France. Quand j’étais enfant, on évoquait dans le Midi les gitans qui allaient aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Étaient-ils tous français ? Non !
Tout cela introduit donc une très grande confusion, et dans un sens péjoratif.
Si ce rapport devait être produit – mais le Sénat ne votera pas un amendement qui tend à demander la remise d’un rapport –, le Gouvernement serait bien inspiré, lui qui demande tellement de rapports, dont certains posent d’ailleurs problème, de charger des historiens spécialistes du sujet de le rédiger. Il faut que nous sachions vraiment de qui l’on parle, quel nom donner aux uns et aux autres, à ceux qui sont français et à ceux qui ne le sont pas, mais qui peuvent être appelés de la même manière, car ils ont la même origine.