Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte très technique vise à remplir l’obligation constitutionnelle d’application du droit communautaire. Dans mon intervention, je mettrai d’abord en évidence quelques réflexions sur le fond des dispositions diffuses que ce projet de loi va mettre en place, puis conduirai une réflexion d’ensemble sur la portée de ce texte et l’intérêt d’une politique communautaire en matière de santé.
En préambule, je veux souligner que le tableau de la transposition par les États membres des directives européennes sur le marché unique, publié par la Commission européenne en février 2013, montre une augmentation du taux de transposition. La France fait partie des douze États membres qui ont enregistré, ou égalé, leur meilleur résultat depuis 1997. Je tenais à saluer ces résultats encourageants qui permettent à notre pays d’être moins sanctionné financièrement.
Alors que la France avait la réputation d’être parmi les mauvais élèves de l’Europe en matière de transposition des directives, ce gouvernement a repris à son compte l’engagement du précédent de présenter régulièrement, chaque année, des textes thématiques intégralement consacrés à la transposition de directives. Nous considérons qu’il est de bonne politique de continuer dans cette voie.
J’en viens au texte qui nous occupe ce matin.
Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé est technique et de portée limitée, même s’il concerne un sujet essentiel, à savoir la santé de nos concitoyens.
Permettez-moi tout d’abord de revenir sur l’article 4 relatif aux conditions de vente en ligne des lentilles de contact. Cet article ayant été supprimé par les députés et inséré dans le projet de loi relatif à la consommation, la commission des affaires sociales du Sénat a été écartée de son examen, ce que nous regrettons amèrement.
Comme l’a rappelé mon collègue René-Paul Savary au ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, sans être entendu, « le secteur médical et sanitaire est un marché économique particulier, dans la mesure où le consommateur ne choisit pas le produit qu’il achète : celui-ci lui est prescrit. » Je regrette vivement ce choix de considérer les dispositifs médicaux que sont les lunettes ou les lentilles de contact comme des produits de consommation comme les autres.
Par ailleurs, plusieurs dispositions concernent les médicaments.
C’est le cas de l’article tendant à ratifier l’ordonnance relative à la lutte contre les médicaments falsifiés et à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet, que nous soutenons pleinement. En effet, madame la ministre, vous avez choisi, en cohérence avec la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, de lier obligatoirement les sites de vente en ligne à une officine. Il était à nos yeux essentiel de rappeler le rôle des pharmaciens dans la sécurisation de notre système de santé.
C’est le cas également du renforcement de la pharmacovigilance et de la surveillance des produits cosmétiques, donc des produits de tatouage qui leur sont assimilés par le droit français.
Ce projet de loi tend par ailleurs à imposer une obligation d’assurance professionnelle aux chiropracteurs et aux ostéopathes, ce que nous saluons. Madame la ministre, vous avez annoncé une réforme de ces professions et je souhaiterais que vous nous en précisiez les contours.
Enfin, ce texte a pour objet d’instaurer des mesures facilitant la reconnaissance, dans d’autres États membres de l’Union européenne, des prescriptions médicales portant sur certains médicaments biologiques. C’est à partir de ces dispositions d’harmonisation du contenu des prescriptions médicales transfrontières que j’aimerais, mes chers collègues, vous amener à réfléchir au sens de notre action de parlementaires d’un pays membre de l’Union.
Comme à chaque fois que nous examinons un projet de loi d’adaptation au droit communautaire, nous constatons qu’il s’agit d’un texte très technique. Si nous, parlementaires, avons parfois des difficultés à appréhender toutes les incidences de tels projets de loi, l’exercice est d’autant plus difficile pour nos concitoyens.
Alors que la construction européenne fait souvent les frais des crispations de notre société, il est de notre devoir de faire œuvre de pédagogie. En cette année d’élections au Parlement européen, ne serait-il pas opportun de voter un texte qui retranscrive l’esprit de création d’une communauté sanitaire européenne, plutôt que d’en voter un qui se limite à faire transparaître une technicité incompréhensible ? Dans cette optique, il serait utile que les parlementaires nationaux soient associés davantage en amont à l’élaboration de ces projets de loi.
La construction européenne s’est faite par la mise en commun de nos marchés et de nos ressources, mais, aujourd’hui, nos concitoyens en attendent plus. Plutôt que de critiquer les initiatives quand elles ne nous conviennent pas, plutôt que de nous approprier l’entier mérite des directives populaires, je fais le vœu qu’au niveau national nous devenions des initiateurs de politiques communautaires. À mon sens, c’est la seule façon pour que la France reprenne sa place dans la construction européenne.
Ce texte aurait pu en être l’occasion. Madame la ministre, pourquoi, sur certains points, ne pas aller plus loin que ce que nous demande la directive ?
Au contraire, alors que ce projet de loi aurait pu être la première pierre d’une Europe de la santé, le Gouvernement a choisi de défaire tout ce qui permettait, autour de nos frontières, de faciliter la vie sanitaire et la couverture sociale des frontaliers. En effet, madame la ministre, vous avez décidé de supprimer, à compter de juin 2014, le droit d’option des travailleurs frontaliers en matière d’assurance maladie.
À la suite du rejet des amendements tendant à proroger ce droit d’option pour trois ans, voire six ans, lors de la discussion du PLFSS tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, 11 000 frontaliers ont une nouvelle fois manifesté leur opposition à cette décision, samedi 1er février en Alsace, avec le très fort sentiment de ne pas avoir été, sinon entendus, du moins écoutés.
Force est de constater qu’il n’y a eu aucun débat de fond sur un problème qui touche quelque 170 000 Français travaillant en Suisse, ainsi que leurs familles. Or il y a urgence, car, comme vous le savez, ce droit d’option arrive à échéance en mai 2014. Malgré l’appel des élus des zones frontalières de Franche-Comté, d’Alsace, de l’Ain, du Jura et de la Haute-Savoie, vous avez décidé de ne pas proroger ce dispositif au nom de l’égalité de tous au regard des droits sociaux.
Mais de quelle égalité parle-t-on, car, s’agissant des conditions de travail, l’égalité n’existe pas ?
Je rappelle que ces travailleurs frontaliers français, qui, pour une bonne partie d’entre eux, seraient au chômage s’ils n’étaient pas allés chercher un travail dans un pays voisin, exercent dans un pays où le droit du travail est bien moins protecteur que le nôtre. En outre, ils supportent des contraintes particulières liées aux horaires de travail, aux déplacements, au logement, aux congés et à la précarité de leur emploi. Or demain, en fait d’égalité, il leur en coûtera environ le double pour être assurés contre le risque maladie.
Une fois de plus, votre politique porte en elle sa propre contradiction. Alors que l’on veut construire l’Europe en allant vers plus d’Europe sociale, plus d’Europe de la santé, plus d’Europe pour tous, vous prenez des décisions à rebours de sa construction, décisions qui touchent prioritairement les régions frontalières, les premières concernées.
Au lieu de faciliter la vie des Français travaillant en Suisse, vous la leur compliquez et vous rendez totalement dénués d’intérêt les nombreux efforts que font ces travailleurs pour se rendre chaque jour dans un pays étranger. Pourtant, ne sont-ils pas les acteurs de la construction de l’Europe des peuples ?
Bien que les Français travaillant en Suisse apportent une contribution à la richesse nationale, leur fiscalité va être revue à la hausse. Par ailleurs, en leur imposant d’abandonner leur assurance privée pour rejoindre le régime de la sécurité sociale française, l’égalité n’existera pas non plus dans l’accès aux soins.
En l’espèce, l’enjeu de santé est majeur et n’est que peu abordé. En effet, au vu de l’amateurisme total manifesté à l’occasion de cette décision, on peut légitiment s’interroger sur la prise en compte des conséquences de cette fin du droit d’option, compte tenu notamment de la situation déjà tendue en matière d’offre de soins dans certaines de nos régions frontalières avec la Suisse, laquelle est déjà très encombrée en ce domaine.
Comment va-t-on gérer cet afflux massif de patients ? Les services de santé de nos départements ne sont actuellement pas en état de recevoir l’ensemble des frontaliers. Je ne peux que déplorer une réelle carence en termes d’étude d’impact concernant les incidences d’une telle décision sur les établissements de santé et l’offre médicale de proximité.
Ensuite, sur la question de la poursuite des soins débutés en Suisse, madame la ministre, vous vous êtes engagée lors des précédents débats à ce que tous les patients ayant commencé un traitement lourd dans ce pays puissent le poursuivre sans aucun problème ; cependant, la situation n’est pas clairement établie, et ces personnes n’ont aucune certitude ni aucune garantie quant à leur avenir.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que les conséquences de cette mesure seront cruelles pour nos territoires, leur dynamisme économique et leur marché immobilier, nous estimons que les conditions d’une extinction du droit d’option ne sont pas réunies. Je vous demande donc une nouvelle fois, au nom de tous les élus frontaliers, d’accepter de prolonger ce dispositif afin d’essayer de trouver une solution équitable et réfléchie pour nos concitoyens travailleurs frontaliers. Je vous demande également de faire réaliser une étude d’impact sur cette question, en y associant les élus de ces territoires et les représentants des salariés frontaliers.
S’agissant du texte que nous examinons ce matin, des interrogations subsistent encore. Par conséquent, le groupe UMP s’abstiendra sur ce projet de loi à portée limitée.