Notre droit ne permet toujours pas d’assurer le respect de la liberté de choix d’un malade en fin de vie qui souhaite accéder à une assistance médicalisée pour mourir.
Pourquoi suis-je favorable au renvoi en commission alors que je souscris à l’esprit du texte, qui se rapproche à de nombreux égards de la proposition de loi que j’avais déposée avec le groupe socialiste le 31 janvier 2012 ? Permettez-moi de revenir sur la façon dont le sujet de l’assistance médicalisée pour mourir a été abordé dans notre assemblée au cours des dernières années.
En 2010, parce que nous pensions que la question de l’assistance pour mourir dépassait nos clivages partisans habituels, nous avions fait le choix d’un travail en commun réunissant des membres de différents groupes. Le recours à cette méthode dans nos assemblées est suffisamment exceptionnel pour être relevé. Nous disposions à l’époque de trois propositions de loi sur le sujet. Sous la présidence de notre collègue Muguette Dini, que je tiens à remercier, nous avons décidé de faire examiner en commun ces trois propositions de loi par la commission des affaires sociales, laquelle avait alors adopté un texte unique, de synthèse. Issu de propositions de sénateurs de groupes politiques différents, ce texte n’était ni politiquement ni idéologiquement partisan. Il ne reflétait la position unanime d’aucun groupe, nous renvoyant tant à nos convictions personnelles qu’à notre responsabilité de législateurs.
Depuis lors, j’ai toujours souhaité travailler en commun avec l’ensemble des signataires de propositions de loi relatives à la fin de vie, qui appartiennent aux différents groupes politiques composant notre assemblée. Sept propositions de loi relatives à la fin de vie sont actuellement enregistrées au Sénat : celle qu’avait déposée le groupe socialiste en 2012 a été suivie, dans l’ordre chronologique, par celles de Roland Courteau, d’Alain Fouché, de Gaëtan Gorce, de Jacques Mézard, de Muguette Dini et enfin de Corinne Bouchoux.
Les sénateurs du groupe écologiste ont déposé une proposition de loi et demandé son inscription à l’ordre du jour de la présente séance, dans le cadre de leur espace réservé. Nous ne pouvons que les en remercier. Je me félicite que nous puissions aborder ce sujet qui relève d’une démarche commune.
Le 7 février 2013, le Conseil d’État, qui avait été saisi par le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a émis un avis sur les cinq propositions de loi qui étaient déjà enregistrées. La proposition de loi de Corinne Bouchoux n’a donc pas pu bénéficier de l’analyse particulièrement précise et éclairante du Conseil d’État. Les observations qu’il a formulées pourraient très utilement servir la qualité de cette proposition de loi, d’autant qu’elle pose un certain nombre de questions ; je pense notamment à son article 2, qui évoque les personnes atteintes d’une affection « avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable ». La notion de « tendance invalidante » mériterait d’être clarifiée. C’est un point de discussion dont la commission des affaires sociales pourrait s’emparer.
Comme vous le savez, le Président de la République s’était engagé, pendant sa campagne, à permettre l’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. Conformément aux dispositions issues de la loi relative à la bioéthique de 2011, les projets de loi relatifs aux problèmes éthiques et aux questions de société doivent être précédés d’un débat public, suivi d’un rapport du Comité consultatif national d’éthique. Cette procédure ne s’applique pas aux propositions de loi. Le Gouvernement a choisi – vous nous avez rassurés à cet égard, madame la ministre – de passer par la voie d’un projet de loi, afin de prendre le temps d’une réflexion apaisée et approfondie.
Deux mois après son élection, le Président de la République a commandé au professeur Sicard un rapport sur la fin de vie, qui lui fut remis en décembre 2012. En juillet 2013, le Comité consultatif national d’éthique a rendu son avis. Au mois de décembre dernier, nous avons également recueilli l’avis particulièrement intéressant de la Conférence citoyenne constituée d’un panel de citoyens sélectionnés par l’IFOP. Elle s’est prononcée sur la question, allant d’ailleurs assez loin dans ses recommandations : suicide assisté et exception d’euthanasie.
Le 14 janvier, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a réaffirmé sa détermination à agir pour « permettre à toute personne majeure atteinte d’une maladie incurable provoquant une souffrance psychologique ou physique insupportable et qui ne peut être apaisée, de pouvoir demander, dans des conditions strictes, une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité ». À ma grande satisfaction, le Président de la République a donc repris, à quelques différences près, les termes de la proposition que loi que le groupe socialiste avait déposée en janvier 2012.
Nous sommes aujourd’hui dans l’attente du rapport du Comité consultatif national d’éthique, qui devrait être remis dans les semaines à venir. C’est la dernière étape avant qu’un projet de loi puisse nous être présenté ; nous espérons qu’il le sera avant l’été.
La procédure exigée pour les projets de lois relatifs aux questions éthiques ayant été engagée par le Gouvernement, pouvons-nous nous en exonérer aujourd’hui pour nos propositions de loi ? C’est possible d’un point de vue technique, mais je pense qu’il est préférable d’attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Néanmoins, si le texte annoncé par le Président de la République se faisait trop attendre