Intervention de François Fortassin

Réunion du 13 février 2014 à 15h00
Assistance médicalisée pour une fin de vie digne — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mourir dans la dignité est l’aspiration de tout individu. Cela a donné lieu à des débats depuis l’Antiquité, sinon avant. Sénèque écrivait d’ailleurs : « Si je puis opter entre une mort compliquée de tortures et une mort simple et douce, pourquoi ne prendrais-je pas cette dernière ? »

C’est là tout l’enjeu de ce débat, qui anime de manière récurrente notre société. Certes, la loi de 2005 relative aux droits des patients en fin de vie a constitué une grande avancée, reconnue par tous. Elle a affirmé le refus de l’acharnement thérapeutique et a permis aux patients de ne pas recevoir les soins nécessaires à une survie artificielle. Elle a conduit à la reconnaissance des directives anticipées et a consacré le droit au laisser mourir. Malheureusement, elle reste trop mal connue, trop mal comprise et trop mal appliquée, le plus souvent par manque de soins palliatifs.

Par ailleurs, nous le savons, l’euthanasie se pratique en France de façon plus ou moins clandestine, ce qui empêche de savoir dans quelle mesure le patient a vraiment fait son choix. Ceux qui persistent à refuser de voir cette réalité se rendent complices de toutes les dérives, laissent les médecins et les juges seuls face à des questions auxquelles il nous appartient d’apporter des réponses claires. Et ce n’est pas le renvoi d’un médecin de Bayonne devant la cour d’assises qui pourra régler le problème !

Surtout, la loi Leonetti ne peut répondre à toutes les situations. J’entends bien les craintes et les réticences que certains peuvent exprimer. Il reste que la mort est pourtant avant tout une affaire personnelle. Je pense que la liberté de chacun doit être respectée.

De quel droit refuserions-nous à une personne de choisir une mort, sinon sans souffrance, au moins sans souffrance excessive ? Pourquoi contester sa volonté, alors qu’elle n’attend que la délivrance qui mettra un terme à son supplice ? Lorsqu’une personne prend la décision de céder face à une vie qui n’est plus qu’une longue agonie, ne laissant aucune place à l’espoir, il est important de lui en reconnaître le droit.

Il ne s’agit en aucun cas d’opposer les soins palliatifs à l’assistance médicale à mourir. II ne s’agit pas, non plus, de banaliser cette pratique, mais d’accepter, au nom de la solidarité, voire de la compassion et de l’humanisme, que des personnes malades puissent vouloir rester maîtresses de leur destin. Nous ne devons pas leur enlever cet ultime espace de liberté auquel a droit tout être humain.

C’est la raison pour laquelle les radicaux de gauche réclament depuis longtemps une loi pour encadrer le droit de mourir dans la dignité. En 1980, déjà, la Haute Assemblée examinait une proposition de loi du sénateur Henri Caillavet, dont je salue la mémoire, relative au droit de vivre sa mort. Malgré la ténacité du rapporteur, Jean Mézard – le père de qui vous savez… §–, le Sénat ne l’avait pas adoptée. Mais, plus de trente ans plus tard, à la suite de plusieurs drames particulièrement médiatisés, la question de l’expression de la volonté du malade en fin de vie est de nouveau posée, alors que les positions ont évolué au sein de la société.

Bien sûr, des réticences s’exprimeront, et pas forcément là où nous les attendons.

Pour autant, fallait-il inscrire aujourd'hui cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée ?

Pendant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’est déclaré en faveur d’un texte sur la fin de vie, souhaitant que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». C’est donc tout naturellement qu’il a engagé un débat public dès juillet 2012.

Depuis lors, la Commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le professeur Didier Sicard, le Comité consultatif national d’éthique et la Conférence de citoyens ont rendu des avis. Dans les prochaines semaines, le Comité consultatif national d’éthique rendra un nouveau rapport, qui devrait faire la synthèse des propositions ayant émergé du débat public. Nous savons, madame la ministre, que vous travaillez de façon très active, et même ardente, pour qu’un projet de loi soit déposé au Parlement avant l’été prochain.

Dans ces conditions, j’avoue ne pas très bien comprendre la position de nos collègues écologistes. Cela dit, je me félicite de leur présence nombreuse aujourd'hui, un fait tellement rare qu’il mérite d’être relevé. §

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