Serge Larcher, président. - Monsieur le Secrétaire général de la mer, mes chers collègues, nous voilà aujourd'hui réunis pour procéder à une série d'auditions conclusives sur notre sujet d'étude relatif aux ZEE ultramarines et aux enjeux qu'elles représentent.
Je vous rappelle que nos trois rapporteurs sur cette étude sont M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur de la Guyane, M. Joël Guerriau, sénateur de Loire-Atlantique, et M. Richard Tuheiava, sénateur de la Polynésie française.
Les derniers mois ont été riches en rebondissements sur les questions maritimes liées aux outre-mer, qu'il s'agisse du Livre blanc sur la défense, du récent travail du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'extension du plateau continental ou encore du Comité interministériel de la mer et des Assises de l'économie maritime des 3 et 4 décembre au cours desquelles le Premier ministre a annoncé la « remise à plat du droit relatif à l'espace maritime ».
Cette actualité, dont il nous faut intégrer la substance dans notre rapport, nous a conduits à organiser les auditions d'aujourd'hui et en premier lieu celle de M. Michel Aymeric, Secrétaire général de la mer, que nous avions entendu au début de nos travaux, avant la publication du Livre blanc.
Monsieur le Secrétaire général de la mer, nous souhaiterions que vous fassiez le point sur les moyens qui seront en définitive disponibles pour garantir la souveraineté française sur les vastes ZEE ultramarines et, plus précisément, sur les moyens et les actions concrètes envisagées pour la mise en oeuvre des orientations stratégiques tracées au mois de décembre par le Premier ministre. Nous souhaitons nous assurer que ces annonces ne se limiteront pas, une fois encore, au discours. Le temps est venu de ne pas seulement « glorifier » les potentiels des outre-mer mais d'en concevoir la valorisation concrète !
Notre secrétariat vous a fait parvenir une trame destinée à servir de fil conducteur à votre propos et à nos échanges ; ce document vient de vous être remis, mes chers collègues.
Monsieur le Secrétaire général de la mer, je vous cède la parole.
Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation. Je vous propose, dans un premier temps, de vous resituer le contexte de l'action du CIMER et de la politique maritime.
En Europe, se met progressivement en place une politique maritime intégrée (PMI), avec la volonté de ne plus se borner à mettre en oeuvre des politiques sectorielles, par exemple une politique de la pêche, une politique du milieu naturel, une politique des transports, de la protection du littoral, mais de faire en sorte que ces politiques soient appréhendées dans une vision globale. M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports et à l'économie maritime, a indiqué à plusieurs reprises que la France s'inscrit tout à fait dans le cadre de cette politique intégrée.
Cette politique maritime intégrée est mise en oeuvre à travers plusieurs volets. On parlera d'énergie marine renouvelable, de protection de la pêche, des ressources halieutiques, de la recherche dans les grands fonds marins, de délimitation maritime et de souveraineté. C'est là que le rôle du secrétariat général de la mer, placé directement auprès du Premier ministre, est important, car il est chargé de coordonner l'ensemble de ces politiques maritimes, et notamment les sujets régaliens que je vais évoquer.
Le CIMER du 2 décembre 2013, puis le Premier ministre dès le lendemain lors des Assises de l'économie maritime et du littoral, ont insisté sur l'action indispensable de l'État, non seulement pour faire appliquer les lois, mais surtout pour favoriser le développement économique. La sécurisation des espaces, que ce soit sur le plan juridique - avoir des délimitations bien fondées -, sur le plan de la souveraineté - avoir des frégates, des vedettes ou des patrouilleurs là où cela est nécessaire -, doit être au service du développement économique, de la métropole comme des outre-mer. Je rappelle que 97 % des onze millions de km2 de notre ZEE se situent outre-mer.
Le CIMER du 2 décembre a pris un certain nombre d'orientations, certaines dans la continuité du précédent qui s'était tenu en juin 2011 à Guérande, et d'autres, nouvelles.
Je précise que le Premier ministre nous a fait part de son intention d'organiser à l'avenir un CIMER au moins tous les deux ans, permettant ainsi de mieux faire avancer les dossiers.
La trame que vous m'avez proposée me suggère d'évoquer les espaces maritimes.
Plusieurs sujets sont inclus dans cette notion. Il y a d'abord un sujet général de définition. La convention de Montego Bay de 1982, ratifiée par la France en 1996, prévoit un certain nombre d'espaces. Or, en droit positif français, ces espaces sont définis dans des textes épars. Nous souhaiterions que l'ensemble des dispositions soient regroupées dans un même texte qui serait une loi sur les espaces maritimes. Le principe en a été acté lors du CIMER. Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour législatif, il a été décidé de profiter du dépôt du projet de loi sur la biodiversité pour inclure dans celui-ci un article d'habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances sur les espaces maritimes. Le texte qui en résultera définira précisément la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental.
Le second sujet porte sur la délimitation qui a pour objectif de connaître précisément les espaces de chaque pays. C'est un sujet à la fois juridique, diplomatique et physique.
Il faut d'abord définir les lignes de base pour en déduire les différentes zones (mer territoriale, zone contiguë, ZEE). Dans le cas d'une mer ouverte, le travail est relativement aisé. Par contre, si nous prenons le cas de la métropole ou de certains outre-mer, la limite des 200 milles marins peut devenir source de controverses. À titre d'exemples, je vous citerai les débats entre la France et la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Espagne concernant ces délimitations dans le golfe de Gascogne ou le golfe du Lion. Il faut se livrer à un travail diplomatique mais aussi à un travail physique de recherche, notamment dans le cadre de l'extension du plateau continental.
Une fois ces étapes franchies, un premier décret définissant les lignes de base doit être pris et notifié aux Nations-Unies. Il est alors opposable aux pays tiers. Ensuite, il faut de nouveaux décrets pour définir les autres limites. Je vous ferai parvenir un tableau détaillant précisément, par zone, l'état d'avancement des différentes procédures.
Lors d'une récente réunion en présence de tous les ministères concernés, nous avons procédé à un recensement. Force est de constater que beaucoup de travail reste à faire. Nous nous sommes aperçus que parfois des cartes avaient été notifiées sans que les lignes de base aient été préalablement définies.
Pour la métropole, les délimitations physiques sont établies mais les décrets ne sont pas publiés. Pour la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les décrets sont sortis et les lignes de base définies et notifiées. Pour la Guyane, les lignes de base sont connues mais n'ont pas été notifiées. Nous avons beaucoup de retard pour toute la zone du sud de l'Océan indien (La Réunion, les Îles Éparses de Tromelin, Europa,...), alors même que c'est une zone où il y a des enjeux importants et des conflits de souveraineté. Pour les Îles Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam, c'est en cours. Nous sommes à jour pour la Nouvelle-Calédonie. Pour Wallis-et-Futuna, les lignes de base sont définies mais le décret n'a pas été notifié. Contrairement à Clipperton, tout est réglé pour la Polynésie. Je vous ferai parvenir un tableau détaillé de l'avancement des procédures.
Je voudrais illustrer les difficultés en prenant l'exemple du canal du Mozambique, entre Madagascar et la côte du sud-est de l'Afrique. C'est une zone où vont s'effectuer de nombreuses recherches gazières et pétrolières, qui est également une zone de pêche. Lorsque l'on surprend un bateau, soit en position de pêche, soit en position de recherche sismique, il nous faut être certain d'être dans une zone française. L'an passé, un procès-verbal a été dressé lors du contrôle d'un chalutier dans les mers australes. Le bateau a été dérouté vers La Réunion. Depuis, les armateurs nous disent que nous étions hors ZEE française. Ce cas concret vous montre la nécessité d'avoir des limites bien définies.
Vous me demandez ce que recouvrent précisément les mesures annoncées, relatives au régime d'autorisation préalable des activités menées dans la ZEE. La réglementation applicable aux activités entreprises dans la ZEE est quasi inexistante. Le Gouvernement a la volonté de créer un régime d'autorisation, par exemple dans le cas de pose de pipe-line, de câbles, de création de plates-formes pour les énergies renouvelables, qui sera inclus dans le projet d'ordonnances.
Cette volonté de régulation a également pour but de mieux organiser la recherche scientifique marine et de s'assurer que les données collectées sont bien transmises à l'État ou à ses opérateurs, notamment le Service hydrographique et de la marine (SHOM), l'IFREMER ou Météo-France.
Le Gouvernement a préparé un projet de décret relatif à la recherche scientifique marine mais il y a un chaînage avec une disposition prévue dans la loi « biodiversité ». Une fois la loi « biodiversité » promulguée et l'ordonnance prise, le décret pourra être publié.
Votre question suivante porte sur le programme national de recherche et d'accès aux ressources minérales des fonds marins. Nous constatons l'empressement, l'appétit, de certains pays pour avancer dans la recherche des fonds marins. Des pays comme la Chine, l'Australie, le Royaume-Uni et l'Allemagne en Europe, ou le Brésil, ont des programmes de recherche dans les grands fonds. Vous connaissez l'argumentation traditionnelle : « les ressources à terre sont de plus en plus rares, leur exploitation de plus en plus difficile, il faut se tourner vers les fonds marins ». Toutefois, il faut être prudent. C'est techniquement compliqué et coûteux. Il faut que le prix des ressources devienne très élevé pour que la recherche sous-marine soit rentable. Il faut également ne pas avoir une vision égoïste et aveugle par rapport à l'environnement. Ces recherches devront se faire dans le respect des procédures et du milieu.
Nous devons garder présente à l'esprit l'existence d'un double régime juridique. Lorsque nous sommes dans la ZEE française, nous sommes libres de mener des recherches. Lorsque nous sommes dans la zone internationale, il faut saisir l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) qui siège en Jamaïque à Kingston.
La semaine dernière, avec tous les ministères concernés, nous avons mis en place une taskforce qui se réunira tous les six mois et s'occupera des fonds marins.
Nous sommes sur trois théâtres d'opération : Wallis-et-Futuna correspond au projet le plus avancé ; Clarion-Clipperton en mer internationale (nodules polymétalliques) pour lequel nous avons obtenu un permis en 2011, valable jusqu'en 2016 et éventuellement prolongeable ; et plus récemment au milieu de l'Atlantique, sur la ride médio-atlantique, nous avons obtenu un permis pour lequel il nous appartient de lancer une campagne de recherche afin de valider celui-ci. Demain, je rencontrerai M. Francis Vallat, le président du Cluster maritime français (CMF) et les représentants de plusieurs entreprises pour évoquer Wallis-et-Futuna. C'est l'IFREMER qui va signer une convention pour le compte de l'État avec l'AIFM. Nous travaillons à l'horizon 2020, 2025, voire 2040. L'évolution du prix des matières premières jouera un rôle important. C'est compliqué techniquement, mais l'intérêt pour la France est triple : disposant de la deuxième ZEE du monde, nous aurons des réserves chez nous ; nous avons des entreprises très pointues capables d'exploiter pour elles-mêmes ou pour d'autres ; ces entreprises peuvent exporter leur savoir-faire.
Monsieur le président, vous m'avez posé la question de l'extension du plateau continental. La convention de Montego Bay prévoit que, sous certaines conditions, il peut être étendu - de mémoire - de 150 nautiques supplémentaires à partir du droit de la ZEE s'il y a une continuité du fond géologique, sous réserve de l'accord d'un organisme onusien. Cette procédure peut prendre des années car une demande peut être contestée par un pays voisin qui établit un contre-dossier. Il faut alors un arbitrage. Nous vous enverrons la liste des projets d'extension du plateau continental.
Notre actualité, le Président de la République l'a rappelée, c'est Saint-Pierre-et-Miquelon. La France fera une demande d'extension. Le Canada a fait la même demande. Il y aura donc un sujet diplomatique entre nos deux pays.
Par ailleurs, l'extension de la ZEE française représenterait 1 500 000 km2 supplémentaires. Il faut savoir qu'en faire...
Vous m'interrogez sur la sécurisation et la souveraineté des espaces maritimes. En France, la situation est compliquée car plusieurs administrations sont chargées de la police en mer. La France se caractérise par une mosaïque administrative : la gendarmerie, la police, les affaires maritimes, les douanes, la marine nationale. Toutes ces administrations concourent à des degrés divers à l'action de l'État en mer. À défaut d'autorité garde-côtes, une fonction garde-côtes a été créée en 2009 pour faire travailler ensemble ces divers services. Compte tenu de la tradition française, nous n'avons pas entrepris de les fusionner dans une seule administration. Nous avons mis en place une mutualisation des moyens, défini des pratiques similaires, créé un logo commun, le tout avec un exécutif commun qui est le comité directeur de la fonction garde-côte que je préside. Ce comité se réunit plusieurs fois par an avec le chef d'État-major de la marine, la directrice générale des affaires maritimes, et la directrice générale des douanes.
En tant que président du comité directeur, je n'ai pas de pouvoir budgétaire. Chaque administration est maîtresse de ses moyens - c'est l'esprit de la LOLF -, a ses propres objectifs et ses propres contraintes. Nous constatons qu'en période de contrainte budgétaire, nous avons plutôt du mal à renouveler les moyens et à les moderniser. Par ailleurs, le Livre blanc ne concerne que les moyens de la défense nationale ; il ne concerne pas ceux des Douanes.
Face à cela, nous avons des besoins immenses pour assurer notre souveraineté et l'application du droit dans notre ZEE. Toutefois, nous essayons d'avancer. Nous avons préparé le format global de la fonction garde-côtes qui est un genre de schéma directeur des moyens et fait en sorte que les capacités dont nous avons besoin soient présentes. Vous dire qu'à un instant « T », on y arrive toujours serait inexact. Mais les P400 vont être remplacés ; en Guyane, où l'on a d'énormes problèmes de contrôle des pêches, il y aura une barge remonte-filets supplémentaire ; dans l'Océan indien, le dispositif conventionnel du patrouilleur des affaires maritimes Osiris, exploité selon un partenariat public-privé, vient d'être renouvelé pour trois ans.
Le CIMER a décidé d'acquérir trois B2M qui sont des bâtiments multi-missions robustes, disposant d'une plate-forme pour l'accueil des hélicoptères, susceptibles d'assurer le contrôle des pêches, le secours aux populations et la logistique. L'un est destiné à la Polynésie, l'autre à la Nouvelle-Calédonie, le troisième aux Antilles. Une tranche conditionnelle d'un bâtiment supplémentaire est prévue.
Il est possible de réaliser des efforts de productivité. Il y a aussi des moyens aériens, notamment ceux de la Douane qui est en train de les renouveler dans leur quasi-totalité. Il est par ailleurs possible de faire appel à la sécurité civile, l'armée de terre ou de l'air dans le cadre de la mutualisation.
Nous disposons d'une vaste ZEE, la deuxième du monde. Elle crée des droits, des atouts, mais aussi des vulnérabilités. Nous devons être présents face à des États de plus en plus actifs. Au large de l'Afrique, dans la zone du canal du Mozambique, la Chine et l'Inde sont de plus en plus présentes.
Volontairement, je n'ai pas abordé le problème de la piraterie qui n'est pas le sujet de notre réunion.
Serge Larcher, président. - Monsieur le Secrétaire général de la mer, nous vous remercions pour cet exposé très complet.
Vous nous avez dit que sur tel ou tel territoire le dossier de délimitation était bouclé et notifié. En quoi consiste cette notification ?
La notification, déposée à l'ONU, a pour effet de rendre la délimitation opposable. Si quelqu'un est surpris à faire de la pêche clandestine au large de Crozet, la délimitation notifiée, et donc opposable, nous permet d'intervenir.
Elles ne sont pas rares. Les cas où l'on prend un bateau en flagrant délit ne sont pas extrêmement nombreux. C'est aussi le jeu du « pas vu, pas pris ». Il y a de la pêche illégale qui n'est pas repérée.
Votre intervention, synthétique, nous a éclairés sur un certain nombre de points. La ZEE française représente 11 000 000 millions de km2. Sur quelles bases ce chiffre a-t-il été déterminé ?
Nous avons reçu, dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de la défense, le chef de l'État-major de la marine qui considère que, pour être efficace en termes de sécurisation et de protection, le contrôle supposerait l'utilisation de la totalité des moyens militaires français. Si vous confirmez cette analyse, sur quelles zones faut-il focaliser les moyens ?
La myriade d'intervenants comporte le risque d'une présence excessive ou insuffisante selon les zones. Une politique intégrée est nécessaire pour optimiser nos faibles ressources, financières et humaines.
Il faut distinguer le travail de délimitation physique - les cartes marines existent - du travail juridique en amont de la procédure qui n'a pas été fait ou doit être précisé.
En ce qui concerne les moyens, il y a le souhaitable et le possible. Nous essayons de faire en sorte que ce qui est souhaitable soit possible. S'il a des défauts, le système français offre les avantages de la mutualisation. La même frégate peut se livrer au contrôle des pêches, participer à la lutte contre la pollution, mener des actions guerrières ou porter secours à un chalutier ou aux populations.
La redondance des moyens doit être relativisée car la coordination est organisée. En métropole, nous avons des préfets maritimes. Chacun d'entre eux est responsable d'une zone précise : celui de Cherbourg couvre une zone qui s'étend de la frontière belge au Mont-Saint-Michel ; celui de Brest couvre une zone du Mont-Saint-Michel à la frontière espagnole ; celui de Toulon contrôle de la frontière espagnole à la frontière italienne. Il y a un patron de tout l'opérationnel par zone. En outre-mer, le préfet est également « préfet, délégué du Gouvernement pour l'action en mer ». Il coordonne l'ensemble des moyens nautiques et aériens. L'ensemble est coordonné au niveau central par le Secrétaire général de la mer.
J'ai deux questions. L'une est dans le prolongement de la question de mon collègue : pourriez-vous nous préciser sur quelles bases vous décidez de mettre l'accent sur telle ou telle zone ? Quelles sont vos priorités : l'Atlantique, le Pacifique ?
Un rapport constatait en 2006 que les territoires d'outre-mer étaient peu tournés vers la mer alors que nous avons des taux de chômage relativement élevés. Les choses ont-elles évolué depuis ce rapport ? Quelles sont les politiques qui permettraient à nos territoires de profiter de leurs atouts ?
Nous travaillons à partir des rapports des préfets et des préfets maritimes. Tous les deux ans, se tient une conférence maritime régionale. À cette occasion, nous examinons les sujets sur lesquels nous devons porter plus particulièrement notre attention. Pour la Guyane, la priorité est l'organisation de la filière pêche et la lutte contre la pêche clandestine. Le deuxième sujet important concerne les recherches pétrolières. Le troisième sujet concerne la réforme du port. Pour Mayotte, notre principal sujet de préoccupation concerne l'immigration clandestine. Il nous faut analyser, zone par zone, les besoins spécifiques.
En ce qui concerne l'emploi, vous avez raison, les populations sont souvent d'origine rurale, agricole, même si cela est moins vrai en Polynésie. À La Réunion ou en Guyane la population n'est pas systématiquement tournée vers la mer. Il faut donc faire de la formation, développer l'aquaculture. Il faut structurer la filière pêche, qu'elle soit artisanale ou de plaisance. Il y a un projet de port de plaisance écologique à la Martinique. Il y a également des projets de valorisation à La Réunion. Chaque collectivité, chaque département, par le biais des conférences maritimes régionales et des Assises de la mer et du littoral, peut regarder quelles sont ses forces et ses faiblesses, voir où porter ses efforts. Effectivement, il y a un gisement d'emplois, de développement économique qu'il faut développer. En Martinique, il y a une école maritime où l'on apprend la pêche. À La Réunion, il faut développer la pêche dans les mers australes, l'aquaculture et, éventuellement, à l'avenir, la recherche pétrolière ou dans les grands fonds.
Ma première question porte sur l'évaluation de la ressource et notamment en termes de financement de la recherche. Y-a-t-il du nouveau depuis le précédent CIMER ?
Ma deuxième question est en relation avec le rapport du Sénat de juillet 2012 sur la maritimisation des espaces maritimes. La dimension politique du lien entre la métropole et les outre-mer y était évoquée. Deux des trois collectivités d'outre-mer dans le Pacifique disposent de ministères locaux chargés de la mer et des ressources maritimes. Il y a des superpositions de politiques maritimes et des risques de contradictions. Comment cela s'articule-t-il avec votre dispositif ?
J'ai participé à la conférence maritime régionale de 2010 et, depuis, je n'ai pas eu de nouvelles. C'est un sujet d'autant plus sensible lorsque les territoires, comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, figurent sur la liste des territoires non autonomes des Nations-Unies.
Les nouveautés du dernier CIMER s'insèrent dans le projet de loi sur les espaces maritimes, les mesures d'autorisation et de régulation des ZEE dont il faudra vérifier qu'elles s'appliquent dans les collectivités d'outre-mer, les projets de décret sur la recherche scientifique marine. Tout ceci constitue un bloc de préparation et de sécurisation juridique des espaces.
Les crédits alloués à la recherche sont ouverts au cas par cas, programme par programme. Quelques millions d'euros seront versés à l'IFREMER dans le cadre de la convention sur la ride médio-Atlantique. Demain, comme je vous l'ai indiqué précédemment, je rencontrerai le secteur privé pour Wallis. Chaque plan de financement est un peu compliqué à boucler. Cependant, le rapport de Mme Anne Lauvergeon sur les grands projets d'innovation fait figurer la recherche dans les grands fonds au nombre des dix premières priorités.
Je n'ai pas été saisi et je n'ai pas mandat pour m'exprimer sur le sujet de la souveraineté des pays par rapport à l'État. C'est une question qui doit être traitée au niveau politique. Cette question se posera également pour les grands fonds.
Je remercie le ministère de la mer et le Secrétaire général de la mer pour l'organisation des Assises de la mer. Wallis-et-Futuna a pu se démarquer de la Nouvelle-Calédonie et faire remonter ses propres préoccupations et analyses. Il a été tenu compte de notre travail, de nos réflexions. Cette considération pour le travail de notre collectivité est une avancée assez importante pour nous.
Les conférences maritimes de Nouvelle-Calédonie ne s'intéressent pas beaucoup aux préoccupations de Wallis-et-Futuna. J'en ai parlé ce matin encore à M. Frédéric Cuvillier. Il faudrait trouver une solution qui permette de mieux les prendre en compte.
Pensant que nous étions les seuls à avoir des problèmes de délimitation des zones économiques, j'envisageais de poser une question à ce sujet. Le tableau que vous nous avez présenté montre que de nombreuses zones restent à définir et à notifier. Sur les cinq États qui entourent Wallis-et-Futuna, il y en a deux avec lesquels nous n'avons pas encore défini de limites propres. Quelles sont les raisons de ce retard ?
Concernant l'extension du plateau continental, nous sommes en retard dans les démarches vis-à-vis des Nations unies. Les difficultés diplomatiques pour les négociations concernant l'hexagone sont-elles les mêmes que dans le Pacifique, par exemple pour Wallis avec les Îles Tokelau ou Tuvalu ?
Sur Wallis-et-Futuna, le décret portant ligne de base vient d'être publié. C'est le décret n° 2013-1176 du 17 décembre 2013. Il est en cours de notification. La première partie du travail est faite.
C'est le ministère des affaires étrangères qui est compétent lorsque des difficultés diplomatiques surgissent en matière de délimitation des ZEE.
Sur le plateau continental, je vous confirme que la demande de Wallis-et-Futuna est en instance devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC). Mais il y a un énorme retard. Le dernier dossier définitivement traité a été déposé le 4 mai 2009. Tous les dépôts postérieurs à cette date n'ont pas été traités. Pour un dossier déposé aujourd'hui, il faut attendre au moins cinq ou six ans, et encore s'il n'y a pas de difficultés...
Je vous prie d'excuser mon retard, en raison de l'audition M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, par la commission à laquelle j'appartiens.
La France dispose, presque à l'équivalent des États-Unis et pour l'essentiel en outre-mer, de la zone économique exclusive la plus importante du monde. A-t-on les moyens d'assurer sa sécurité et de préserver nos intérêts ?
Je suis un élu de Seine-Maritime. Il y a cinquante ans, de nombreux chalutiers partaient vers Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans le passé, n'a-t-on pas été trop laxistes avec le Canada lors des négociations sur le partage des zones ?
Par ailleurs, l'aquaculture est un secteur d'avenir, et particulièrement pour l'outre-mer. Or, on a fait de plus en plus de classements de sites. Cela ne risque-t-il pas d'entraîner des retards dans l'implantation des zones aquacoles ?
Nous disposons d'un format global des moyens d'action de l'État en mer. Nous avons quelques difficultés de financement mais un programme de renouvellement des moyens est en cours qui permettra notamment l'acquisition de trois B2M. Nous favorisons la mutualisation des moyens et l'optimisation de leur utilisation.
Les limites de la ZEE au niveau de Saint-Pierre-et-Miquelon sont fixées. La demande actuelle porte sur l'extension du plateau continental, sachant qu'il semble qu'il y ait du pétrole dans ces zones. Cette demande doit être faite au niveau de la CLPC. Le Président de la République a confirmé à votre collègue Karine Claireaux et à la députée Annick Girardin qu'une demande serait faite en 2014. Le Canada a également déposé une demande. Nous savons que lorsque deux demandeurs ne sont pas d'accord, la procédure peut être longue.
En ce qui concerne l'aquaculture, cette question n'étant pas de mon ressort, je vous invite à prendre contact avec le ministère de l'agriculture.
Serge Larcher, président. -Mes chers collègues, il ne nous reste plus qu'à remercier monsieur le Secrétaire général de la mer pour son excellente contribution. Peut-être serons-nous amenés à nous revoir. L'outre-mer est un vaste domaine, complexe, et nous voyons à travers la problématique des ZEE que l'enjeu est extraordinaire et les outre-mer un atout pour notre pays. C'est la raison qui nous a amenés à conduire cette étude.
Serge Larcher, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Gérard Grignon, président de la délégation à l'outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et auteur d'un excellent rapport publié en octobre 2013 sur l'extension du plateau continental. Monsieur le président, vous êtes originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon et, précisément, nous évoquions avec le Secrétaire général de la mer les perspectives d'extension du plateau continental de ce territoire et les risques de contestation par le Canada.
La Délégation à l'outre-mer du Sénat travaille actuellement sur le thème des zones économiques exclusives (ZEE), sujet majeur car, vous le savez, le chiffre d'affaires des activités maritimes s'élève à 1 500 milliards d'euros, ce qui en fait le deuxième secteur économique mondial après l'agroalimentaire. Or, la mer c'est l'outre-mer ! C'est en effet par ses territoires ultramarins que la France occupe le deuxième espace maritime au monde. On a pris l'habitude de reprocher à l'outre-mer d'être complètement dépendant de l'hexagone, alors qu'il peut apporter beaucoup, notamment grâce sa ZEE prolongée par les extensions de son plateau continental prévues par l'article 76 de la convention de Montego Bay.
Le rapport et l'avis du CESE traitent exclusivement de l'espace constitué par le sol et le sous-sol marin au-delà des 200 milles de la ZEE, et dont la colonne d'eau surjacente est située dans la Zone, espace maritime géré par l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) au bénéfice de la communauté internationale. Ce plateau continental étendu peut aller jusqu'à 350 milles des côtes.
Grâce aux territoires ultramarins, présents sur quatre océans, la France a la possibilité d'acquérir des droits souverains sur les ressources du sol et du sous-sol marins de près de deux millions de km2 supplémentaires, soit quatre fois la superficie du territoire national, outre-mer compris, venant s'ajouter aux 11 millions de km2 de la ZEE.
La convention de Montego Bay de 1982, qualifiée de véritable constitution des océans ratifiée par 165 États - dont l'Union européenne - dispose en effet en son article 76 que les pays côtiers peuvent étendre leur juridiction sur le plateau continental plus loin que les 200 milles lorsque le rebord externe de leur marge continentale s'étend au-delà. Les demandes d'extension sont étudiées par la commission des limites du plateau continental (CLPC), instance scientifique composée de 21 spécialistes de géophysique, d'hydrographie et de géologie, élus par les États parties à la convention. Il revient à l'État côtier d'apporter les preuves scientifiques justifiant des limites extérieures de son plateau continental étendu. La CLPC est opérationnelle depuis 2000 ; les dossiers qu'elle examine ne sont pas politiques mais uniquement scientifiques. Les pays côtiers disposaient de dix ans après la date de ratification de la convention de Montego Bay pour déposer leur demande d'extension.
L'Australie, qui possède la troisième superficie maritime au monde, a déjà déposé toutes ses demandes et obtenu de la CLPC des recommandations favorables à une augmentation de son plateau continental de 2 500 000 km². Les estimations du Service hydrographique et de la marine (SHOM) et de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) portent à 2 millions de km2 supplémentaires les extensions possibles pour la France dans le cadre de l'article 76 de la convention dont 97 % grâce aux territoires ultramarins. L'extension du plateau continental de l'hexagone se limite en effet au golfe de Gascogne, soit 80 000 km² que nous avons obtenus lors du dépôt d'un dossier commun avec le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Irlande, mais qui ne sont pas encore répartis.
Les enjeux de l'extension du plateau continental au-delà des 200 milles marins sont importants puisqu'ils portent sur :
- l'affirmation de la juridiction française sur l'espace du plateau continental et de ses droits souverains sur ses ressources naturelles ;
- la connaissance et la préservation de ses ressources et de l'environnement marin dans le cadre d'un développement durable ;
- la mise en valeur de l'espace du plateau continental étendu et des ressources qu'il renferme au bénéfice des collectivités ultramarines et des populations ;
- et sur le renforcement du rôle géostratégique de notre pays et de l'Union européenne dans le monde.
La France a ratifié la convention de Montego Bay en 1996 ; elle avait donc jusqu'en 2006 pour déposer tous ses dossiers, cette échéance ayant été reportée à mai 2009 par la CLPC. Pour ce faire, notre pays a mis en place le programme dit d'extension raisonnée du plateau continental (EXTRAPLAC).
Quel est le bilan du programme dix ans après son lancement ? Cinq demandes (relatives au Golfe de Gascogne, à la Guyane, à la Nouvelle-Calédonie pour une partie seulement, aux Antilles, et à Kerguelen) ont été déposées et ont fait l'objet de recommandations de la CLPC. Quatre demandes (concernant l'Archipel de Crozet, La Réunion, les îles Saint-Paul et Amsterdam ainsi que Wallis-et-Futuna) sont en attente d'examen devant la commission, celle de Wallis-et-Futuna n'ayant été déposée qu'en décembre 2012. Les demandes portant sur Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie sont à déposer à la suite des informations préliminaires adressées à la CLPC en mai 2009. Une information préliminaire sur Clipperton a été déposée puis retirée deux jours après et le dossier de Terre Adélie fait l'objet de réserves de droits de dépôt pour l'avenir. Enfin, six dossiers n'ont pas été déposés : ils concernent Saint-Barthélemy, Saint-Martin, les îles Glorieuses, Juan de Nova, Bassas de India, Europa et Mayotte.
Au final, la souveraineté sur les ressources naturelles de 600 000 km² supplémentaires environ a été à ce jour obtenue. Les auditions que nous avons menées nous ont conduits à dresser un bilan mitigé d'EXTRAPLAC. Le CESE estime ainsi que le budget du programme était insuffisant pour atteindre les objectifs fixés par les Comités interministériels à la mer (CIMER) successifs, ces derniers ne s'étant pas réunis une seule fois entre 2003 et 2009, période de l'exécution du programme...
L'objectif initial était de déposer l'ensemble des dossiers avant le 13 mai 2009, de disposer d'une connaissance des ressources (hydrocarbures, sulfures hydrothermaux, encroûtements cobaltifères, terres rares etc.) du sol et du sous-sol marins du plateau continental étendu, de coordonner les actions des différents ministères concernés et de publier les limites extérieures du plateau continental étendu dans le cadre des recommandations de la CLPC. Or, aucune de ces limites n'a été publiée à ce jour. À quoi bon obtenir des droits souverains sur 600 000 km2 supplémentaires ou sur 2 millions de km2 demain si nous n'en faisons rien ?
Pour atteindre les objectifs fixés par les différents CIMER et permettre à la France de mettre en oeuvre une véritable politique maritime, le CESE préconise, d'une part, de finaliser le programme EXTRAPLAC et, d'autre part, d'adopter une attitude exemplaire de la France face à ce nouvel espace maritime.
La finalisation du programme EXTRAPLAC suppose :
- que son financement soit assuré. L'enveloppe globale d'une vingtaine de millions d'euros engagée par la France nous est apparue faible comparée aux 100 millions d'euros engagés par le Canada et aux 40 millions d'euros du Danemark ;
- de déposer auprès de la CLPC les demandes relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon et à la Polynésie Française, cette dernière représentant la moitié de l'extension de plateau continental susceptible d'être demandée. Je ne reviendrai pas sur Clipperton où la souveraineté française et contestée par le Mexique, ni sur la contestation des îles Matthew et Hunter par le Vanuatu qui a conduit à déposer le dossier relatif à la Nouvelle-Calédonie en deux parties ;
- de publier, au fur et à mesure et dans les meilleurs délais, les limites sur la base de recommandations émises par la CLPC afin de les rendre opposables aux pays tiers. Cela permet par exemple de sécuriser les compagnies pétrolières au large de la Guyane, région pour laquelle nous avons obtenu une recommandation de la CLPC en 2009 et où rien n'a encore été publié... La publication des limites n'a pas été budgétée alors que pour la plupart des régions elle nécessite la conclusion ou la finalisation d'accords de délimitation avec les pays voisins ;
- de conforter les moyens budgétaires et humains de la CLPC - sujet évoqué lors du CIMER de 2013. Notre délégation estime inconcevable qu'un pays doive attendre quinze ou vingt ans avant de voir son dossier examiné, comme ce sera le cas des dernières demandes déposées par la France. N'avoir pas été en mesure de déposer nos dossiers avant mai 2009 a fait prendre à la France un retard considérable pour les dossiers qui ont fait l'objet de demandes préliminaires. Par exemple, si le dossier de Saint-Pierre-et-Miquelon était déposé, il ne serait pas étudié avant 2030 compte tenu du rythme de travail de la CLPC. Quant au dossier polynésien, je doute qu'il soit déposé en 2014 comme cela était prévu car aucune étude n'est faite pour prolonger celles menées aux Marquises ; il ne le sera peut-être qu'en 2015. Or, le Canada qui vient de déposer son dossier est déjà en soixante-dixième position sur la liste des demandes adressées à la commission et cette dernière n'examine actuellement - me semble-t-il - que les dossiers du dix-huitième au vingt-et-unième pays demandeurs... Le dossier canadien ne sera donc pas traité avant 2026.
Au-delà de la finalisation du programme EXTRAPLAC, le CESE a formulé des préconisations relatives à la politique maritime de la France qui intéressent aussi la gestion de la zone économique exclusive.
Nous recommandons d'engager un programme national, pluridisciplinaire et ambitieux portant sur la connaissance, l'identification et la quantification des ressources du sol et du sous-sol du plateau continental étendu. En effet presque rien n'a été fait sauf aux Marquises très récemment, à Wallis-et-Futuna et dans le cadre du programme EXTRAPLAC auquel, du fait du manque de moyens, se sont associés des organismes comme TECHNIP ou l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles. Il n'y a pas eu de programme national d'identification des ressources du plateau continental étendu ni, a fortiori, de la zone économique exclusive.
Enfin, nous recommandons également de mettre en place, en lien avec le « programme mer », un programme de recherche scientifique marine avec pour objectif la connaissance des écosystèmes et des milieux marins car, en touchant au milieu marin, en particulier en eaux profondes, on risque d'occasionner des perturbations considérables. Il faut concilier connaissance des ressources et connaissance des écosystèmes et des habitats marins. Ces programmes ambitieux coûtent de l'argent et nous considérons que l'Union européenne et le secteur privé doivent y être associés.
Si la connaissance de la vie en milieu marin est un préalable incontournable aux activités d'exploration et d'exploitation des ressources, le devoir de notre pays est aussi d'être exemplaire dans l'encadrement juridique de ces dernières. C'est d'autant plus indispensable que notre code minier - dont la réforme est un véritable serpent de mer - est désuet ; il doit être adapté à la situation spécifique des espaces maritimes. Je rappelle qu'en 1993, mesdames et messieurs les parlementaires avez voté la fin de la fiscalité sur l'exploitation des hydrocarbures offshore. On a purement et simplement supprimé la ligne du code minier établissant cette fiscalité. Aussi, en qualité de député de Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité qui a la maîtrise de sa fiscalité, j'ai, lors de l'examen de la loi de finances pour 1997, fait adopter un amendement instituant une redevance sur les exploitations d'hydrocarbures au large des côtes dont le taux et l'assiette étaient fixés par le conseil général (par le conseil territorial aujourd'hui). Cette disposition est le seul cas d'espèce dans la République française, sous réserve de l'amendement voté à l'initiative de votre collègue M. Georges Patient, sénateur de la Guyane, prévoyant une redevance d'un maximum de 12 % sur la production d'hydrocarbures offshore. Mais quel en sera exactement le taux ? Qu'entend-on par production ? Cet amendement est-il toujours valable dans le cadre de la réforme du code minier proposé par M. Thierry Tuot ?
Ayant eu des entretiens avec différents responsables locaux, nous avons aussi constaté que, la plupart du temps, les élus des territoires ultramarins ont été tenus à l'écart du programme EXTRAPLAC. À Wallis-et-Futuna, ils n'avaient même pas été prévenus de la venue du bateau de l'IFREMER pourtant chargé de recherches d'une importance toute particulière. Lorsqu'ils ont voulu en savoir plus et visiter ce bateau, les services de l'État leur auraient même fait quelques difficultés. Nous recommandons donc que les exécutifs des différentes collectivités ultramarines soient étroitement et constamment impliqués dans les décisions et opérations qui touchent à la politique de la mer et que les acteurs de la société civile y soient associés.
De la même façon, il conviendra de prendre les dispositions permettant à nos territoires ultramarins d'accéder à des ressources nouvelles et à la création des activités économiques susceptibles de compenser leurs handicaps structurels. En tant que de besoin, des dispositions législatives et réglementaires relatives aux compétences des collectivités ultramarines devront être adaptées en ce sens et effectivement appliquées.
Les travaux que vous menez sont complémentaires des nôtres. Il faut que tout cela débouche sur une sensibilisation réelle des grands élus et des responsables nationaux quant à la nécessité de mener une politique digne du pays qui dispose du deuxième espace maritime du monde.
Considérant la nécessité d'une approche écosystémique, concertée et collaborative des questions maritimes, leur forte dimension interministérielle et l'éclatement des crédits budgétaires qui leur sont consacrés, nous préconisons que la politique de la mer soit pilotée par un haut-commissaire ayant rang de ministre placé sous l'autorité directe du Premier ministre et s'appuyant sur une administration étoffée dirigée par le secrétaire général à la mer.
Voici résumé l'essentiel du rapport du CESE dont vous avez tous été destinataires.
Serge Larcher, président. - Merci pour cette présentation. Vous établissez un lien entre la suppression en 1993 de la ligne consacrée à la fiscalité de l'exploitation de pétrole offshore et le rapport de M. Thierry Tuot sur la réforme du code minier. Or, ce type de dispositions ne relèvent-elles pas de la loi de finances plutôt que du code minier ?
Mon amendement de 1997 relatif à Saint-Pierre-et-Miquelon a été adopté en loi de finances et s'est traduit par une modification du code minier. De même, pour 1993, reprenez les débats parlementaires : c'est bien lors de l'examen de la loi de finances que la ligne du code minier sur la fiscalité des exploitations d'hydrocarbures a été supprimée par un amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Philippe Auberger, rapporteur général du budget.
Le rapport sur la réforme du code minier préconise une répartition de la fiscalité à raison de 70 % pour les collectivités et 30 % pour l'État.
Quant au rapport du CESE, il propose des transferts de compétences. Or, la loi d'orientation pour l'outre-mer avait déjà prévu - par exemple pour la Guyane - que les permis soient délivrés par le conseil régional, mais les décrets d'application n'ont pas été pris. Par quels moyens législatifs ou réglementaires pensez-vous que des avancées pourront être faites sur ces sujets ?
Cette question sort un peu de notre travail. Il faut distinguer les territoires comme la Nouvelle-Calédonie qui est à même de délivrer les permis et qui élabore son propre code minier - il en est un peu de même en Polynésie - et les collectivités pour lesquelles la compétence de délivrance des permis a été transférée sans que les décrets soient pris. C'est par exemple le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais au-delà de la compétence juridique, il faut disposer de la capacité effective d'attribuer les permis, ce qui nécessite de disposer des personnels administratifs et juridiques adaptés en nombre et en compétences. À Saint-Pierre-et-Miquelon, une société pétrolière a demandé un permis il y a quatre ou cinq ans et aucune décision n'a encore pu être prise. Il n'est tout de même pas normal que l'on paralyse la vie économique d'un pays parce qu'un décret n'est pas pris ou faute de concertation entre l'État et la collectivité ! Le dossier est entre les mains des ministères de l'industrie et de l'écologie. Certes on a pu dire qu'il n'y avait pas de pétrole à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais on sait aujourd'hui qu'il y en a. Comme en Guyane toutefois, il ne suffit pas d'un seul forage pour le localiser.
Nous savons que le CESE a la possibilité d'émettre des avis relativement libres. Vos travaux nous confirment que, bien que la France dispose de la seconde superficie maritime mondiale, sa politique maritime n'est - pour reprendre les termes de votre rapport - « pas suffisamment ambitieuse ». C'est paradoxal...
Absolument.
De plus, la situation est assez disparate en termes de gouvernance de l'outre-mer puisque l'on opère un traitement au cas par cas. Pour certains territoires, il y a même un relâchement du lien ; par les compétences transférées, on demande par exemple à la Nouvelle-Calédonie ou à la Polynésie de mener leurs propres politiques maritimes locales.
Quel regard portez-vous sur la gouvernance actuelle des ZEE ? Au-delà des préconisations de l'avis, avez-vous un sentiment plus tranché sur la question ?
Oui, nous avons un regard un peu plus tranché. Comme vous le savez, le CESE est la troisième assemblée constitutionnelle française rendant des avis sur saisine du Gouvernement et, désormais, du Parlement. Nous ne sommes toutefois pas si libres car autour de la table, toutes les tendances de la société française sont représentées : entreprises, associations ou syndicats, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à la CGT. Et puis, les membres du CESE sont très présents. Ce rapport a été voté à l'unanimité, ce qui assez rare. Il y avait 180 conseillers, les 180 l'ont voté et, avant d'arriver en séance plénière, il a été adopté en délégation de l'outre-mer par des membres appartenant à des familles de pensées très différentes. Si ce rapport et l'avis ont fait consensus, ils sont néanmoins objectifs. Le but n'est pas de faire plaisir ; nous faisons un constat de la politique française.
Nous ne sommes pas beaucoup aidés dans notre tâche mais cela dépend aussi du rapporteur et de ceux qui l'entourent. Par exemple, lorsque le Canada a déposé le 6 décembre 2013, exactement comme écrit dans notre rapport adopté en délégation au mois d'avril, une demande d'extension chevauchant totalement le plateau continental étendu que la France doit revendiquer, j'ai écrit au ministre de l'outre-mer pour l'interroger sur l'attitude du gouvernement français. Il m'a rappelé les engagements du Président de la République à déposer le dossier français, pris devant les deux parlementaires de l'archipel à l'Élysée et par un communiqué. Puis, c'est M. Jean-Marc Ayrault qui m'a répondu en me disant que le dossier serait déposé. On les tenaille ; c'est une question de suivi. De même, j'ai interrogé le ministre des outre-mer sur le degré d'avancement du dossier polynésien dont le dépôt était prévu pour début 2014. Cela supposait d'étudier huit zones intéressantes et, à notre connaissance, l'IFREMER n'a pas encore eu l'instruction pour finaliser le dossier de telle façon qu'il soit déposé dans les délais. Nous suivons aussi au plus près ce qui se passe pour Clipperton. C'est notre travail...
Le rapport Lauvergeon sur l'innovation intitulé « Un principe et sept ambitions » préconise d'investir dans la connaissance des ressources du sol et du sous-sol marins car, outre du pétrole et du gaz, on y trouve des sulfures hydrothermaux ou des terres rares. Or, il n'y a pas de développement industriel possible à long terme sans sécurisation de nos approvisionnements en terres rares, matières qui entrent notamment dans la composition des smartphones, des écrans plats ou des circuits intégrés. Dans des secteurs comme la chimie, la pharmacie, l'automobile ou l'aéronautique, les emplois liés à l'utilisation de ces ressources étaient au nombre de 700 000 en 2010 et représentaient 23 % de la valeur ajoutée industrielle française. En 2030, ce chiffre devrait être de 33 % de la valeur industrielle française. Les amas cobaltifères de Polynésie et les sulfures hydrothermaux autour de Clipperton - identifiés grâce aux études faites de l'îlot dans la zone internationale - sont des réservoirs de terres rares. On le sait, mais que fait-on ? Un autre rapport du commissariat général à la stratégie et à la prospective indique qu'en 2010 la Chine a réduit ses exportations de terres rares de 50 % et qu'en 2012, elle a représenté 80 % de leur production mondiale. Notre rôle est de tenailler le gouvernement jusqu'à obtenir une véritable politique maritime. Nous avons tout pour cela mais nous ne prenons pas les bonnes décisions. On se contente de faire des annonces. C'est vrai du CIMER de 2013 qui répète imparfaitement ce qui avait déjà été annoncé par le CIMER 2009, reprenant lui-même le CIMER 2003. Ce n'est pas le tout d'avoir des atouts, ce n'est pas le tout de faire des annonces politiques ; il faut mettre des moyens en face ! Nous tentons d'attirer l'attention là-dessus. Nous le faisons modestement mais c'est la pierre que nous tentons d'apporter.
Quels moyens humains et financiers faudrait-il déployer pour mettre en oeuvre la politique ambitieuse que vous appelez de vos voeux ? Parmi vos quatre ordres de préconisations, vous n'évoquez pas les moyens de sécurisation de l'espace maritime nouveau alors qu'il semble qu'ils sont déjà insuffisants à l'intérieur des 200 milles marins.
La présence de l'État en mer est bien entendu fondamentale. Il a été décidé dernièrement de faire construire par les chantiers Piriou deux ou trois bateaux offrant la possibilité d'y accrocher éventuellement de petits canons pour suppléer les bâtiments actuellement utilisés pour la surveillance de notre espace maritime. Le vieillissement des bateaux actuels est source d'inquiétudes exprimées récemment par l'amiral Rogel. Pendant que nous faisons l'annonce de ces deux bateaux, qui n'est qu'une reprise de la loi de programmation militaire 2009-2014 - non exécutée sans doute faute de moyens - le Canada a signé le 19 octobre 2011 un contrat de 25 milliards de dollars avec un chantier à Halifax pour la construction de 21 navires de combat représentant 11 500 emplois directs et indirects sur trente ans. Voilà ce qu'est une politique maritime ! S'agissant de la présence de l'État en mer, vous trouverez nombre de déclarations allant de l'ancien secrétaire général de la mer au discours du Havre de M. Nicolas Sarkozy etc. Ma seule réponse, c'est qu'il faut mettre les moyens. Où les trouver ? C'est une autre paire de manches au vu des difficultés actuelles. Mais au moins peut-on programmer les choses et commencer à les réaliser.
L'exemple du Canada n'est pas le seul. La présence en mer du Canada résulte d'une véritable décision tandis que nous, nous ne faisons que rattraper, très modestement, la loi de programmation militaire avec la commande de trois bateaux, petits, dont le chef d'état-major de la marine dit qu'ils seront nettement insuffisants et qu'ils ne seront pas opérationnels avant la période 2016-2024. Pardonnez-moi, je suis un peu critique mais je pense qu'il faut l'être. Nous sommes aussi là pour ça.
Serge Larcher, président. - Le manque d'intérêt de l'État pour la régularisation de toutes les extensions ne vient-il pas de l'absence de maîtrise de l'exploitation des ressources en eaux profondes ?
Il y a bien sûr le poids des environnementalistes mais la France dispose d'organismes comme l'IFREMER ou Technip, société de fabrication de construction d'engins spécialisés dans l'exploration et l'exploitation des grands fonds marins qui est reconnue mondialement pour sa compétence et sa technicité. Nous avons les moyens techniques et scientifiques. Reste à disposer des moyens politiques, mais c'est une autre affaire.
Serge Larcher, président. - Je ne parlais même pas de problèmes d'argent mais simplement du fait que l'humanité ne maîtrise pas les technologies nécessaires à l'exploitation du minerai en eau très profonde. D'après les personnes que nous avions entendues, les difficultés existent même pour l'extraction de pétrole une fois passées certaines profondeurs.
Connaissance des ressources et connaissance des écosystèmes et du milieu marin vont de pair. Le fait de disposer du deuxième espace maritime au monde et de pouvoir étendre sa souveraineté sur 2 millions de km² supplémentaires confère des devoirs à notre pays. C'est la raison pour laquelle j'en appelle à la volonté politique et à la mobilisation de moyens considérables, exigeant au minimum l'engagement de l'Union européenne et du secteur privé. L'État ne peut pas tout faire seul, surtout dans le contexte actuel.
Serge Larcher, président. - Certes mais aucun pays, pas même les États-Unis, n'est parvenu à opérer en eau très profonde, ne serait-ce que pour des problèmes physiques de pression. D'où la nécessité de continuer les recherches et de cartographier les fonds marins pour savoir où se trouvent les ressources et en quelles quantités.
J'attire votre attention sur l'expérience actuellement menée par Technip avec Nautilus. De même, je vous signale que la Chine a regroupé, à une centaine de kilomètres de Pékin, tous les moyens humains, techniques et scientifiques oeuvrant dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation des ressources en eau profonde. Ils ont mis au point un sous-marin qui est pratiquement descendu au même niveau que le Nautilus. Ils avancent vite... Si nous ne nous en préoccupons pas, c'est la Chine, le Japon, la Corée, les États-Unis ou le Canada qui prendront la tête du mouvement car l'exploration des océans en eau profonde a commencé. Ne perdons pas de vue que 84 % des terres rares et 90 % des hydrocarbures sont situés sur le sol et dans le sous-sol marins.
Serge Larcher, président. - Bien sûr, tout a un prix et lorsque l'homme aura épuisé les ressources qu'il s'est contenté de ramasser à fleur de sol, il faudra aller les chercher plus loin. Nous avons beaucoup regardé vers l'espace, ce qui nous a détournés de la conquête des océans. Aujourd'hui on se rend compte que c'est là que réside notre avenir. C'est la raison pour laquelle notre délégation a souhaité travailler sur ces questions qui mettent en lumière les atouts considérables dont dispose la Nation grâce à l'outre-mer. Le manque d'empressement à agir tient probablement aux limites financières et aux défis technologiques auxquels nous sommes encore confrontés. Mais en tous cas, une chose est sûre : il faut mener dès aujourd'hui les recherches destinées à trouver les procédés qui nous permettront d'exploiter les richesses que renferment le plancher et le sous-sol des océans.
Oui, cela participe d'une politique maritime.
Pour quelles raisons doit-on attendre 2030 pour obtenir les autorisations d'extension du plateau continental ? Quel type de commission décide ? Comment est-elle composée ?
J'avais participé à une conférence internationale pour le droit de la mer dans les années 80 où j'avais découvert l'existence des nodules polymétalliques. J'avais gardé en mémoire que l'on n'avait pas le droit de les exploiter. Est-ce toujours le cas ?
L'exploitation des nodules est juridiquement possible bien que des questions techniques demeurent. Ils sont situés à une profondeur de 4 000 mètres, mais des autorisations d'exploiter peuvent être délivrées. Il s'agit en général de régions situées au-delà du plateau continental étendu, dans la Zone, administrée par l'AIFM. C'est donc cette dernière qui délivre les permis. À cette fin, elle a déjà rédigé une réglementation, une forme de code minier traitant de l'exploration et l'exploitation des nodules polymétalliques et des sulfures hydrothermaux, et elle a pratiquement terminé la réglementation relative aux amas cobaltifères. L'AIFM incite fortement les pays côtiers membres de la convention de Montego Bay à s'inspirer de son code minier lorsqu'ils rédigent ou modifient les leurs. Sur ce point, j'estime qu'un code minier national doit tenir compte de la situation spécifique du plateau continental étendu. Le plateau continental étendu - c'est-à-dire le sol et le sous-sol marin - est situé en haute mer (hors de la ZEE nationale) soumise au principe de la liberté de navigation ou de la pêche. Or, si vous accordez des permis d'exploration et d'exploitation sur le plateau continental étendu vous prenez le risques d'occasionner des nuisances dans les eaux internationales. Le code minier qui s'appliquera au plateau continental étendu doit prendre en compte ce paramètre ; il ne devrait pas se contenter de reproduite les règles applicables dans la ZEE.
Quant aux dossiers d'extension du plateau continental, ils sont examinés par la Commission des limites du plateau continental (CLPC), instance dépendant de l'ONU qui se réunit deux fois par an. Lorsque la CLPC a été créée, on pensait qu'une trentaine de pays allaient demander l'extension de leur plateau continental. Or, comme je vous l'ai dit : le Canada est en soixante-dixième position sur la liste d'attente et j'estime que des demandes pourraient être adressées par une centaine d'États environ. Compte tenu du rythme de réunion et du nombre de membres de la CLPC, ils ne peuvent pas aller plus vite. Les dossiers reçus sont des dossiers scientifiques très détaillés pesant parfois plusieurs centaines de kilos, notamment des relevés sismiques ou bathymétriques, etc. Il faut analyser toutes les données. Il est difficile d'aller plus vite avec les moyens actuels.
Serge Larcher, président. - Nous accueillons maintenant pour notre dernière audition M. Thierry Tuot, conseiller d'État, qui a présidé le groupe de travail préparatoire à la réforme du code minier.
La plupart des questions qui vous intéressent et qui concernent l'outre-mer n'ont pas été traitées par le groupe de travail et il reste un vide qu'il appartiendra à la représentation nationale de combler. Le gouvernement précédent a procédé à une recodification d'un code datant de 1810 et dont la cohérence avait été affectée par les stratifications successives. Le Conseil d'État a souligné sa non-conformité à la Charte de l'environnement et la nécessité d'une actualisation pour y intégrer le principe de la consultation du public.
Un groupe de travail dont la présidence m'a été confiée a alors été mis en place, sa mission ayant une portée technique mais aussi politique du fait de ses implications environnementales et sociales, l'acceptabilité du développement et de ses conséquences constituant une donnée centrale. Ce groupe de travail a réuni des parlementaires, notamment d'outre-mer, des élus locaux, des représentants des industriels, grandes fédérations minières et MEDEF, des représentants des syndicats de salariés et des associations environnementales. Un travail mené pendant trois mois à l'automne 2012 a permis de dégager des principes conduisant à une refonte du code minier excédant largement un simple toilettage technique. Sur cette base, le Gouvernement a arrêté des orientations conformes à nos préconisations et, de février 2013 à janvier 2014, date de la dernière réunion, nous avons écrit un nouveau code pour régir la recherche, la découverte, l'exploitation, le contrôle et la fermeture d'une exploitation, ou encore les principes fiscaux applicables. Nous avons laissé ouvert le dernier livre concernant l'outre-mer auquel la dernière réunion préparatoire de décembre 2012, tenue sous l'égide du ministre des outre-mer et réunissant des parlementaires de ces territoires, avait été consacrée. Le projet de code comprend un tronc commun de principes qui peuvent ensuite être déclinés par milieu, terrestre ou marin, continental ou insulaire, par matière telle que granulat, pétrole ou géothermie, ou encore par usage tel que stockage ou extraction. Concernant l'outre-mer, nous avons constaté l'applicabilité des principes ainsi dégagés tout en observant que les adaptations nécessaires comportaient une forte dimension politique en lien avec la solidarité nationale, soulevant des questions relatives à l'endossement de la responsabilité en cas de sinistre et au partage des richesses entre État et collectivité en cas de découverte de gisements exploitables. Nous avons considéré que ces questions ne ressortissaient pas à la compétence d'un simple groupe de travail. Notre recommandation a donc été de ne pas remettre en cause les aménagements déjà en vigueur tels que les compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, et de renvoyer à la décision de la représentation nationale les arbitrages à opérer sur les questions de responsabilité, de partage des richesses et de maîtrise du développement. À titre personnel, je considère que le volet ultramarin du code doit permettre la mise en place d'un modèle de développement auto-centré.
L'avenir économique et stratégique de notre pays se joue autour des richesses de notre sous-sol et, notamment, des ressources minérales et terres rares nécessaires au développement des nouvelles technologies, comme l'imagerie médicale. Des gisements dont l'exploitation ne serait pas rentable aujourd'hui peuvent éviter la pénurie demain. Ces richesses peuvent devenir vitales pour des pans entiers de nos économies. Il convient de noter que, contrairement à la Chine, nous n'avons jamais mené de recherches de terres rares. Nous ne disposons d'aucune évaluation fiable pour les potentiels ultramarins, le dernier inventaire concernant la seule métropole. En outre, toute évaluation des ressources est très coûteuse et le BRGM lui-même ne dispose pas des moyens d'analyser les carottages qu'il a pu effectuer. Une telle démarche, du fait notamment de son coût, suppose une véritable adhésion de la société ; or, la crise récente des gaz de schiste a plutôt révélé une défiance des populations. L'enjeu des procédures proposées par le nouveau code minier est de restaurer la confiance, de rendre possible l'exploitation des ressources nécessaires dans des conditions environnementales et sociales acceptables par l'émergence d'un consensus. Cela suppose une participation effective des populations à tous les stades de la procédure, une totale transparence passant par une information précoce des élus locaux, des mécanismes de co-décision et de suivi ainsi que l'affirmation préalable de la solidarité nationale en cas de sinistre. Cet équilibre doit faire l'objet d'ajustements outre-mer en fonction des contextes locaux et des choix de société ; cela passe par l'organisation de conférences régionales permettant de définir les conditions sociales et environnementales de l'acceptabilité de l'exploitation des richesses.
Votre analyse est séduisante pour les parlementaires d'outre-mer que nous sommes ; toutefois, se pose la question du calendrier de rédaction du livre 8 consacré aux outre-mer car aucun processus n'est engagé à ce jour et les procédures d'autorisation en Guyane sont suspendues. Le recours aux ordonnances pour ce volet ultramarin privera la représentation nationale d'un débat de portée nationale, la question par exemple de l'exploitation offshore d'hydrocarbures et de l'indépendance énergétique ne concernant pas le seul échelon local. L'enjeu est patrimonial et stratégique pour les territoires ultramarins, mais aussi pour la France. Au-delà des principes de répartition de la manne fiscale, sur la base de 70 % pour les collectivités et de 30 % pour l'État, quelques principes de gouvernance auraient pu être définis car les aspirations à la déconcentration du processus décisionnel paraissent partagées sur l'ensemble du territoire national.
Sur les enjeux économiques, l'importance du code minier pour la métropole ne doit pas être sous-estimée ; il y a par exemple une forte dépendance aux stockages souterrains de gaz, spécificité française, qui sont régis par ce code. La transition énergétique et le recours aux granulats pour la construction constituent également un enjeu actuel majeur.
Concernant le calendrier d'examen du code, il est de la compétence du Gouvernement qui semble s'orienter vers une loi d'habilitation où figureraient tous les principes novateurs préconisés par le groupe de travail, permettant ainsi un débat parlementaire de fond sans pour autant procéder à l'examen technique de chacun des 450 articles. Les projets d'ordonnance seraient portés à la connaissance de la représentation nationale en vue de ce débat.
L'exploitation des potentiels de ressources pose la question de leur connaissance concrète, de leur évaluation, nécessaire à la prise de décision par l'autorité politique eu égard à la sensibilité des populations à ces questions à l'heure actuelle.
Le projet de code instaure précisément des principes structurants pour permettre le déroulement serein du processus de décision. Outre-mer, certaines situations paraissent aujourd'hui figées ; il appartient aux autorités politiques locales de définir des projets de développement auxquels s'adosserait le consensus. Dans certaines collectivités comme la Polynésie ou la Calédonie, des codes miniers locaux existent déjà.
Le 21 février prochain auront lieu à Kourou des états généraux de l'orpaillage avec la mise en place d'un opérateur public. L'absence de code minier constituera nécessairement une gêne.
En cas de création d'un opérateur national guyanais monopolistique dont la gouvernance reviendrait à la collectivité, il conviendrait de lui transférer les pouvoirs d'autorisation détenus par l'État.
Il revient aux collectivités ultramarines de déterminer en premier lieu quelles richesses elles entendent exploiter avant de définir les conditions de leur exploitation en termes de débouchés économiques, de développement d'infrastructures, d'enjeux de politique régionale ou encore de sécurité. Les procédures administratives et l'adaptation du code minier doivent se caler sur les objectifs politiques et la stratégie de développement, et non l'inverse. La question de la fiscalité minière par exemple fera nécessairement l'objet d'un traitement différent de celui qui sera en vigueur dans l'hexagone où cette question sera réglée au niveau des intercommunalités.