Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 13 février 2014 à 9h10
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la santé — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la commission des affaires sociales, après une large discussion, a adopté sans modification le texte du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé.

La nécessité de mettre notre droit national en conformité avec les normes européennes est une première raison de ce vote. En outre, les dispositions contenues dans le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale viennent consacrer ou compléter des mesures favorisant la sécurité des personnes – j’insiste sur ce point – et renforcer la pharmacovigilance, la « cosmétovigilance » et la « tatouvigilance ».

Madame la ministre, la commission a cependant regretté que l’article 4 du projet de loi initial, relatif à la vente de lentilles de contact sur internet, ait été intégré au projet de loi relatif à la consommation. Il existe incontestablement un enjeu relatif au prix de ces produits. Cependant, cette question aurait d’abord dû, nous a-t-il semblé, être envisagée sous l’angle de la santé publique ; et ce sentiment a d’ailleurs été partagé par les sénateurs de toutes les sensibilités.

Dans le cadre du droit européen, un certain nombre d’évolutions pouvant paraître en rupture avec les pratiques françaises, comme la vente en ligne de produits de santé, constituent une adaptation nécessaire non seulement aux enjeux commerciaux mais aussi aux impératifs de sécurité. Si la France entend garantir effectivement la sécurité des citoyens, elle doit, dans une économie mondialisée, permettre l’apparition d’une offre de produits de santé sur internet qui présente toutes les garanties en termes de qualité, de contrôle et d’approvisionnement.

De ce point de vue, le droit européen n’impose pas la fin des mécanismes de contrôle et de protection conçus par la France. Les directives européennes laissent systématiquement aux États membres le choix des moyens de transposition et n’interviennent pas sur l’organisation du système de soins, laquelle relève de la seule compétence des États membres. Ainsi la France a choisi, conformément à notre législation nationale, de limiter aux seuls pharmaciens d’officine la possibilité de vendre en ligne des médicaments non soumis à prescription. De même, elle a adopté l’interprétation la plus large de l’obligation imposée aux laboratoires pharmaceutiques par la directive 2012/26/UE de justifier le retrait d’un médicament d’un des marchés européens.

Le droit européen permet aussi la diffusion sans entrave à la concurrence des produits français dans des secteurs particulièrement importants de notre économie ; tel est le cas de la cosmétique, qui, je vous le rappelle, est le troisième poste excédentaire de notre balance commerciale. Les entreprises françaises du secteur, dont les deux tiers de la production sont liés à l’exportation, sont très attachées à l’uniformité des règles européennes qu’a apportée le règlement 1223/2009. Il convient de souligner que ce règlement a également renforcé les exigences en matière de justification de l’innocuité des produits cosmétiques.

Ainsi, dans le domaine de la santé comme dans celui du commerce, les objectifs du droit européen coïncident avec ceux du droit national. L’ensemble des professionnels concernés par ce texte ont d’ailleurs manifesté leur satisfaction quant à son contenu lors de leur audition par votre rapporteur.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi, plusieurs questions ont néanmoins été abordées sur lesquelles je souhaite attirer votre attention, madame la ministre.

La première de ces questions concerne les ostéopathes et les chiropracteurs. Les dispositions des articles 1er et 2 du présent projet de loi procèdent à une clarification bienvenue de leur régime de responsabilité civile professionnelle, mais ne couvrent que les cas de responsabilité pour faute. Or, dans la mesure où les ostéopathes et les chiropracteurs ne sont pas reconnus comme professionnels de santé par le droit français, un dommage non fautif survenu dans le cadre de leur activité professionnelle ne peut être couvert par l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, qui est financé par la sécurité sociale.

En l’absence de faute, il existe donc un risque important qu’un patient victime d’un dommage ne soit pas indemnisé à hauteur de son préjudice ; cette situation pose à mon avis un problème important d’équité. À ce risque s’ajoute celui d’une certaine confusion lorsque le professionnel concerné exerce par ailleurs une profession de santé reconnue par le code de la santé publique, par exemple celle de médecin généraliste ou de kinésithérapeute. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles est réalisée l’expertise des accidents survenus à l’occasion de l’intervention d’un ostéopathe et d’un chiropracteur ne sont pas sans poser de question, dans la mesure où cette expertise ne peut être réalisée par des représentants de la profession concernée ; en outre, il n’existe pas à ce jour de référentiel de bonnes pratiques spécifique, bien que des travaux soient en cours sur ce point. Pour ces raisons, il me semble indispensable de clarifier le statut de ces deux professions. Sans doute la grande loi de santé publique que nous attendons tous serait-elle le véhicule le plus adapté pour ce faire et pour apporter des clarifications sur ces sujets.

Il me semble que les questions relatives à la répartition des rôles entre les différentes agences sanitaires devront également être abordées. La cosmétovigilance et le contrôle sur les produits de tatouage, qui sont abordés par l’article 3 du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, mobilisent des ressources rares au sein de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, d’après les informations dont nous disposons. Ces fonctions ne trouveraient-elles pas mieux leur place dans le périmètre d’une autre agence ?

J’ai par ailleurs été alerté du risque que constitue l’offre illicite de tatouage sur internet et l’enjeu qu’elle représente en termes de santé publique. Une action résolue pour faire respecter les normes encadrant la profession de tatoueur doit à mon avis être mise en œuvre. Le statut des tatoueurs est également un sujet important pour l’avenir de cette profession.

Enfin, s’agissant de l’article 7 relatif au respect des prescriptions transfrontalières, l’Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement prévoyant la création d’un label éthique permettant d’identifier les produits sanguins collectés à partir de dons anonymes et gratuits. Même si je partage le souci de valoriser le don de sang, je m’interroge sur la portée de cette mesure. Pourriez-vous nous faire part, madame la ministre, de votre analyse de cette disposition qui doit être mise en œuvre par voie réglementaire ?

Ainsi que je l’ai dit, ce projet de loi est nécessaire pour répondre à nos obligations européennes et il est utile pour la protection des personnes.

La commission des affaires sociales vous demande donc, mes chers collègues, de l’adopter sans modification.

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