Intervention de Didier Migaud

Réunion du 11 février 2014 à 14h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Ces critiques et cet appel à des réformes profondes ne concernent qu’une minorité de services publics, mais l’État doit montrer qu’il est capable de les engager. Bien plus fréquemment, la Cour constate des politiques qui, sans être inefficaces, doivent être simplifiées et mieux ciblées sur leurs objectifs essentiels. C’est une caractéristique récurrente des politiques publiques dans notre pays : les dépenses d’intervention, c’est-à-dire les prestations, les subventions et les aides diverses, qui représentent plus de la moitié des dépenses publiques, sont souvent insuffisamment dirigées vers le public qui en a réellement besoin. La tolérance envers les effets d’aubaine est trop fréquente. Or un meilleur ciblage de l’action publique constitue de loin la principale source d’économies dans les administrations publiques.

Ce constat a quelque chose de rassurant : pour réaliser des économies massives, particulièrement dans les domaines de la formation professionnelle ou du logement, il n’est pas nécessaire de priver d’aide ceux qui en ont besoin ; il suffit de veiller à ce que le bénéficiaire soit réellement celui que vise la politique publique à travers le dispositif mis en place.

Ces réformes de ciblage et de simplification permettraient, en contrepartie, de renforcer la prise en charge de ceux qui sont au cœur de la cible, en leur assurant un meilleur accès aux droits. Je prendrai deux exemples qui illustrent la nécessité de mieux cibler certaines actions publiques.

Le premier est l’indemnisation des victimes de l’amiante. Les travailleurs de l’amiante se voient offrir des possibilités de départ anticipé à la retraite grâce au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Il est choquant de constater qu’alors que de nombreux travailleurs exposés à l’amiante n’ont pas accès à ce dispositif avant d’être effectivement malades – les artisans, par exemple –, le fonds a été fréquemment détourné de sa vocation pour prendre en charge la reconversion d’entreprises industrielles. En effet, ce fonds constitue aujourd’hui le dernier moyen de prise en charge publique de préretraites. L’inscription d’un établissement sur une liste aux critères peu précis suffit à faire bénéficier l’ensemble de ses salariés de départs anticipés, même s’ils n’ont pas été directement en contact avec l’amiante – par exemple, le personnel administratif. Le rapport cite le cas d’un établissement dont 96 % des salariés n’avaient jamais été exposés à l’amiante. Le défaut de ciblage sur les travailleurs les plus exposés à l’amiante entraîne une injustice et des dépenses publiques élevées.

Le rapport évoque aussi les missions des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui se sont éloignées de leurs missions originelles de remembrement agricole et d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs...

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