Intervention de Alain Fauconnier

Réunion du 17 février 2014 à 16h00
Interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier, rapporteur :

Dans cette proposition de loi, je le répète, il n’est question que de certains OGM : les maïs génétiquement modifiés disponibles sur le marché et dont la fonction principale est de faciliter certaines formes d’agriculture intensive.

En effet, les OGM semblent difficilement compatibles avec des exploitations de taille modeste : ils nécessitent la mise en place non seulement de distances minimales par rapport aux autres cultures pour éviter la contamination, mais aussi de « zones refuges » permettant de retarder l’apparition de résistances chez les insectes.

Par ailleurs, ces semences font l’objet de brevets qui ne permettent pas à l’agriculteur de réensemencer ses champs avec le fruit de sa récolte. Notre assemblée a adopté, le 17 janvier dernier, une résolution européenne rappelant les lourdes conséquences qu’une utilisation excessive des brevets sur le vivant pourrait avoir sur l’innovation semencière et l’organisation du secteur. Cette pratique accroît les risques de dépendance des agriculteurs et plus généralement des pays consommateurs à l’égard de brevets détenus par un petit nombre de multinationales.

La généralisation en France de la culture de plantes génétiquement modifiées aboutirait certainement au développement accru d’une agriculture de grandes exploitations, majoritairement intensive, comme en Amérique du Sud ou aux États-Unis. Est-ce bien le modèle que nous souhaitons encourager à travers nos politiques publiques ?

Une autorisation de mise en culture des maïs génétiquement modifiés aurait donc des effets considérables sur l’organisation de la filière en France. La culture du maïs est fondamentale pour l’agriculture de notre pays : plus de 100 000 exploitations cultivent du maïs sur l’ensemble du territoire, cette céréale recouvrant jusqu’à la moitié de la surface agricole utile de certains départements. Peut-on réellement se permettre de soumettre ces exploitations à des conséquences difficilement prévisibles ?

La délicate question de la traçabilité pose de nouveau le problème de la coexistence des cultures PGM – plantes génétiquement modifiées – et des cultures non PGM, pratiquées notamment par l’agriculture biologique, soumise à des normes extrêmement strictes.

Par ailleurs, en tant que président du Comité stratégique pour l’apiculture, je suis particulièrement sensible aux conséquences de la culture des PGM sur la production de miel. La traçabilité des PGM est un enjeu central pour l’apiculture, et le débat en cours entre la Commission et le Parlement européen à propos de la qualification du pollen dans la composition du miel ne peut que me conforter dans cette idée.

Mais mon inquiétude porte surtout sur la santé des abeilles. Aujourd’hui, en France, des cheptels entiers sont décimés. En dix ans, la production de miel a diminué de 30 %. Les causes de la mortalité croissante des abeilles sont bien évidemment multiples et, à ce jour, toutes ne sont pas connues. Mais comment envisager que des plantes contenant des pesticides génétiquement intégrés puissent ne pas être un facteur de risque supplémentaire pour notre population d’abeilles ?

En définitive, l’évaluation de l’opportunité d’introduire des maïs génétiquement modifiés aboutit aux conclusions suivantes : en premier lieu, les avantages d’une telle culture dans le contexte agricole français, différent de celui de l’Espagne, du Brésil ou des États-Unis, restent à démontrer ; en second lieu, l’absence de risques majeurs pour l’environnement, la santé des consommateurs et des espèces vivantes non-cibles sont totalement incertaines.

Telles sont les raisons pour lesquelles la présente proposition de loi prévoit la mise en œuvre d’études plus approfondies avant d’autoriser la mise en culture de maïs génétiquement modifiés.

Le respect de l’interdiction sera confié aux agents chargés de l’inspection et du contrôle des végétaux. Ils disposeront de certains pouvoirs attribués par le code rural et de la pêche maritime : accès aux locaux et parcelles aux heures ouvrables, communication de documents professionnels, prélèvement de produits et d’échantillons. En cas de non-respect de l’interdiction, l’autorité administrative – le préfet –pourra ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.

Ce texte ne vise pas à mettre fin aux débats. Il rejoint au contraire une demande des États européens qui, depuis 2008, souhaitent une révision et un renforcement des méthodes d’évaluation des risques environnementaux liés aux plantes génétiquement modifiées. Cela permettrait de discuter, avec une meilleure prise en compte des questions soulevées par les citoyens, de l’autorisation de mise en culture des nouvelles variétés et du renouvellement des autorisations déjà accordées.

La commission des affaires économiques n’a pas modifié contenu de la proposition de loi, se cantonnant à en corriger l’intitulé. Elle vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte issu de ses travaux. §

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