Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 13 février 2014 à 9h10
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la santé — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à transposer dans notre droit national plusieurs textes européens en matière de santé. Ses dispositions sont certes de nature technique, mais elles sont loin de n’avoir qu’une portée restreinte.

L’article 1er instaure ainsi une obligation pour les chiropracteurs et les ostéopathes de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle, conformément à la directive de 2011 dite « soins transfrontaliers ». Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la sinistralité constatée dans l’exercice de ces deux professions est relativement faible, et la majorité des praticiens sont déjà couverts par une garantie spécifique. Cependant, à défaut d’obligation légale avec des plafonds de garantie minimale, il restera toujours des praticiens qui ne seront pas correctement assurés, ou même pas assurés du tout. L’article 1er protège à la fois les professionnels et les patients ; il représente donc une réelle avancée, que je tiens à saluer.

Cela étant, cet article soulève deux interrogations. La première porte sur la difficulté pour le patient de prouver la faute. Comment l’évaluer ? Y a-t-il des référentiels de bonnes pratiques ? Quels sont les experts ? La seconde interrogation concerne l’indemnisation des victimes de dommages sans faute. Les chiropracteurs et les ostéopathes n’étant pas reconnus comme des professionnels de santé, l’ONIAM ne pourra pas intervenir.

Madame la ministre, vous avez annoncé une réforme des professions de chiropracteur et d’ostéopathe. Sur ce sujet délicat, nous souhaitons vivement que vous nous précisiez votre projet.

Le métier d’ostéopathe a le vent en poupe : environ 2 500 jeunes obtiennent le titre chaque année. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont du mal à trouver une clientèle et à vivre de leur métier. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a trop d’écoles et que la formation dispensée est très hétérogène. Il faut des critères d’agrément beaucoup plus exigeants pour garantir la qualité de la formation. Où en êtes-vous sur ce point ? Le décret est-il en voie de publication ?

La vente en ligne de médicaments est également un sujet important. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, un médicament vendu en ligne sur deux est un médicament falsifié. C’est dire la grave menace pour la santé publique que constitue ce mode de distribution. Nous étions certes contraints de l’autoriser en France, et je vous reconnais le mérite, madame la ministre, d’avoir fait le maximum pour l’encadrer, en le réservant aux pharmaciens déjà titulaires d’une officine physique et aux médicaments non soumis à prescription obligatoire. Cependant, tous nos partenaires européens n’ont pas opéré le même choix. Le Royaume-Uni, par exemple, fait preuve d’un très grand libéralisme : le secteur est dominé par des pure players, et tous les types de médicaments, avec ou sans ordonnance, peuvent être achetés en ligne.

Or je ne vois pas comment on pourrait empêcher ces sites anglais de traverser la Manche pour proposer la vente de médicaments aux Français, sans parler d’autres pays qui pourraient être moins regardants sur les agréments de leurs sites.

Enfin, ne nous leurrons pas, les faussaires auront toujours un temps d’avance sur la réglementation. Lors de la dernière opération Pangea VI, 114 sites illégaux ont été identifiés par les autorités françaises et plus de 812 000 médicaments, dont certains interdits en France car jugés dangereux, ont été saisis par les douanes.

En pratique, il paraît difficile de remonter les filières du fait de la courte durée de vie de ces sites internet et de l’hétérogénéité des législations nationales. On peut aussi s’interroger sur la capacité des autorités sanitaires et judiciaires à contrôler les sites de commercialisation en ligne si ceux-ci venaient à se développer fortement.

Votre texte tend à limiter les dérives, madame la ministre, mais il faudra rester extrêmement vigilants pour garantir à nos concitoyens la sécurité et la qualité des médicaments qu’ils achètent.

Cette recommandation vaut aussi pour la chaîne d’approvisionnement légale, car l’expérience a montré que les médicaments falsifiés ne parvenaient pas uniquement aux patients par des moyens illégaux. Dans le contexte d’une fragilisation et d’une mondialisation accrues de la production, la traçabilité des matières premières, lesquelles proviennent à 80 % de pays extérieurs à l’Union, est en particulier un enjeu important. Il faut évidemment responsabiliser les fabricants, mais aussi renforcer drastiquement les inspections et contrôles dans les sites de fabrication à l’étranger. Sur ce point, l’ordonnance de 2012, qui transpose la plupart des mesures de la directive de 2011, nous satisfait.

L’article 6, quant à lui, a pour objet de transposer une directive relative à la pharmacovigilance qui renforce les obligations des laboratoires, notamment en leur demandant de justifier la suspension, le retrait d’un médicament d’un marché européen ou le non-renouvellement de son autorisation de mise sur le marché, ou AMM. Ces mesures s’inscrivent dans le prolongement de la loi de 2011 qui a confié à l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, de nouvelles missions pour mieux surveiller et mieux informer.

S’agissant de la vigilance sanitaire, permettez-moi un petit aparté, que j’ai déjà fait lors d’un débat sur le sujet. La France compte pléthore d’organismes de contrôle, mais ne désigne pas toujours le plus compétent. Madame la ministre, vous deviez envisager dès cette année une réorganisation du système de surveillance sanitaire, qui, selon le rapport Grall, a été « construit par strates successives », « sans cohérence globale », et reste « inadapté à la déclaration des citoyens et des professionnels de santé ». Où en êtes-vous de vos réflexions ?

Cela m’amène à dire un dernier mot sur l’article 3, qui concerne les produits cosmétiques, dont Mme Dini a déjà parlé. La mise en œuvre du règlement européen de 2009 se traduit par un accroissement des exigences en matière d’étiquetage, de sécurité et de traçabilité, ce qui est positif. Je note d’ailleurs que la France est un peu en avance à cet égard, en particulier s’agissant de la mention « sans bisphénol A » ou « sans parabène ».

Vous avez fait le choix de maintenir la compétence de l’ANSM en matière de cosmétovigilance, alors que l’activité et l’enjeu de sécurité sanitaire sont plus marginaux qu’en matière de pharmacovigilance, d’hémovigilance, ou de matériovigilance : moins de 200 signalements d’effets négatifs pour les premiers contre plus de 80 000 signalements pour les seconds. La question du transfert de cette compétence à une autre structure, qui pourrait être l’ANSES, aurait mérité d’être posée.

Enfin, comme beaucoup de mes collègues, je regrette la suppression de l’article 4 relatif à la vente de lentilles de contact sur internet. Retirer cette mesure d’une loi sur la santé pour l’inscrire dans un texte relatif à la consommation est un symbole qui ne manquera pas de favoriser la marchandisation de ce produit.

Malgré les interrogations et le contenu imparfait de ce projet de loi, le groupe du RDSE le votera conforme.

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