Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le sujet que nous traitons cet après-midi au travers de cette proposition de loi est extrêmement sérieux, délicat et difficile. D’ailleurs, dès le premier jour, le Gouvernement l’a abordé à sa pleine mesure et a tenu à apporter une réponse durable.
Aussi, dès le 1er juin 2013, nous avons mis en place un protocole national permettant d’apporter des réponses à la situation que rencontrent plusieurs départements français.
Je veux simplement rappeler que, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en mai 2012, nous avons été alertés à la fois par le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, et par le maire de Paris – Paris étant à la fois une ville et un département –, ces deux départements nous ayant envoyé les alertes les plus fortes avant ceux de l’Ariège, de l’Ille-et-Vilaine et de quelques autres encore.
Quelle était alors la situation ?
La situation était extrêmement tendue : les mineurs arrivaient dans ces départements en nombre plus important qu’ailleurs mais, surtout, le dispositif les concernant arrivait à échéance en juillet 2012.
Permettez-moi de rappeler ici le contenu de ce dispositif car j’ai entendu à plusieurs reprises des sénateurs évoquer l’action de M. Mercier tandis que vous vous exprimiez à la tribune, monsieur Arthuis.
Oui, M. Mercier avait pris un certain nombre de dispositions – car aucun gouvernement responsable ne peut, me semble-t-il, se montrer indifférent à une telle situation ! –, et il avait fait signer une convention entre ces départements – notamment les deux départements précités – et des associations qui assuraient l’accueil de ces mineurs, laquelle arrivait à échéance en juillet 2012.
J’ai pris la décision de proroger cette convention d’un trimestre, et j’ai immédiatement engagé un certain nombre de discussions avec les premiers présidents de conseils généraux concernés. Très rapidement, j’ai également sollicité le président de l’Assemblée des départements de France, M. Claudy Lebreton. J’espérais alors – peut-être ai-je été un peu optimiste ? – que nous trouverions des solutions durables pendant ce trimestre. Il s’est avéré que les discussions ont été plus difficiles que prévu et les solutions plus compliquées à mettre en œuvre. Aussi ai-je décidé de proroger, de nouveau, cette convention de trois mois, soit jusqu’à la fin de l’année 2012.
Grâce au volontarisme très fort du président Claudy Lebreton, nous avons pu très vite mettre en place un groupe de travail rassemblant l’Assemblée des départements de France, la Chancellerie, le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires sociales et de la santé. Là encore, j’espérais que nous parviendrions assez rapidement à une solution durable. Mais il a fallu travailler plus longtemps que prévu sur cette question, et c’est en mai dernier que nous avons pu signer un protocole engageant l’État au travers des trois ministères précités et l’Assemblée des départements de France.
Ce protocole national permet d’organiser une solidarité sur l’ensemble du territoire et, dans ce cadre, un comité de suivi a été installé, qui travaille de façon tout à fait sérieuse et rigoureuse.
Nous avions procédé à une estimation du nombre de mineurs qu’il conviendrait de prendre en charge annuellement, estimation qui avait été établie de manière consensuelle : les parties concernées avaient mis à disposition les éléments d’information dont elles disposaient. Ainsi, nous évaluions à quelque 1 500 le nombre de mineurs isolés étrangers à prendre en charge par an.
Grâce au travail sérieux du comité de suivi, nous disposons aujourd'hui de chiffres réels, et non d’estimations. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis totalement transparente sur ce point – le comité de suivi ainsi que tous les partenaires concernés reconnaissent d’ailleurs que, au moins sur les chiffres, la transparence est absolument totale ! – : en huit mois, 2 515 mineurs ont été pris en charge. Cela signifie que, en année pleine, en projection linéaire, 4 000 mineurs seraient pris en charge. C’est plus que ce qui avait été estimé, de manière consensuelle, je le rappelle. Mais c’est la vérité des chiffres ! Les remontées du terrain que nous avons organisées nous permettent de connaître exactement le nombre de mineurs identifiés, pris en charge et répartis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, 4 000 mineurs, cela représente à peu près 4 % de l’ensemble des mineurs pris en charge, je dis bien : 4 % !
Monsieur Arthuis, votre proposition de loi vise à exclure ces mineurs du dispositif de droit commun, de prise en charge, sur le seul critère de leur origine étrangère. En effet, vous ne modifiez pas l’article L. 112–3 du code de l’action sociale et des familles ; vous introduisez un dispositif dérogatoire. C’est donc sur la seule base de leur origine nationale que vous excluez ces mineurs du dispositif de droit commun. À preuve, d’ailleurs, vous ne mettez pas en cause l’assistance éducative, pas plus que l’intervention du juge des tutelles.
Je n’ai pas l’intention de sous-estimer les difficultés que rencontrent les collectivités, notamment les conseils généraux. J’ai prorogé par deux fois le dispositif prévu par M. Mercier, en trouvant les crédits nécessaires, puisque ceux-ci n’étaient pas prévus – le dispositif était censé mourir, je le rappelle, en juillet 2012. En outre, j’ai mis en place un groupe de travail sérieux, qui a permis d’aboutir au protocole national, lequel s’est d’abord traduit par la circulaire du 31 mai 2013. Voilà autant d’éléments qui prouvent que nous prenons au sérieux les difficultés auxquelles sont confrontés ces conseils généraux.
Enfin, il nous faut reconnaître que la situation est tendue depuis des années. Vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Arthuis, et de nombreux sénateurs ont abondé en ce sens : vous êtes nombreux ici – la chambre haute, l’assemblée des collectivités – à être maires et, surtout, présidents de conseil général, et vous connaissez donc la situation.
À qui fera-t-on croire que 4 % de mineurs isolés étrangers sont la cause, l’alpha et l’oméga, des tensions qui pèsent incontestablement sur les infrastructures, la logistique et les budgets des conseils généraux ?