Intervention de François Fortassin

Réunion du 22 décembre 2010 à 14h30
Reconversion des militaires — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux, à mon tour, rendre hommage à tous les militaires engagés sur les théâtres d’opérations extérieures, en particulier au cinquante-deuxième soldat français décédé en Afghanistan le 17 décembre dernier.

Cette tragédie vient nous rappeler que la carrière militaire comporte une dimension que, vue de l’Hexagone, nous avons parfois tendance à oublier : le sacrifice de sa propre vie et le dévouement coûte que coûte à son pays et à la cause qu’il défend sont, en effet, constitutifs du statut de militaire. L’actualité le souligne souvent de façon dramatique.

C’est pourquoi, en retour, nous devons aux militaires une reconnaissance ne se limitant pas aux distinctions honorifiques, mais se concrétisant par des mesures destinées à compenser les contraintes de leur engagement.

Créer les meilleures conditions pour leur reconversion en fait partie. Tel est l’objet du projet de loi que nous examinons cet après-midi.

Comme l’a indiqué le rapporteur, André Dulait, le texte comporte des dispositions très techniques et de portée limitée, malgré l’ajout de six nouveaux articles par les députés.

Il n’est pas inutile de rappeler que, chaque année, 35 000 militaires quittent l’armée, après avoir effectué, pour la plupart, moins de quinze ans de service. Pour les militaires du rang, l’ancienneté ne dépasse guère quatre ans. Il s’agit donc d’une carrière très brève.

Il est naturellement indispensable de maintenir une armée jeune et opérationnelle. Aussi devons-nous affronter le délicat problème de la reconversion des jeunes.

Outre les obstacles techniques qu’ils peuvent rencontrer, ils ont parfois des difficultés psychologiques non négligeables.

Ayant été extrêmement encadrés dans l’armée, une fois rendus à la vie civile, s’ils ont le sentiment de profiter d’une certaine liberté, il leur est parfois difficile de faire face, du jour au lendemain, à leurs responsabilités individuelles. Cet aspect de leur situation est très important.

En outre, les militaires sur le théâtre d’opérations peuvent être relativement traumatisés par ce qu’ils ont vécu durant les années passées dans l’armée.

À la sortie de ces années d’engagement, malgré les dispositifs de reconversion existants, tous les militaires ne sont pas assurés de trouver un emploi. Le chômage affecte plus particulièrement les militaires du rang, aussi bien en termes de taux que de durée.

En 2009, le taux de chômage des militaires de l’armée de terre, constaté dans l’année de leur départ, était de près de 8 % pour les officiers, d’un peu plus de 9 % pour les sous-officiers et de près de 19 % pour les militaires du rang.

Ces derniers doivent donc bénéficier d’une action plus soutenue, d’autant que la réduction du format des armées, opérée dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, prévoit, à terme, la suppression de 54 000 emplois.

J’ajoute que l’enjeu de la politique de reconversion n’est pas seulement de nature individuelle. Il est aussi collectif. En effet, le dynamisme du recrutement dépend en partie des perspectives de reconversion.

Or, depuis quelques années, après une période relativement euphorique, l’armée ne fait plus recette ! Depuis 2008, on constate une baisse très sensible du nombre de candidats à la carrière de militaire. Pour l’armée de terre, le nombre de candidats par poste ne dépasse pas 1, 6.

La qualité de notre armée et, donc, la sécurité de notre pays pourraient in fine souffrir de cette désaffection.

Pourtant, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, il existe un dispositif de reconversion, qui permet d’absorber une grande partie des militaires de retour à la vie civile.

Comme vous le savez, mes chers collègues, les pouvoirs publics articulent la reconversion des militaires autour de deux dispositifs destinés à favoriser l’accès, l’un à la fonction publique, l’autre au secteur privé par le biais d’aides à l’orientation, à la formation ou à l’accompagnement.

Cependant, à l’évidence, dès lors que notre pays connaît une crise, la reconversion devient beaucoup plus difficile que dans les périodes d’euphorie économique.

L’Agence de reconversion de la défense, l’ARD, mise en place en 2009, décline ces dispositifs aux échelons national, régional et local.

Actuellement, les résultats de la reconversion sont corrects compte tenu du contexte économique. Le taux global de reclassement des militaires est en effet de 71 %.

Toutefois, si l’on examine les chiffres dans le détail, on ne peut se satisfaire d’un taux qui tombe à 50 % pour les militaires du rang et à 35 % pour ceux ayant peu d’ancienneté. Autrement dit, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les militaires qui restent le moins longtemps dans l’armée qui rencontrent le plus de difficultés à se réinsérer dans la vie civile.

C’est pourquoi le projet de loi ouvre de nouvelles opportunités en assouplissant les règles du congé de reconversion. Ainsi, les militaires pourront suivre une formation segmentée dans le temps. Le congé de reconversion est enfin ouvert aux volontaires ayant moins de quatre ans de services effectifs. Un congé pour la création ou la reprise d’entreprise est également proposé.

L’Assemblée nationale a ajouté quelques dispositions qu’il convient également de souligner. Je pense, en particulier, au dispositif permettant de cumuler l’activité de militaire et celle d’auto-entrepreneur.

Si ces mesures vont dans le bon sens, on peut cependant s’interroger sur le financement de toute cette politique de reconversion.

Monsieur le ministre, il est à souhaiter que ces dispositifs fonctionnent, puisque c’est le ministère de la défense qui supporte le coût du chômage.

Par ailleurs, pourriez-vous nous communiquer les coûts prévisionnels de ces nouvelles mesures et les moyens que vous pourrez y consacrer ?

Mes chers collègues, même si le Parlement a des prérogatives relativement limitées dans le domaine des affaires étrangères, nous y avons consacré de nombreux débats durant ces derniers mois, notamment concernant l’OTAN, la défense antimissile et la situation au Moyen-Orient. Dans ces échanges, il fut surtout question de grande stratégie.

Aujourd’hui, nous avons l’occasion plus rare de nous pencher sur tous ces hommes et ces femmes qui sont les principaux acteurs de la sécurité de notre pays. Au cours de leur courte carrière, ils ont acquis des compétences et des savoir-faire qui peuvent être utilement réemployés dans la vie civile.

Il nous reste à améliorer le regard porté sur les garnisons militaires dans les villes qui les accueillent, afin d’empêcher que le monde militaire et le monde civil soient séparés par une cloison étanche.

C’est une situation qui nous échappe à nous, élus, puisque nous entretenons généralement des relations de partenariat et de confiance avec les militaires. Cependant, même si la population vit la présence de ces derniers de manière tout à fait naturelle, une interpénétration des deux sphères serait utile.

Certes, ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés de la reconversion des militaires. Toutefois, les quelques avancées qu’il contient méritent d’être adoptées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion