Intervention de Gérard Grignon

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 4 février 2014 : 1ère réunion
Thématique : la zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux — Audition de M. Gérard Grignon président de la délégation à l'outre-mer du conseil économique social et environnemental

Gérard Grignon, président de la délégation à l'outre-mer du Conseil économique, social et environnemental :

Oui, nous avons un regard un peu plus tranché. Comme vous le savez, le CESE est la troisième assemblée constitutionnelle française rendant des avis sur saisine du Gouvernement et, désormais, du Parlement. Nous ne sommes toutefois pas si libres car autour de la table, toutes les tendances de la société française sont représentées : entreprises, associations ou syndicats, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à la CGT. Et puis, les membres du CESE sont très présents. Ce rapport a été voté à l'unanimité, ce qui assez rare. Il y avait 180 conseillers, les 180 l'ont voté et, avant d'arriver en séance plénière, il a été adopté en délégation de l'outre-mer par des membres appartenant à des familles de pensées très différentes. Si ce rapport et l'avis ont fait consensus, ils sont néanmoins objectifs. Le but n'est pas de faire plaisir ; nous faisons un constat de la politique française.

Nous ne sommes pas beaucoup aidés dans notre tâche mais cela dépend aussi du rapporteur et de ceux qui l'entourent. Par exemple, lorsque le Canada a déposé le 6 décembre 2013, exactement comme écrit dans notre rapport adopté en délégation au mois d'avril, une demande d'extension chevauchant totalement le plateau continental étendu que la France doit revendiquer, j'ai écrit au ministre de l'outre-mer pour l'interroger sur l'attitude du gouvernement français. Il m'a rappelé les engagements du Président de la République à déposer le dossier français, pris devant les deux parlementaires de l'archipel à l'Élysée et par un communiqué. Puis, c'est M. Jean-Marc Ayrault qui m'a répondu en me disant que le dossier serait déposé. On les tenaille ; c'est une question de suivi. De même, j'ai interrogé le ministre des outre-mer sur le degré d'avancement du dossier polynésien dont le dépôt était prévu pour début 2014. Cela supposait d'étudier huit zones intéressantes et, à notre connaissance, l'IFREMER n'a pas encore eu l'instruction pour finaliser le dossier de telle façon qu'il soit déposé dans les délais. Nous suivons aussi au plus près ce qui se passe pour Clipperton. C'est notre travail...

Le rapport Lauvergeon sur l'innovation intitulé « Un principe et sept ambitions » préconise d'investir dans la connaissance des ressources du sol et du sous-sol marins car, outre du pétrole et du gaz, on y trouve des sulfures hydrothermaux ou des terres rares. Or, il n'y a pas de développement industriel possible à long terme sans sécurisation de nos approvisionnements en terres rares, matières qui entrent notamment dans la composition des smartphones, des écrans plats ou des circuits intégrés. Dans des secteurs comme la chimie, la pharmacie, l'automobile ou l'aéronautique, les emplois liés à l'utilisation de ces ressources étaient au nombre de 700 000 en 2010 et représentaient 23 % de la valeur ajoutée industrielle française. En 2030, ce chiffre devrait être de 33 % de la valeur industrielle française. Les amas cobaltifères de Polynésie et les sulfures hydrothermaux autour de Clipperton - identifiés grâce aux études faites de l'îlot dans la zone internationale - sont des réservoirs de terres rares. On le sait, mais que fait-on ? Un autre rapport du commissariat général à la stratégie et à la prospective indique qu'en 2010 la Chine a réduit ses exportations de terres rares de 50 % et qu'en 2012, elle a représenté 80 % de leur production mondiale. Notre rôle est de tenailler le gouvernement jusqu'à obtenir une véritable politique maritime. Nous avons tout pour cela mais nous ne prenons pas les bonnes décisions. On se contente de faire des annonces. C'est vrai du CIMER de 2013 qui répète imparfaitement ce qui avait déjà été annoncé par le CIMER 2009, reprenant lui-même le CIMER 2003. Ce n'est pas le tout d'avoir des atouts, ce n'est pas le tout de faire des annonces politiques ; il faut mettre des moyens en face ! Nous tentons d'attirer l'attention là-dessus. Nous le faisons modestement mais c'est la pierre que nous tentons d'apporter.

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