Intervention de Bernard Piras

Réunion du 22 décembre 2010 à 14h30
Reconversion des militaires — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Je souhaite que l’avenir nous donne tort ! Malheureusement, je crains que la suite des événements ne nous donne raison.

La seule finalité d’une armée, c’est l’engagement opérationnel. Tel est le sens premier de la réorganisation en cours d’exécution de la défense.

L’actuelle déflation des effectifs doit donc permettre de bâtir une armée jeune, dynamique, opérationnelle et disponible. Vaste défi, tant la RGPP frappe avec force les effectifs et modifie les structures.

Dans ce contexte, l’amélioration des dispositifs de reconversion des militaires est singulièrement importante pour l’attractivité de la carrière militaire.

En effet, pour susciter des vocations, un corps de métier doit veiller à ce qu’il y ait un « après », une sortie par le haut de ses effectifs. Cet objectif nous semble très important.

Il s’agit d’offrir aux militaires qui le souhaitent une reconversion souple, adaptée, accessible à tous, sans distinction de rang.

Il y va aussi de la juste reconnaissance que la société doit offrir aux femmes et aux hommes qui assurent la sécurité de la nation. Je considère que nous nous devons d’assumer sérieusement cette obligation.

Améliorer la reconversion des militaires nécessite de corriger le manque d’adaptation de certains outils statutaires. En même temps, il faut faire face à la montée d’un chômage structurel, à la RGPP et à l’évolution récente des politiques publiques en matière de mobilité professionnelle. L’addition de tous ces éléments a rendu la question fort complexe.

Le dispositif de reconversion est confronté aujourd’hui à cinq défis principaux.

Le premier défi concerne l’augmentation du flux de départs des armées. Leur nombre est en effet passé de 28 728 en 2005 à 34 696 en 2009. Il est en outre appelé à s’accroître avec la suppression de 54 000 postes prévue d’ici à 2014 par la loi de programmation militaire.

La réorganisation de la défense touchera à la structure des effectifs, notamment pour les officiers. Or il faudra valoriser les ressources humaines, sachant que le pyramidage des corps est déjà en équilibre fragile. Une telle mesure aura un coût !

Deuxième défi : les profils des partants varient beaucoup en fonction de l’âge, de la catégorie ou de l’armée. Les militaires quittant le service en 2009 comportaient 19 332 militaires du rang, 12 784 sous-officiers et 2 580 officiers ; leurs perspectives de sortie, comme leur adaptabilité aux postes civils, ne sont pas les mêmes. Certains facteurs ne sont pas maîtrisés par le ministère de la défense, notamment l’évolution du marché de l’emploi et les capacités de ses personnels à se reconvertir.

Sans doute faudra-t-il accompagner les évolutions par des mesures d’incitation au départ, qui ne pourront être que financières ou symboliques. Je crains cependant que l’efficacité du levier symbolique ne soit extrêmement limitée en la matière.

Troisième défi, une contrainte forte est la réduction programmée des effectifs, qui concerne aussi la chaîne de reconversion elle-même, dont les effectifs doivent passer de 680 actuellement à 515 en 2014.

À cela s’ajoute le coût du chômage des militaires non reconvertis, assumé par le ministère de la défense. Or le nombre de chômeurs augmente.

Ensuite, le chef d’état-major de l’armée de terre nous indiquait récemment : « La première de toutes mes préoccupations est la stabilisation d’un turnover de notre ressource humaine, que j’estime trop rapide, car il nous épuise en termes de recrutement, puis de formation, et surtout épuise nos viviers traditionnels ».

Les armées, soumises aux tensions propres à leurs missions, auront du mal à assumer un tour de vis supplémentaire en termes d’effectifs.

Quatrième défi, les mutations induites par la profonde crise économique sur le marché du travail supposent une grande réactivité de la chaîne de reconversion du ministère et tendent à empêcher une réinsertion rapide, durable et de qualité des militaires dans la vie civile.

Par exemple, les reclassements dans la fonction publique, pour le personnel militaire, n’ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser d’autres outils pour favoriser les départs.

Par ailleurs, la mise en place d’une agence unique, l’Agence de reconversion de la défense, semble donner de bons résultats. Le taux global de reclassement des militaires est aujourd’hui de 69 % : 71 % pour les officiers, 73 % pour les sous-officiers et 50 % pour les militaires du rang.

Comme vous le constatez, mes chers collègues, il y a encore des efforts à faire et le marché du travail – c’est un euphémisme – n’est pas favorable !

Cinquième défi, dans le contexte actuel de déflation des effectifs, le recrutement et la fidélisation restent plus que jamais les priorités si l’on veut pouvoir compter sur une armée jeune, opérationnelle et motivée.

Or nous savons tous que si la déflation d’effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et, vraisemblablement, un gonflement des soutiens.

Ce projet de loi vise formellement à répondre à ces défis, que je viens d’énoncer sommairement. Il adapte, aménage et élargit les possibilités offertes par le dispositif de reconversion. Or cet outil ne pourra donner sa pleine mesure que si les crédits affectés sont à la hauteur de la situation.

Enfin, monsieur le ministre, je poserai une petite salve de questions, consacrée à l’application aux armées de votre réforme des retraites.

Quel sera l’impact de la récente réforme des retraites sur l’effort entrepris par les armées pour fidéliser les militaires du rang ?

Le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format, qui repose, en partie, sur les départs naturels. Quelle sera l’incidence de cette loi sur la déflation des effectifs ?

Soyez-en sûr, monsieur le ministre, vos réponses nous intéressent au plus haut point ! En tant qu’ancien sénateur et ancien ministre chargé des relations avec le Parlement, vous aurez à cœur, je le sais, de nous éclairer sur ces sujets !

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