Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à remercier de leurs contributions l’ensemble des intervenants, en premier lieu M. le rapporteur. Sans répondre sur chacune des questions soulevées, je m’attacherai à revenir sur certains points qui ont été abordés par plusieurs orateurs.
Auparavant, je voudrais indiquer à Mme Françoise Boog que ce texte n’est que ce qu’il est ; il n’a pas pour objet de refonder la politique de santé européenne – si tel était le cas, j’ose d’ailleurs espérer que les travées de cet hémicycle seraient plus remplies.
Permettez-moi de vous rappeler ce que vous savez fort bien, madame la sénatrice : les politiques de santé relèvent du niveau national, la France étant l’un des pays les plus en pointe pour faire adopter un cadre européen dans lequel déployer ces politiques, en particulier en matière de vigilance.
En effet, l’enjeu de ce texte, c’est la vigilance. Dans ce domaine, la France est à la pointe du combat, au niveau européen, pour renforcer les pratiques de sécurité afférentes aux dispositifs médicaux, contrairement à la plupart des autres pays, qui privilégient plutôt une logique de marché, volontiers prônée également, d’ailleurs, au sein de la formation politique à laquelle vous appartenez, madame Boog !
De même, la France a mené le combat pour faire adopter une directive sur le tabac visant à réaffirmer et à renforcer la primauté des enjeux de santé publique sur les enjeux commerciaux. Notre pays n’a pas toujours eu gain de cause, et j’aimerais que des voix s’élèvent parfois de vos rangs pour soutenir notre action en matière de santé publique, s’agissant par exemple de la lutte contre le tabagisme.
Par ailleurs, madame Boog, je vous répondrai ultérieurement à propos des frontaliers, de façon brève car je me suis déjà si souvent exprimée sur ce sujet que j’ai l’impression de me répéter !
Vous avez raison, monsieur Poher : tout n’est pas commerce ! En matière de santé, nous devons avoir le courage d’affirmer et de poser des principes de santé publique qui ne relèvent pas de la logique commerciale. C’est ce que j’ai fait à propos de la vente de médicaments sur internet, et je vous remercie de l’avoir tous souligné : les garde-fous les plus solides possible ont été instaurés, sur mon initiative, dans le cadre de la directive européenne autorisant la vente en ligne de médicaments.
Vous avez tous regretté que les dispositions relatives à la vente de lentilles correctrices sur internet aient été intégrées dans le projet de loi relatif à la consommation. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que cela résulte d’une initiative parlementaire : le Gouvernement n’avait pas inscrit ces dispositions dans son projet de loi initial. En tout état de cause, je ne peux que me réjouir qu’elles aient fait l’objet d’un vaste débat au cours duquel l’accent a été mis sur les préoccupations sanitaires. Il importe d’insister systématiquement sur le cadre sanitaire dans lequel s’inscrivent de telles dispositions.
M. le rapporteur et d’autres intervenants ont évoqué la cosmétovigilance, qui relève aujourd’hui de l’ANSM. Cette solution est-elle la plus cohérente ? On peut s’interroger sur ce point. En tout cas, les autres instances, en particulier l’ANSES, n’ont pas de pouvoirs de police sanitaire. Transférer la surveillance des produits cosmétiques à une autre agence supposerait donc d’avoir préalablement confié à celle-ci de tels pouvoirs.
La cosmétovigilance restera-t-elle ad vitam aeternam du ressort de l’ANSM ? À l’évidence, la réponse est non. Nous devons conduire la réflexion dans l’optique de la refonte des vigilances – vous avez été plusieurs à évoquer le rapport de Jean-Yves Grall –, qui figurera dans la loi de santé publique et doit reposer sur une clarification des responsabilités et des missions, ainsi que sur un resserrement du périmètre de celles-ci. Nos approches sont convergentes. Il conviendra de les mettre en œuvre en prenant bien en compte le paysage d’ensemble de la pharmacovigilance et de la cosmétovigilance.
Monsieur le rapporteur, l’idée de mettre en place un label éthique pour le don du sang est apparue dans le cadre de la mission confiée au député Olivier Véran. Ce label, qui permettrait d’identifier les dons gratuits, recueillis selon les principes de notre système, est demandé par les donneurs, et non par les receveurs, pour qui les garanties en termes de sécurité l’emportent sur toute autre considération.
De plus, la mise en œuvre d’un tel label se heurterait à des difficultés d’application, dans un marché qui est ouvert au niveau de l’Union européenne, dont les États membres n’appliquent pas tous les mêmes règles. Qui décernerait ce label ? Comment serait-il contrôlé ? Je le répète, un receveur veut avant tout que la sécurité du sang transfusé soit garantie : il ne refusera pas un sang non labellisé, pourvu qu’il soit sûr. On risque de banaliser la dimension éthique du don du sang tel qu’il se pratique en France, et donc d’obtenir un effet contreproductif. Quoi qu’il en soit, je crois que la réflexion doit se poursuivre.
Vous avez tous évoqué les régimes d’assurance des ostéopathes et des étiopathes et la question de la responsabilité sans faute.
Ce texte constitue une première étape, en ce sens qu’il vise à apporter, comme l’a dit très explicitement M. Gilbert Barbier, une sécurité renforcée aux patients des ostéopathes. Ceux-ci n’étant pas des professionnels de santé, leur activité ne s’inscrit pas dans le cadre de la responsabilité sans faute telle qu’elle existe aujourd'hui. Cette responsabilité sans faute renvoie, pour l’essentiel, à un champ de pratiques qui ne correspond pas à celui des ostéopathes ; je pense, par exemple, aux maladies nosocomiales.
Qu’une réflexion doive être menée sur les moyens de renforcer encore la sécurité des patients, je l’entends parfaitement, et nous travaillons sur ce sujet au sein du ministère. En tout état de cause, ce texte constitue une première étape significative : nous passons de rien à quelque chose et construisons un environnement plus protecteur pour nos concitoyens.
Pour ce qui est du statut et de la formation des ostéopathes, la réflexion se poursuit. Des groupes de travail sont à l’œuvre au ministère, et des dispositions seront sans doute intégrées dans la loi de santé publique. Comme cela a été souligné, les formations dispensées sont, pour dire les choses de façon modérée, de qualité très inégale et les ostéopathes arrivent chaque année sur le marché en nombre certainement excessif, ce qui pose d’ailleurs problème aussi pour la profession. Si l’offre est trop importante par rapport à la demande, de nombreux ostéopathes risquent de ne pas tirer une rémunération suffisante de leur activité.
Le cas des étiopathes est totalement différent. Ces professionnels pratiquent une forme de « médecine naturelle », qui n’est pas reconnue par la médecine conventionnelle sur le plan scientifique.
À la suite de travaux menés par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, suscités par les interrogations soulevées par toute une série de pratiques non conventionnelles, un groupe de travail a été mis en place, dont la mission est de repérer des pratiques potentiellement dangereuses. Par ailleurs, l’INSERM et la Haute Autorité de santé étudient chacune de ces pratiques non conventionnelles afin de les qualifier et de déterminer dans quelle mesure elles pourraient être encadrées, labellisées et autorisées. Actuellement, l’étiopathie n’entre pas dans le champ de cette évaluation. Cette situation pourra évoluer, mais l’objectif, j’y insiste, est non pas de labelliser toutes les pratiques existantes, mais bien d’identifier des pratiques prometteuses et d’alerter sur des pratiques potentiellement dangereuses.
Madame Pasquet, il me paraît tout à fait nécessaire d’être extrêmement attentifs aux conditions dans lesquelles s’opèrent la vente de médicaments et, en amont, leur production, ainsi que la sécurisation du marché. Cela rejoint un point soulevé par M. Barbier : la chaîne légale d’approvisionnement est évidemment l’objet de toute notre attention. Nous savons que la matière première des médicaments est pour une grande partie produite dans des pays extérieurs à l’Union européenne. Cela impose d’exercer une vigilance renforcée et de mutualiser les contrôles à l’échelon européen, ainsi que de négocier des accords avec les pays partenaires. Ainsi, je me suis entretenue avec le ministre chinois chargé de la politique du médicament pour voir avec lui comment l’administration chinoise peut apporter sa contribution.