Je me range à la nécessité d’une réforme du dispositif, eu égard à la croissance des besoins. Il est parfaitement exact que quelque 8 000 mineurs isolés étrangers sont présents sur notre territoire et relèvent des services départementaux de l’aide social à l’enfance. Le ministre chargé des relations avec le Parlement a livré voilà quelques jours à l’Assemblée nationale une estimation du flux annuel d’entrée de l’ordre de 4 020 personnes, extrapolée au vu des travaux du comité de suivi, six mois après la mise en œuvre de la circulaire.
La forte concentration dans certains départements de la population en cause – c’est l’une de ses caractéristiques – s’explique soit par la géographie – zone frontalière, présence d’un aéroport international, etc. – soit, ainsi que l’indiquait M. Mercier, par la présence de communautés étrangères sur certains territoires ou par la tradition d’accueil et d’ouverture de ceux-ci. Ainsi, entre le 1er juin et le 31 décembre 2013, une douzaine de départements ont accueilli plus la moitié des jeunes arrivés spontanément évalués mineurs et isolés. Bien que la commission n’ait disposé que d’une semaine, nous avons tout de même pu établir une cartographie actualisée.
Cela étant, il n’existe pas de définition juridique de la population des mineurs isolés étrangers, ce qui rend cette notion plus difficile encore à appréhender. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou CESEDA, n’évoque les mineurs que pour interdire leur éloignement au titre d’une obligation de quitter le territoire français, à l’article L. 511-4, ou d’une expulsion, à l’article L. 521-4.
Le même code prévoit que le mineur étranger dépourvu de représentant légal sur le territoire français doit se voir désigner un administrateur ad hoc pour l’assister et assurer sa représentation auprès de l’administration, aussi bien en zone d’attente que dans ses démarches en vue d’obtenir l’asile.
Revenons aux fondamentaux ! Ces dispositions sont la traduction dans le droit français des engagements internationaux que notre pays a contractés – c’est tout à son honneur –, en particulier de la Convention internationale des droits de l’enfant. L’article 22 de ce texte dispose : « Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l’enfant se voit accorder, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. » J’y insiste : la même protection que tout autre enfant.
La prise en charge des mineurs isolés étrangers est assurée par les services de l’aide sociale à l’enfance. Il s’agit d’une compétence obligatoire des départements, en application des lois Deferre, modifiées par la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance.
Cette compétence, réaffirmée par la loi du 5 mars 2007, est triple : les départements doivent assurer d’une part, la mise à l’abri des mineurs, sitôt repérés par les services de l’aide sociale à l’enfance ou par une association agréée, d’autre part, leur évaluation et leur orientation, afin de vérifier leur minorité présumée et leur isolement, enfin, leur accueil à plus long terme après décision judiciaire de placement définitif.
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, de nombreux départements en appellent à l’État pour les aider à financer la prise en charge de cette population. J’ai cité l’exemple de la Seine-Saint-Denis, anciennement présidée par Claude Bartolone, et j’ai rappelé la réponse apportée par la péréquation interdépartementale, certes limitée au ressort des tribunaux d’Île-de-France, qu’avait instaurée M. Mercier, votre prédécesseur, madame la garde des sceaux. Ces mesures présentent un coût incontestable pour les départements, estimé, par l’Assemblée des départements de France, à 250 millions d’euros par an.
Les départements relèvent également, à raison, tant les problèmes liés à la formation de leur personnel afin d’assurer la prise en charge des mineurs isolés étrangers – il faut notamment garantir si nécessaire le recours à un interprète – au cours de la phase d’évaluation des jeunes que la question de l’adéquation des capacités d’accueil aux besoins.
Selon les chiffres bruts, les mineurs en cause ne représenteraient que 3 % ou 4 % des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance. Mais une analyse plus fine à l’issue des six mois de recul dont nous disposons maintenant fait apparaître que, parmi les mineurs isolés étrangers, 27, 8% sont âgés de quinze ans, 48, 5 % de seize ans et 11, 9 % de dix-sept ans. Les difficultés tiennent donc à certaines tranches d’âge et aux structures d’accueil des départements. Je ne conteste pas ces données : dans le court laps de temps dont je disposais, j’ai pu établir le même constat.
La proposition de loi préconise une nouvelle répartition des compétences entre État et les départements. En ces temps de décentralisation, vous proposez, en quelque sorte, une recentralisation ! §