Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, la commission des affaires économiques a adopté cette proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire national.
Avant de rappeler le contexte justifiant le recours à la procédure accélérée, il me semble important de préciser le champ d’application de ce texte : d’une part, il ne vise que les maïs génétiquement modifiés et non l’ensemble des plantes génétiquement modifiées, ou PGM ; d’autre part, l’interdiction dont il est ici question porte uniquement sur la mise en culture commerciale et ne s’oppose absolument pas à la recherche, qu’il s’agisse d’expérimentations ou d’essais.
Aujourd’hui, en matière de plantes génétiquement modifiées, deux variétés de maïs posent un problème tout particulier en France.
Le 22 avril 1998, la Commission européenne autorise la mise en culture de la variété MON 810. En 2008, sur la base d’un avis du Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, la France instaure un moratoire sur la culture des maïs génétiquement modifiés.
Par deux arrêtés du 7 février 2008 puis du 16 mars 2012, le gouvernement précédent a en effet suspendu l’autorisation de mise en culture de la variété MON 810.
Le premier arrêté, qui mettait en œuvre la « clause de sauvegarde » prévue par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, a été annulé en 2011 par le Conseil d’État au motif que la contestation de l’autorisation de cette variété devait suivre les formes définies dans le règlement n° 1829/2003.
Le second arrêté, qui prévoyait la mise en œuvre de mesures d’urgence conformes à ce règlement, a été annulé le 1er août dernier par le Conseil d’État, lequel a recouru à une interprétation stricte des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments – AESA, ou EFSA, selon l’acronyme anglais – recommandant la mise en place de mesures de gestion et de surveillance des risques liés à l’utilisation du MON 810. Aucune mesure de gestion et de surveillance n’étant imposée par la réglementation européenne ni spontanément appliquée, les risques perdurent, notamment pour l’environnement.
Rappelons que cette variété de maïs émet une toxine protégeant la plante contre certains insectes. Cependant, cet insecticide génétiquement intégré nuit également à des insectes non-cibles. Par ailleurs, les larves visées par la modification génétique ayant développé une résistance à la toxine, les agriculteurs se trouvent contraints d’utiliser des pesticides plus puissants et plus dangereux pour l’environnement. Le Conseil d’État a pourtant déclaré que ces risques n’étaient pas suffisamment importants pour définir une situation d’urgence.
Outre le MON 810, d’autres variétés de maïs sont en attente d’autorisation au niveau européen. Depuis la semaine dernière, la Commission européenne peut autoriser – contre l’avis de dix-neuf de ses États membres – l’utilisation du maïs TC 1507 ; d’autres pourraient suivre.
Ce maïs, à l’instar du MON 810, émet une substance insecticide contre laquelle les insectes cibles ont développé une résistance, notamment dans les départements d’outre-mer, tandis que des insectes non-cibles s’y trouvent exposés.
Par ailleurs, le maïs TC 1507 présente des risques importants de développement d’une résistance au glufosinate, un herbicide qui sera dès lors remplacé par des produits plus puissants et plus dangereux pour l’environnement.
La société Pioneer a déposé, pour ce maïs, une demande d’autorisation en 2001, mais le dossier n’a cheminé que très lentement. En 2007, le commissaire à l’environnement s’opposait à la délivrance de l’autorisation en raison des incertitudes scientifiques concernant les effets de ce maïs sur les insectes non-cibles, c’est-à-dire autres que ceux qui sont visés par le produit.
Le dossier s’est accéléré en novembre dernier, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne a exigé de la Commission qu’elle fasse une proposition. Celle-ci a alors proposé l’autorisation de ce maïs, alors que d’autres solutions s’offraient à elle.
La suite vous est sans doute connue : le 16 janvier, le Parlement européen, à une large majorité, s’est opposé à cette autorisation, mais la procédure de codécision ne s’applique pas en la matière. Le 11 février, les gouvernements des États membres, qui ont un pouvoir de codécision dans le cadre du Conseil, se sont également opposés majoritairement à cette autorisation, mais les règles sont faites de telle manière que cela n’a pas suffi.
Dix-neuf États sur vingt-huit, représentant 60 % des voix, se sont explicitement opposés à l’autorisation. Seuls cinq États ont donné leur accord, les autres ayant choisi l’abstention. Or quatre de ces cinq États ne pratiquent pas du tout la culture du maïs, ou à une échelle peu significative. Je pense que les Suédois, par exemple, ne voient pas souvent du maïs…