Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les mineurs isolés étrangers en France, peu à peu, sont montrés du doigt : de mineurs isolés dignes de la protection de la France, ils deviennent mineurs étrangers, des jeunes émigrés. Leur extranéité étant leur premier défaut, leur minorité, quand elle est avérée, passe sous le boisseau.
Pourtant, la France a tout fait pour que la convention relative aux droits de l’enfant soit ratifiée avant 1989, afin d’être, encore une fois, perçue comme une précurseuse en matière des droits de l’homme, surtout si cet humain est mineur...
Mais la réalité mondiale a frappé à notre porte, et les mineurs isolés étrangers en France sont devenus « le » coût de leur prise en charge. Pourtant, ils ne représentent que 3 % à 4 % des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Un « protocole d’accord » dont les leçons sont encore à tirer a permis de répartir la charge sur le territoire national.
Ce phénomène d’immigration des plus jeunes est d’abord et avant tout un phénomène culturel et sociétal, lié à la mondialisation du transport.
De tout temps, les mineurs ont été amenés à bouger, à sortir de leur famille. Souvent, celui qui « bénéficiait » de cet honneur ou de cette charge ne savait pas pourquoi c’était lui qui partait, mandaté par sa famille pour en accomplir les rêves.
Aujourd’hui, c’est la télévision qui pousse les préadolescents ou les adolescents, parfois en dehors de toute volonté parentale, à partir pour gagner leur vie, celle de leur famille sur le mirage de nos sociétés d’opulence.
Parfois, c’est la situation politique de leur pays qui est la cause de cet exode. Je pense à certains de mes « petits clients », anciens soldats martyrs, drogués, violeurs…
Ces enfants viennent frapper à nos portes. Ils ont parfois été acheminés par des réseaux, mais qui ne sont pas toujours mafieux, car ils peuvent être ethniques ou familiaux.
Ces enfants arrivent en France avec un parcours qui les rend si différents et si proches de nos enfants nés en France. Ils ont le même sourire, la même inquiétude de leur avenir. À la maltraitance des parents d’ici fait écho la maltraitance de leur société là-bas ; à l’abandon des parents ici répond l’abandon de leurs parents là-bas.
La proposition de loi que nous examinons, proposition de loi dite « relative à l’accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers », aborde ce sujet par le prisme du poids économique immédiat. Les départements n’ont plus d’argent, et l’État en a peut-être encore un peu.