En signant avec l'État un « Pacte d'avenir pour la Bretagne », nous nous inscrivons précisément dans la perspective que vous appelez de vos voeux, celle consistant à donner sens et ambition à l'action publique - au besoin par des délégations de compétences, dont les périmètres restent à définir.
Je veux souligner, pour commencer, une singularité forte de la Bretagne : sa vitalité culturelle, tous domaines confondus, avec des pratiques culturelles très vivaces et très liées à la création - ces pratiques ne sont pas folklorisées et c'est pourquoi je ne parle jamais de « culture bretonne », tant l'imbrication est forte entre partitions anciennes et pratiques actuelles, entre amateurs et professionnels, entre culture savante et culture populaire. L'égale dignité des cultures est au fondement de notre politique culturelle - je le dis avec d'autant plus de force que nous sommes salle « Clemenceau », lui qui s'était battu pour l'égale dignité des civilisations, quand la colonisation de la fin du 19e siècle voulait se justifier par la hiérarchie entre les civilisations. La Bretagne, ensuite, est historiquement décentralisatrice. La décentralisation y a trouvé parmi ses plus grands défenseurs et initiateurs, en particulier René Pleven, dès les années 1960.
Or, la période de difficultés économiques et sociales que nous traversons, avec ses replis budgétaires généralisés, nous paraît propice à expérimenter une nouvelle gouvernance des politiques culturelles. Pourquoi ? D'abord parce que nous avons des atouts en Bretagne, nés des relations de travail étroites que nous entretenons depuis longtemps avec la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et avec les autres collectivités locales - en particulier une table-ronde régulière de la région et des quatre départements -, mais aussi avec les artistes eux-mêmes. C'est sur ce terreau déjà ancien de travail en commun, de co-construction de projets, que nous avons proposé, avec le Pacte d'avenir, qu'il y ait mieux d'État, non par le transfert, mais par la délégation de compétences, dans un cadre contractuel énonçant les grands objectifs des politiques publiques de l'État et de la région, en lien avec les autres collectivités locales. C'est le sens du Pacte d'avenir, signé le 13 décembre dernier, mais aussi la lecture que nous faisons de l'article 1er de la loi « MAPAM ».
Pour nous, la proximité n'est pas synonyme de vertu : ce n'est pas parce que le décideur est proche qu'il est équitable - mais la proximité n'est pas davantage synonyme de clientélisme, non plus que l'éloignement, de rectitude : la vertu est moins une question de distance que de conscience, d'esprit public et d'éthique. Ensuite, la décentralisation ne doit pas être la victoire de l'un sur l'autre, de l'État sur les collectivités, de la région sur les départements - mais la victoire de l'esprit public et de l'efficacité de la dépense publique, celle du mieux d'État.
Le Président de la République et le Premier ministre ont appelé à supprimer les doublons, partout où cela est possible. Nous en avons-nous-mêmes observés entre collectivités et avec l'État, alors même qu'en Bretagne nous construisons nos politiques publiques ensemble. C'est le cas, par exemple, pour notre politique du cinéma : l'État conduit une politique nationale avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Il dépense en Bretagne 150 000 euros par an et deux agents sont affectés à cette mission au sein de la DRAC ; de notre côté, nous dépensons 5 millions par an, avec trois postes et demi : n'y a-t-il pas là un doublon, la possibilité que l'État délègue l'exercice de cette compétence à la région ? Il garderait les grands axes, avec le CNC, et nous agirions pour son compte, sur le territoire régional : nous le proposons, après une concertation avec les agents concernés.
J'ajoute, pour finir, que nous sommes parvenus à maintenir le budget régional pour la culture à l'euro près, ceci après plusieurs années d'augmentation : ce n'était pas gagné, dans le contexte que nous savons.