déléguée générale du Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique (PROFEDIM). - Cette proposition n'émanait pas seulement du PROFEDIM, mais de vingt-cinq organisations professionnelles, effectivement très mobilisées contre la perspective de délégation des compétences en matière culturelle.
Le syndicat PROFEDIM réunit près de 80 entreprises dans le champ des musiques savantes - musique contemporaine, ancienne ou classique -, tels que des centres nationaux de création musicale, des centres de recherche musicale, des compagnies lyriques, des ensembles musicaux, des festivals et des lieux de production musicale. Ce champ musical est d'une grande vitalité, il s'exporte - 20 % des concerts des ensembles musicaux ont lieu à l'étranger - et il est la source même de la diversité de l'offre artistique présente sur notre territoire. Les entreprises que nous représentons réalisent près de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, constitué de recettes propres à plus de 58 %, dont 8 % de mécénat, tandis que les subventions d'État représentent 18 % et celles des collectivités locales, 23 %.
La décentralisation du domaine musical a été pensée dans les années 1960, l'époque du Plan Landowski, qui a équipé notre pays de son réseau d'opéras, d'orchestres symphoniques, écoles de musique et de conservatoires. Ce grand mouvement d'équipement n'a pas intégré les nouveaux acteurs que sont les festivals, les centres de création et de recherche musicale, les ensembles instrumentaux et vocaux. C'est la raison pour laquelle la création musicale ne dispose pas aujourd'hui d'un réseau d'équipement dans la danse ou l'art dramatique et que les festivals assurent la majeure partie de la production musicale.
Cependant, l'implantation territoriale de la création musicale a souvent été impulsée par l'État, c'est le cas par exemple des ensembles d'Ars Nova à Poitiers, des Arts florissants en Basse-Normandie ou encore du festival Musica à Strasbourg. Les festivals ont trouvé toute leur place dans la décentralisation, surtout depuis que l'État s'est désengagé du secteur, en 2006.
Si les équipements comme les centres de création musicale ou les salles de concert sont plutôt bien intégrés aux politiques culturelles dans les territoires, la situation est plus difficile pour les équipes artistiques, qui ont parfois du mal à concilier un ancrage territorial et une activité internationale. On peut s'étonner, du reste, que les collectivités encouragent l'ancrage local sans reconnaître l'activité internationale des artistes, alors qu'elles soutiennent l'exportation d'une manière générale, en particulier celle des entreprises...
Autre difficulté importante : la relation contractuelle entre l'ensemble des partenaires. Les EPCC sont certainement un bon outil, mais pas toujours adapté aux festivals ni aux équipes artistiques, qui ont besoin de structures plus légères et plus souples. Il faut rechercher une nouvelle forme de conventionnement, qui accueillerait chacun autour de la table pour réaliser une partie du projet d'ensemble - avec des enveloppes financières conformes au droit communautaire des aides d'État.
La décentralisation, ensuite, ne peut pas se faire sans l'État. La loi « MAPAM » inquiète les professionnels - et les propos de la ministre de la culture, du Premier ministre aussi bien que ceux du Président de la République ne nous ont pas rassurés. On pourrait penser que la culture sera exclue des délégations de compétences puisque, comme le texte le prévoit, les compétences d'intérêt national ne sont pas concernées. Mais la réalité est plus ambiguë et l'on comprend mal les mécanismes de délégation. Dans les faits, comment l'État pourra-t-il refuser la délégation à une collectivité volontaire, sachant que les économies budgétaires poussent à diminuer les effectifs des DRAC, quand ce n'est pas à les supprimer ? On l'a vu avec le « Pacte d'avenir pour la Bretagne », où le ministère de la culture ne paraît pas avoir été consulté. Lorsque M. Le Boulanger évoque des doublons, parle-t-il de l'action, ou bien des personnels ? Comment, lorsque la « compétence culture » aura été déléguée, l'État tiendra-t-il son engagement de ne supprimer aucune DRAC, comme on nous l'affirme aujourd'hui ? Maintiendra-t-on des agents sans mission ? Avouez qu'il y a là un paradoxe, qui explique l'inquiétude sur le terrain - y compris dans les collectivités locales, où l'on mesure très bien l'utilité des conseillers de la DRAC pour monter les projets et aller chercher des financements, notamment à l'échelon européen.
Le projet de loi annoncé pour avril inquiète tout autant : la suppression de la clause de compétence générale serait une catastrophe pour la culture, qui saperait jusqu'aux fondements juridiques des EPCC. L'instauration d'une compétence obligatoire serait également catastrophique. Les services du Premier ministre assurent aux professionnels que la culture relèvera d'une compétence partagée, ce que nous avions obtenu dans la loi de 2010 : nous demandons que la compétence soit partagée, mais qu'en est-il exactement ? Il faut que les associations d'élus se prononcent, comme l'a déjà fait l'Association des régions de France, il faut que les parlementaires se saisissent de cette question - nous comptons sur les commissions de la culture du Parlement !
Quelle est la meilleure enceinte pour que l'État et les collectivités territoriales débattent de la culture ? Le Haut conseil des territoires étant supprimé et le CCTDC n'ayant pas été décliné régionalement, la Conférence territoriale de l'action publique est-elle le bon lieu pour concevoir et orienter les politiques culturelles sur les territoires ? Nous ne le croyons pas, au moins parce que l'État n'y est pas toujours partie prenante... Ensuite, comment une telle conférence prendrait-elle en compte la dimension exportatrice de la culture ?
Nos inquiétudes ont de quoi se nourrir, enfin, lorsqu'on voit le peu de place que les contrats de plan font à la culture : pourquoi la culture est-elle à ce point absente du débat sur le développement local et de la négociation sur le renouvellement des contrats de projets État-région (CPER) ? Le constat est le même dans les programmes opérationnels négociés par chaque région dans le cadre de la gestion du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les préfets ont pris toute leur place dans la modernisation de l'action publique, avec les responsables des budgets opérationnels de programmes ; nous craignons que la culture perde aussi beaucoup dans cette nouvelle architecture.