Intervention de Didier Migaud

Réunion du 11 février 2014 à 14h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

La Cour recommande également la mise en place de l’autoliquidation de la TVA à l’importation, pour répondre à un enjeu important de compétitivité des plateformes portuaires et aéroportuaires du territoire.

Vous le constatez à travers cet exemple, la mise en œuvre d’économies n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité du service public, la simplification et le redressement de la compétitivité de notre économie, bien au contraire. C’est un constat que la Cour fait régulièrement et qui va souvent à l’encontre des idées reçues.

La Cour conçoit son rôle avant tout comme un aiguillon pour la modernisation des administrations. Pour cela, il est normal qu’elle souligne les insuffisances et les dérives – je le fais –, mais il est important aussi qu’elle souligne les progrès constatés, qu’elle valorise ce que l’administration sait faire et bien faire, qu’elle encourage les réformes ainsi que les décideurs et les gestionnaires qui les conduisent.

Le service civique doit répondre à une ambition forte : offrir dans trois ans à 100 000 jeunes par an l’opportunité de s’engager pour un projet d’intérêt général. Il en est encore à un premier stade de développement, avec 20 000 contrats par an, dont les premiers résultats sont encourageants. La poursuite du développement du service civique suppose toutefois de former les tuteurs, de maîtriser le coût pour l’État et de veiller à ce que les contrats ne se substituent pas à des emplois salariés.

Le rapport illustre les cas, nombreux, où les exemples vertueux ne sont pas sans lien – nous nous en réjouissons – avec des travaux précédents de la Cour. Vous le savez, celle-ci est attentive aux suites concrètes données à ses recommandations. Elle répond ainsi à une prescription que vous-mêmes avez inscrite dans la loi. Le nombre de recommandations partiellement ou totalement mises en œuvre progresse, passant de 560 en 2011 à 1 033 en 2013, soit un quasi-doublement. Si le taux de recommandations suivies affiche un tassement, passant de 72 % à 62 %, ce résultat est imputable au caractère très récent de nombreuses recommandations et au choix de la Cour d’être sensiblement plus restrictive pour considérer qu’une recommandation est partiellement suivie.

Le rapport illustre des situations où les recommandations de la Cour ont été suivies. La gestion des amendes de circulation et de stationnement routiers, dont le produit est de 1, 6 milliard d’euros, s’est améliorée avec le développement des procès-verbaux électroniques, plus fiables, moins coûteux et laissant moins de prise à des possibilités d’« indulgence », qui sont en rapide régression. La généralisation des PV électroniques doit être menée à son terme. Le redressement d’un régime de retraite complémentaire pour les enseignants du privé récemment mis en place avait été demandé par la Cour ; il a été engagé rapidement.

Dans d’autres cas, les évolutions engagées sont trop lentes. C’est pourquoi la Cour « insiste ». C’est le cas par exemple de l’adoption internationale ou de l’accueil téléphonique de l’enfance en danger, encore très peu performant. Si Pôle emploi a fait de sensibles efforts pour lutter contre la fraude aux cotisations et aux indemnisations chômage, beaucoup reste à faire pour mieux cibler les contrôles, utiliser les données disponibles et rendre les sanctions plus rapides et plus efficaces.

Ce n’est pas parce qu’une appréciation positive est formulée sur une politique publique qu’il faut se désintéresser de son avenir. Toutes sont soumises à des environnements changeants, et certaines doivent être confortées pour préparer leur avenir. La Cour souligne l’importance des décisions à prendre concernant le transport spatial. Elle a examiné le recours aux partenariats public-privé pour le financement des investissements hospitaliers. La précipitation dans laquelle ces contrats ont été lancés explique une partie des dérives constatées, qu’il s’agisse des coûts ou de la qualité des réalisations, en particulier pour l’hôpital sud-francilien à Évry. La Cour formule des recommandations tirées de l’expérience passée, pour que les hôpitaux aient recours à ces partenariats à meilleur escient et dans des conditions financières beaucoup mieux maîtrisées.

Les économies n’ont pas pour seule vocation de participer au redressement des comptes ; elles permettent aussi de dégager des marges de manœuvre pour que les pouvoirs publics puissent investir dans des dépenses porteuses de croissance future et de donner à des services publics essentiels les moyens adéquats pour fonctionner de manière satisfaisante. La Cour constate que ce n’est pas toujours le cas, faute de définir des priorités ou de faire des choix.

L’enquête sur la santé des détenus montre que, en dépit des efforts des vingt dernières années, les importants besoins de soins de cette population en croissance continue sont encore très mal pris en charge, alors qu’elle se caractérise par une prévalence beaucoup plus forte des maladies psychiatriques et infectieuses que dans la population générale. Sur un autre sujet, la sécurité sanitaire des aliments, la Cour relève que le ministère de l’agriculture exerce de moins en moins ses missions de contrôle, particulièrement sur les produits phytosanitaires utilisés dans la culture et sur les établissements de transformation de denrées animales.

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