Intervention de Jean Bizet

Réunion du 17 février 2014 à 16h00
Interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de défendre, au nom du groupe UMP, la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier qui vise à interdire la mise en culture des maïs génétiquement modifiés, soit essentiellement le MON 810 et le Pioneer TC 1507.

Permettez-moi de le rappeler, l’exception d’irrecevabilité, prévue par l’article 44 du règlement, a pour objet de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles, légales ou réglementaires.

Nous considérons, effectivement, que la présente proposition de loi est contraire non seulement à la Constitution, mais également à des dispositions légales et réglementaires ; surtout, nous estimons qu’elle est contraire au principe de la primauté du droit européen sur la loi française, tel qu’établi à l’article 88-1 de la Constitution.

Force est de le constater, ce texte s’affranchit des dispositions légales et réglementaires existantes en la matière, elles-mêmes issues du droit communautaire, notamment la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, aujourd’hui codifiée dans le code de l’environnement et dans le code rural, qui était une transposition de directive communautaire.

Ainsi, visant le seul cas particulier de la mise en culture des maïs transgéniques, cette proposition de loi tend à effacer d’un trait de plume expéditif notre corpus juridique, lui-même pesé au trébuchet et adossé à des études d’autorités scientifiques publiques, telle l’agence européenne chargée de l’évaluation des risques.

Pour ce qui concerne le cas particulier du maïs MON 810, ce texte vise clairement à contourner l’annulation des clauses de sauvegarde par le Conseil d’État, à la suite d’une décision de la Cour de justice des communautés européennes.

L’exposé des motifs évoque des risques environnementaux, alors que le Conseil d’État, pour retenir l’absence de caractérisation d’un tel risque, s’est notamment référé à des avis de l’AESA. Aucune autorité scientifique n’a conclu à un risque avéré pour la biodiversité ni pour les insectes cibles du MON 810.

La proposition de loi respecte encore moins le droit européen, qui ne permet pas aux États de prendre une mesure d’interdiction générale de la mise en culture de variétés transgéniques sur un territoire national, le régime général étant un régime d’autorisation au cas par cas.

Ce dernier, issu de la directive 2001/18/CE, a été explicité par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

La Cour a en effet estimé que, à partir du moment où les semences en cause ont été autorisées à des fins de culture, en application de la directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, ont ensuite été notifiées en tant que produits existants, puis ont fait l’objet d’une demande de renouvellement d’autorisation en cours d’examen sur le fondement de l’article 20 du règlement n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, elles « ne peuvent pas faire l’objet, de la part d’un État membre, de mesures de suspension ou d’interdiction provisoire de l’utilisation ou de la mise sur le marché en application de l’article 23 de la directive 2001/18, de telles mesures pouvant, en revanche, être adoptées conformément à l’article 34 du règlement n° 1829/2003. »

Ainsi, pour interdire un tel produit, il est imposé aux États membres d’établir, outre l’urgence, « l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou des problématiques environnementales. »

Dans ce cas, l’État membre ne peut adopter des mesures d’urgence que dans les conditions de procédure énoncées à l’article 54 du règlement n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

Il ressort de l’articulation de ces textes que, pour prendre des mesures de suspension ou d’interdiction de l’utilisation ou de la mise sur le marché d’un OGM, l’État membre doit informer la Commission des mesures envisagées et établir, outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement.

Quelle est donc aujourd’hui l’urgence à interdire les maïs MON 810 et TC 1507 ? Et pour répondre à cette question, il ne faut pas se contenter d’affirmations, il faut aussi assortir celles-ci de démonstrations scientifiques.

Or la présente proposition de loi ne mentionne aucun élément nouveau pour le maïs MON 810 et ne traite pas clairement du cas du maïs TC 1507.

En outre, l’urgence du risque serait-elle justifiée, encore faudrait-il respecter la procédure européenne, qui ne prévoit pas d’intervenir par simple interdiction, à l’inverse du texte qui nous est soumis.

En conséquence, cette proposition de loi ne respecte ni sur la forme ni sur le fond les possibilités légales de suspension ou d’interdiction de la mise en culture d’une semence OGM.

Et les raisons présentées pour interdire la culture des maïs MON 810 et TC 1507 ne sont fondées ni juridiquement ni scientifiquement, comme cela fut d’ailleurs indiqué au cours de la discussion générale.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé, me semble-t-il, votre intention de demander aux représentants de la Commission de venir en France pour expliquer publiquement leur éventuelle décision d’autorisation du maïs TC 1507. C’est un bien surprenant procès d’intention…

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