La diminution des effectifs dans les services déconcentrés n’est pas pour rien dans cet affaiblissement. Alors que de nombreuses non-conformités sont détectées, les suites données aux contrôles sont rares et peu contraignantes : 16 % seulement des contrôles ayant détecté des anomalies moyennes ou majeures ont débouché sur davantage qu’un simple avertissement. Ces deux exemples figurent pourtant au cœur des missions régaliennes de l’État.
Pour éviter que des situations de ce type ne se multiplient, la Cour invite les pouvoirs publics à recourir bien moins systématiquement à la réduction uniforme des dépenses dans l’ensemble des services, selon la méthode dite du « rabot ». Largement utilisée jusqu’ici, parce qu’elle était efficace – il faut en convenir – pour produire rapidement des économies importantes, elle présente l’inconvénient d’affecter sans discernement les services les plus utiles et performants. Dans un nombre croissant de services de l’État, en particulier déconcentrés, elle conduit l’État à ne plus exercer certaines missions prévues par la loi, notamment les contrôles. C’est pourquoi, au rabot, la Cour recommande de substituer des réformes ciblées sur les politiques les moins performantes, en s’appuyant sur les évaluations disponibles et en recentrant les politiques et les dispositifs publics sur les objectifs et les publics prioritaires.
En conclusion, je veux insister sur la dimension positive et constructive de ce rapport, malgré l’éclairage que nous dirigeons sur quelques dysfonctionnements ou dérapages. Oui, les administrations peuvent largement progresser pour être plus efficaces dans l’exercice de leurs missions. Oui, il est possible de ralentir sensiblement la croissance des dépenses publiques pour entamer au plus vite le désendettement du pays. Oui, cette démarche est une opportunité sans précédent et, d’une certaine manière, une chance historique pour moderniser nos administrations, toutes nos administrations, petites ou grandes, et redonner confiance dans les services publics. Oui, ces évolutions peuvent permettre, sans retarder le retour à l’équilibre structurel des comptes, de redonner des marges de manœuvre pour fixer de nouvelles priorités dans l’action publique, pour stimuler la croissance, pour répondre à des besoins en évolution constante ou pour alléger la pression fiscale.
Cela suppose d’engager rapidement les réformes utiles qui ont été régulièrement repoussées. Cela suppose qu’aucun acteur public ne s’exonère d’un nécessaire questionnement sur son utilité et son efficacité. Cela suppose de s’intéresser bien davantage aux résultats des politiques publiques, à leur impact concret, qu’à l’importance des moyens qui leur sont confiés. Cela suppose de tenir bon face aux inévitables résistances qui se manifestent et de dépasser, par la pédagogie, les frilosités, les corporatismes et les conformismes. Les évolutions peuvent déranger des habitudes, remettre en cause des rentes de situation ou priver d’aides publiques certains qui ne devaient pas en bénéficier. On a coutume de dire que derrière chaque niche fiscale se cache un chien, mais, derrière chaque euro mal dépensé ou gaspillé, on trouve toujours des intérêts particuliers. Or l’intérêt général, qui n’est jamais la somme des intérêts particuliers, doit toujours prévaloir.
Cette invitation aux réformes, au redressement des comptes, à la modernisation publique n’a qu’un but, qui est la raison d’être des juridictions financières : éclairer les décideurs, les élus que vous êtes, mais aussi les citoyens, et leur donner les moyens d’adapter les services publics aux enjeux de demain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous souhaite bonne lecture du rapport.