Madame le ministre, je souhaite relayer les préoccupations de la filière Cognac, eu égard aux règles de fiscalité applicables en matière de stocks et d’imposition des viticulteurs lors de la transmission des entreprises. Je suis certain que cette question est préoccupante dans de nombreuses régions, qui rencontrent les mêmes contraintes, mais pour d’autres alcools.
Concernant le stockage, la mise en vieillissement est inhérente à l’activité viticole, le Cognac étant un produit à cycle long. Afin que la viticulture se réapproprie son stock, les professionnels ont travaillé à la mise en place de réserve de gestion, l’activité de bouilleur de cru, et plus encore celle de vendeur direct, engageant au stockage.
Permettez-moi un petit aparté sur le statut particulier des bouilleurs de cru, pour souligner que celui-ci doit être préservé, car il fait partie intégrante de notre patrimoine. En effet, des inquiétudes se font jour quant aux conditions de détention ou de location des alambics, qui représentent souvent un lourd investissement, à la valorisation du travail et à la qualité de la production.
Pour en revenir au stockage, il s’agit d’un investissement de plusieurs générations qui, compte tenu de la lourdeur de la fiscalité, devient de plus en plus difficile à réaliser. En effet, le stock est considéré comme un bien dont l’assiette de base d’appel de la fiscalité ne se déprécie pas, comme cela peut être le cas pour des biens immobiliers. Cette situation engendre des problèmes très importants en matière de succession.
Tant que les stocks restent dans l’actif d’une société, la cessation d’activité d’un actionnaire n’a pas d’incidence. Il en va de même si les stocks restent dans une société créée pour cette activité. Mais, dès lors que les stocks constituent un actif de succession, ils peuvent être taxés aussi fortement que s’il s’agissait d’une vente. Quelle aberration que de vendre des stocks pour payer le droit d’en détenir, alors qu’ils font partie de l’outil de travail du vendeur direct !
Dans tous les cas, que la succession ait lieu dans le cadre familial ou non, les droits de succession sont dus et varient selon le degré de parenté.
À ces droits de succession, l’administration ajoute l’impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la CSG, et la TVA, ce qui fait que le solde dû par l’héritier peut s’élever à plus de 50 % du volume de stock pour une succession dans un cadre familial et à plus de 80 % dans le cas d’une succession hors cadre familial !
Un stock viticole détenu par un bouilleur de cru ne devrait-il pas être valorisé à son prix de revient lors d’une mutation à titre gratuit et tant que ce stock reste sous le contrôle du service des douanes, la fiscalité intervenant lors de la mutation à titre onéreux ? Il s’agit non pas d’exonérer les professionnels de l’imposition, mais de permettre la pérennité des entreprises.
Alors que, sur le site internet, et pour expliquer le statut d’entrepositaire agréé, l’administration des douanes prévoit que, « conformément aux directives européennes, pour éviter aux entreprises d’avoir à faire une avance de trésorerie importante en attendant de récupérer les droits au moment de la vente au consommateur final, leur paiement est reporté le plus tard possible dans la chaîne de distribution », cette même administration ne prévoit rien pour faciliter la pérennité des entreprises de la filière Cognac.
La fiscalité des stocks de Cognac est un problème régional. La taille des exploitations est en hausse constante, les stocks augmentent donc en proportion. Dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu’en dernier lieu.
La fiscalité du Cognac est très lourde puisqu’elle est appuyée sur la valeur vénale. Elle n’est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés, mais, dès lors qu’un héritier exerce une autre activité, il n’est plus considéré comme pouvant bénéficier d’une suspension de droits.
Cette règle rend les successions de plus en plus complexes, et nombre d’héritiers s’endettent pour pouvoir indemniser leurs collatéraux et continuer à exercer leur profession de producteur de Cognac.
Madame le ministre, le Gouvernement envisage-t-il des propositions de réforme fiscale sur ces points afin d’assurer la pérennité et l’avenir de notre économie régionale, mais aussi nationale, car, comme je l’ai souligné, d’autres secteurs sont concernés par cette question ?
La profession attend une réforme fiscale afin d’apporter de la lisibilité au système et davantage de simplification.