La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 671, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la question des votes au sein des conseils d’administration des sociétés d’économie mixte, les SEM, et plus particulièrement sur la notion d’administrateur intéressé.
L’article L. 225-38 du code de commerce dispose qu’un « administrateur intéressé » à une convention réglementée ne peut pas participer au vote de cette dernière par le conseil d’administration. La doctrine considère, en général, que l’administrateur exclu ne peut être pris en compte ni pour le calcul du quorum ni pour celui de la majorité lors du vote de l’autorisation à laquelle il est intéressé.
La loi ne prévoyant pas de nombre minimal de votants en cas de retrait du droit de vote aux administrateurs intéressés, la jurisprudence et la doctrine considèrent que, si tous les administrateurs sauf un sont frappés d’exclusion en vertu de l’article L. 225-40 du code de commerce, celui-là seul peut valablement donner l’autorisation.
Je rappelle que la méconnaissance de l’interdiction faite à un administrateur intéressé de prendre part au vote entraîne la nullité de l’autorisation donnée par le conseil d’administration.
Monsieur le ministre, l’application de cette règle dans le cas des SEM conduit parfois à des situations que l’on peut qualifier d’ubuesques. De fait, les SEM sont créées pour répondre aux besoins des personnes publiques qui en sont membres ; or il arrive que seuls le partenaire privé et le représentant de la Caisse des dépôts et consignations – voire uniquement l’un des deux – puissent prendre part au vote de certaines conventions, les représentants des collectivités territoriales étant tous considérés comme intéressés à ladite convention.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle est la justification d’une telle règle dans le cas des SEM ? La notion d’administrateur intéressé doit-elle s’y appliquer au sens strict, ou bien les règles de vote au sein de leurs conseils d’administration ne devraient-elles pas être différentes de celles qui sont applicables aux conseils d’administration des autres sociétés ?
Je me permets de rappeler, monsieur le ministre, que j’ai déjà posé cette question sous forme écrite le 24 janvier 2013, sans obtenir de réponse ; je n’ai pas davantage obtenu de réponse à ma relance, adressée au Gouvernement le 20 septembre 2013. C’est pourquoi j’ai été contraint de vous interroger directement, sous forme de question orale ; c’est aussi pourquoi j’attends votre réponse avec beaucoup d’intérêt.
Monsieur le sénateur Roland Ries, vous avez souhaité attirer l’attention du ministre de l’économie et des finances sur la question des votes au sein des conseils d’administration des sociétés d’économie mixte, plus particulièrement sur la notion d’administrateur intéressé.
M. Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles, vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin au Sénat et m’a chargé de vous répondre.
Les sociétés d’économie mixte locales, les SEML, sont soumises au droit commun des sociétés anonymes, notamment aux dispositions relatives aux conventions réglementées. C’est ainsi que, lors de la signature d’une convention entre une SEML et une collectivité territoriale qui en est actionnaire à plus de 10 %, les dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce relatives aux conventions réglementées sont applicables.
Il en résulte, à défaut de disposition dérogatoire, que les administrateurs intéressés représentant la collectivité territoriale ne peuvent pas prendre part au vote autorisant la signature de la convention. En effet, aux termes de l’article L. 225-20 du code de commerce, les représentants permanents des personnes morales administrateurs sont soumis au même régime que les administrateurs. Dans cette hypothèse, la collectivité territoriale concernée ne peut donc pas participer à la prise de décision.
Il semble toutefois que ce cas de figure ne se présente que dans des cas limités, lorsqu’une seule collectivité territoriale est actionnaire de la SEML au côté d’un actionnaire privé minoritaire.
En outre, toutes les conventions n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 225-38 du code de commerce. En effet, l’article L. 225-39 de ce code précise que « les dispositions de l’article L. 225-38 ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ».
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. le ministre de l’économie et des finances m’a chargé de vous communiquer ; j’espère que les informations qu’elle comporte répondront à vos légitimes interrogations.
J’ai peur, monsieur le ministre, que votre réponse ne change pas beaucoup la donne.
Au sein du conseil d’administration de la Compagnie des transports strasbourgeois, nous connaîtrons donc encore les situations ubuesques qui se sont déjà produites : les représentants de la communauté urbaine de Strasbourg et ceux du département du Bas-Rhin étant tous frappés d’exclusion, puisque les deux collectivités sont actionnaires, un seul administrateur – en général celui qui représente le partenaire privé ou la Caisse des dépôts et consignations – peut prendre part au vote.
Je trouve une telle situation un peu étonnante dans la mesure où les sociétés d’économie mixte sont des outils des collectivités territoriales. Sans entrer dans des détails techniques, je tiens à souligner que l’intéressement des administrateurs représentant ces collectivités n’est pas, à mes yeux, de la même nature que celui des administrateurs d’une société privée.
Sans doute, monsieur le ministre, les sociétés d’économie mixte ont-elles un statut privé ; elles sont pourtant non pas des sociétés privées, mais des outils des collectivités territoriales, permettant à ces dernières de faire face à des enjeux dans les domaines, par exemple, du stationnement et du transport public.
Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre, mais je crains qu’elle ne fasse pas avancer les choses, et je regrette que des situations bizarres puissent perdurer.
La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 676, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, je désire attirer l’attention de votre collègue ministre chargé de l’économie et des finances sur les retombées fiscales dont les collectivités territoriales peuvent bénéficier dans le cadre du chantier de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, la LGV SEA.
Les travaux actuellement en cours sur la ligne Tours-Bordeaux, qui touchent très largement le département de la Charente, mais aussi les départements voisins de la Vienne, de la Charente-Maritime et de l’Indre-et-Loire, nécessitent l’installation de chantiers temporaires.
Les sociétés intervenant sur ces chantiers sont, en théorie, soumises à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Or il s’avère difficile pour les collectivités territoriales de recenser les entreprises – concessionnaires, filiales et sous-traitants – qui concourent aux travaux, et par conséquent de procéder à la répartition de la CVAE.
Par ailleurs, afin de compenser le manque à gagner résultant pour les collectivités territoriales de la disparition de la taxe professionnelle, on a créé, en complément de la contribution économique territoriale, la CET, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER. Or des difficultés se posent aussi à l’égard de cette imposition, les communes concernées par le chantier de la LGV cherchant à savoir qui doit s’acquitter des taxes sur les transformateurs implantés sur la ligne Sud Europe Atlantique.
Enfin, il faut rappeler que la taxe professionnelle intégrait une imposition foncière des entreprises installées pour des chantiers temporaires d’une durée supérieure à trois mois. À ce jour, les collectivités territoriales ne savent pas si ce principe est conservé, et, si oui, selon quelles modalités, dans le cadre de la cotisation foncière des entreprises, la CFE.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m’apporter des précisions sur les modalités d’application de la CVAE, de l’IFER et de la CFE aux activités liées au chantier LGV SEA, ainsi que sur la manière dont ces impositions sont réparties entre les collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Michel Boutant, M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Vous interrogez le Gouvernement sur les modalités d’assujettissement à la CFE, à la CVAE et à l’IFER des activités liées au chantier de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, ainsi que sur la manière dont ces impositions sont réparties entre les collectivités territoriales.
Comme vous l’avez rappelé, la taxe professionnelle est remplacée depuis le 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale, constituée de deux composantes : la CFE, assise sur les valeurs locatives foncières, et la CVAE, calculée en fonction de la valeur ajoutée produite par l’entreprise.
Conformément aux dispositions des articles 1467 et 1473 du code général des impôts, si une entreprise dispose, pendant la période de référence, d’un bien soumis à une taxe foncière sur les propriétés bâties pour les besoins de son activité professionnelle, elle est redevable d’une CFE établie dans la commune de situation du bien concerné. Le produit de cette cotisation revient à la commune sur le territoire de laquelle le bien est situé, ou le cas échéant à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Les chantiers mobiles et les bases de génie civil temporaires établis pour la construction des lignes à grande vitesse sont imposés à la CFE selon les règles de droit commun. Aussi bien, toute entreprise exerçant une activité imposable au 1er janvier de l’année d’imposition et disposant sur ces chantiers ou sur ces bases, pendant la période de référence, de biens soumis à la taxe foncière pour les besoins de son activité professionnelle doit intégrer leur valeur locative dans sa base d’imposition à la CFE.
Je rappelle en outre que les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que les chantiers, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
En ce qui concerne la CVAE, conformément au III de l’article 1586 octies du code général des impôts, la valeur ajoutée est imposée dans la commune où le contribuable qui la produit dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois consécutifs.
Par ailleurs, lorsqu’un contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois consécutifs dans plusieurs communes, la valeur ajoutée qu’il produit est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles au prorata, pour le tiers, des valeurs locatives des immobilisations imposées à la CFE et, pour les deux tiers, de l’effectif qui y est employé. Pour les besoins de cette répartition, lorsque les salariés exercent leur activité dans plusieurs établissements ou lieux d’emploi, ils sont déclarés par l’entreprise dans celui où la durée de leur activité est la plus élevée.
S’agissant enfin de l’IFER prévue à l’article 1519 G du code général des impôts, elle ne vise que les transformateurs électriques relevant des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, au sens du code de l’énergie.
Concrètement, cette imposition porte donc sur les transformateurs électriques appartenant au réseau de transport d’électricité détenu par Réseau de transport d’électricité, ou RTE, et au réseau de distribution, c’est-à-dire au réseau d’alimentation des consommateurs en électricité, qui dépend à 95 % d’Électricité Réseau Distribution France, ou ERDF. Les transformateurs assurant l’alimentation du réseau ferré ne faisant pas partie des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité au sens du code de l’énergie, ils ne sont pas assujettis à l’IFER.
La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 680, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je désire attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la menace qui semble peser sur la brigade des douanes de Gap.
Établie dans les Hautes-Alpes, cette brigade intervient également dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence. Ses missions consistent à lutter contre les trafics d’ampleur tant nationale qu’internationale ayant cours dans cette zone frontalière, mais aussi contre la délinquance locale. Cette brigade, qui intervient dans des domaines extrêmement variés, est fortement appréciée pour son action dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes-de-Haute-Provence. Nous connaissons tous le rôle primordial joué par les douanes dans ce domaine.
Or il semblerait que l’existence de cette brigade soit compromise par un projet de fermeture, ce qui aboutirait à la disparition de tout contrôle douanier sur un très vaste territoire frontalier de 300 kilomètres.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande s’il est toujours envisagé de procéder à une telle suppression, à laquelle – je tiens à le faire savoir – je suis fortement opposé.
Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger M. le ministre de l’économie et des finances sur la situation de la brigade de douane de Gap. M. Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m’a chargé de vous répondre.
La direction générale des douanes et droits indirects s’est récemment dotée d’un plan stratégique pluriannuel 2013-2018, qui fixe ses grandes orientations : simplification et dématérialisation des procédures, renforcement de la lutte contre les trafics illicites, adaptation de l’organisation de l’action douanière, développement de nouveaux outils de contrôle et d’analyse de risques, poursuite des grands projets fiscaux, renforcement de l’efficacité des fonctions support.
Ce projet stratégique s’inscrit pleinement dans la démarche de modernisation de l’action publique engagée par le Gouvernement, dans laquelle l’ensemble des directions du ministère de l’économie et des finances et du ministère du commerce extérieur jouent un rôle moteur.
Dans ce cadre, et en vue d’atteindre les objectifs ambitieux des services de la douane, dans un contexte de redressement des finances publiques, l’adaptation du réseau à l’évolution des missions a vocation à se poursuivre de manière pragmatique.
Ces éléments étant rappelés, je vous précise, pour répondre à votre question concernant spécifiquement l’avenir de la brigade de surveillance de Gap, que la fermeture de cette dernière n’est absolument pas à l’ordre du jour, compte tenu notamment des enjeux locaux de lutte contre la fraude que vous avez évoqués et auxquels le positionnement géographique de la brigade de Gap permet actuellement de répondre de manière efficace.
Ces propos seront, du moins je l’espère, de nature à rassurer non seulement vous-même, monsieur le sénateur, mais aussi la population des Alpes-de-Haute-Provence et les douaniers de Gap.
Ma réaction sera aussi brève que la question elle-même : je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir rassurés en nous affirmant que cette brigade n’est pas menacée.
Il y avait en effet quelques risques de voir partir les personnels composant cette brigade vers des lieux d’habitat plus concentré, notamment les Bouches-du-Rhône. Or, nous sommes malheureusement habitués, lorsque les services publics s’éloignent de nos deux départements alpins, à ne plus voir personne au bout de quelque temps ! Nous ne connaissons que trop bien une telle dégradation de la situation.
Par conséquent, la réponse que vous nous apportez aujourd'hui tranquillisera nos concitoyens, ainsi que les douaniers de la région de Gap.
La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 646, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.
Les statistiques publiées récemment sur la délinquance en 2013 dans le Val-de-Marne affichent une baisse par rapport à l’année précédente, ce dont je me réjouis bien évidemment. Toutefois, avec 86 169 infractions, le niveau de la délinquance reste très élevé, et une telle situation affecte la vie quotidienne de nos concitoyens. Cambriolages en hausse de 62 % depuis 2008, augmentation des vols de voitures : tout cela concourt à développer un sentiment d’insécurité.
Dans le même temps, nous n’oublions pas l’important recul des effectifs de la police nationale imposé avant 2012 par le gouvernement précédent. Bien que des annonces positives aient été faites en matière de créations de postes, la récente promotion de 118 nouveaux gardiens et gradés, en décembre dernier, ne compense pas les 164 départs de l’année 2013.
De nombreux maires du Val-de-Marne ont interpellé M. le ministre de l’intérieur, déplorant l’absence de prise en compte des évolutions démographiques sur le territoire de leur commune. De très fortes disparités se creusent entre commissariats en termes de ratio effectifs-habitants. J’ai en particulier à l’esprit la situation de Villejuif, ville de 60 000 habitants dont certains quartiers sont classés en zone urbaine sensible mais qui ne compte toujours pas de commissariat de plein exercice et reste rattachée à une circonscription de police de près de 150 000 habitants.
D’autres élus demandent le redécoupage des circonscriptions de police, afin d’assurer une meilleure rapidité d’intervention. Tous considèrent la question des effectifs comme vitale pour garantir l’efficacité des actions complémentaires de prévention que les communes et le conseil général développent fortement dans le cadre de leurs missions de protection de la jeunesse.
Enfin, je veux souligner les premiers résultats positifs de la seule zone de sécurité prioritaire, ou ZSP, du Val-de-Marne, située sur le quartier du Bois-l’Abbé, à Champigny-sur-Marne. De l’avis de tous, le renforcement des effectifs de police qui a accompagné cette création a joué un rôle important dans l’amélioration de la situation. Au demeurant, permettez-moi de relayer la demande de cette commune de voir s’élargir le périmètre de la ZSP au quartier sensible des Mordacs, qui lui est contigu. Nous souhaitons également que, au-delà de Champigny-sur-Marne, des villes comme Orly, Valenton ou Villeneuve-Saint-Georges puissent rapidement bénéficier des mêmes dispositions, au regard des difficultés qu’elles rencontrent.
Pour conclure, je souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour répondre aux nombreuses inquiétudes des Val-de-Marnais en matière de sécurité et pour faciliter le retour du droit à la tranquillité pour tous.
Monsieur le sénateur, quittant l’uniforme du ministre de l’économie et des finances précédemment endossé, je revêts avec plaisir, pour vous répondre, celui du ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Vous avez très justement souligné les dégâts de la RGPP. Au total, 13 700 emplois de policiers et gendarmes ont été supprimés entre décembre 2007 et décembre 2012, soit une baisse sans précédent.
Le Président de la République a pris un engagement fort : renforcer les moyens humains de la police et de la gendarmerie. Désormais, non seulement les départs à la retraite sont compensés poste pour poste, mais en outre 500 postes supplémentaires de policiers et gendarmes sont créés chaque année.
Nous ne pourrons pas compenser tous les postes détruits, mais ce gouvernement a fait le choix de revenir dans des territoires que la précédente majorité avait, hélas ! abandonnés. Depuis la mise en place de l’agglomération parisienne, la direction territoriale du Val-de-Marne a vu s’échapper 6 % de ses effectifs, alors que Paris en a perdu 11 % et les Hauts-de-Seine 8 %.
Nous ferons tout pour minimiser les effets passés de la RGPP. Ainsi 2 045 gardiens de la paix ont-ils été recrutés en 2013, et 983 d’entre eux viennent de sortir des écoles de formation. Sur ce total, 22 jeunes gardiens de la paix ont rejoint le Val-de-Marne. L’effort sera poursuivi grâce au prochain recrutement de gardiens de la paix souhaité par le ministre de l’intérieur.
D’ores et déjà, la forte mobilisation des services de police de votre département a permis, en 2013, une baisse de 3, 7 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique, infractions souvent traumatisantes pour les victimes. Les atteintes non crapuleuses décroissent quant à elles de 8, 2 %. Par ailleurs, la hausse des cambriolages a été contenue.
Ces résultats ont été permis par une stratégie globale déclinée dans les zones de sécurité prioritaires. Dans celle de Champigny-sur-Marne, centrée sur le quartier du Bois-l’Abbé, sont visés principalement trois types d’infractions : les trafics de stupéfiants, les occupations de halls d’immeubles et les vols avec violences.
Et les résultats sont là ! Depuis la mise en œuvre de la ZSP, les actions de lutte contre les trafics de drogue ont permis de saisir 4 kilogrammes de cannabis, ainsi que 126 221 euros d’avoirs criminels. En 2013, les vols avec violences ont diminué de 47 %, les atteintes volontaires à l’intégrité physique de plus de 46 %, et les atteintes aux biens de plus de 20%.
Cette stratégie porte donc ses fruits. Mais, pour être efficace, le dispositif des ZSP doit être, selon le ministère de l’intérieur, sélectif et dirigé d’abord vers les zones les plus touchées par la délinquance. Même s’il n’est pas envisagé de créer une nouvelle ZSP dans le Val-de-Marne dans les prochains mois, le Gouvernement continuera à porter la plus grande attention à la situation des effectifs de ce département.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d’apporter.
Je souligne les efforts qui ont été accomplis dans la toute dernière période, notamment avec la création d’une ZSP, qui a permis d’enregistrer les résultats que vous avez soulignés.
Je souhaite simplement indiquer notre souhait de voir corriger les inégalités constatées dans le cadre de la politique conduite par le gouvernement précédent. Je pense en particulier aux villes de banlieue, qui ont beaucoup souffert des diminutions d’effectifs.
Pour ce qui concerne la ZSP créée sur la commune de Champigny-sur-Marne, je rappelle qu’il existe, à côté de cette zone, un quartier d’habitat sensible extrêmement important, qui dépend d’ailleurs également de Paris Habitat-OPH et nécessite le même type d’intervention.
La question posée est donc celle de l’extension de cette ZSP sur ce quartier contigu. Il s’agit non pas d’étendre à l’infini les zones de sécurité prioritaires, mais de faire en sorte qu’elles puissent être mises en place là où on en a le plus besoin.
La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 658, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le projet de baisse de la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres-heure sur le réseau routier secondaire.
Cette réduction est préconisée par le comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière, le CNSR, dans un rapport commandé par son président, qui estime qu’une telle mesure permettrait d’épargner de 350 à 400 vies chaque année si elle s’appliquait sur l’ensemble du réseau concerné.
Or la sécurité routière est une équation complexe, et la vitesse n’est qu’un facteur parmi d’autres de la mortalité sur les routes.
Aussi, avant d’envisager la mise en œuvre d’une telle limitation de vitesse, le Gouvernement pourrait-il indiquer son coût non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités territoriales, qui auraient la charge de faire modifier l’ensemble des panneaux de signalisation ?
Monsieur le sénateur Gilbert Roger, vous interrogez le ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, sur les conséquences d’une éventuelle réduction de 90 à 80 kilomètres-heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires.
Permettez-moi de vous le rappeler, l’année 2013 a été une année historique sur le plan de la sécurité routière. Le nombre de tués a diminué de 11 % : jamais les routes françaises n’ont été aussi sûres depuis l’après-guerre. Mais ces chiffres, aussi encourageants soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier que 3 250 personnes ont perdu la vie et plus de 70 000 ont été blessées. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de tels chiffres et devons donc continuer à agir avec détermination.
Le Gouvernement a un objectif clair dans ce domaine : parvenir à moins de 2 000 tués par an sur les routes françaises à l’horizon de 2020.
Comme vous l’indiquez, monsieur le sénateur, un accident de la route est souvent dû à de multiples facteurs. Mais la vitesse est la cause principale de 25 % des accidents mortels et intervient comme un élément aggravant lors de nombreux autres accidents.
Dans la lutte contre l’insécurité routière, le Gouvernement a fait le choix de la concertation. Manuel Valls a ainsi réinstallé, voilà un peu plus d’un an, le Conseil national de la sécurité routière, qui n’avait plus été réuni depuis 2008. Cette instance, qui rassemble l’ensemble des acteurs impliqués dans le domaine de la sécurité routière, est chargée de faire des propositions concrètes au Gouvernement.
Le 29 novembre dernier, le comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière a présenté aux membres de ce conseil une première proposition de stratégie en vue de réduire encore le nombre d’accidents. Parmi les quatre premières pistes d’action mises en avant par ce comité figure effectivement, comme vous l’avez dit, l’abaissement de la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres-heure sur les réseaux bidirectionnels, c’est-à-dire sur les routes sans séparateur central.
Les différentes commissions du Conseil national de la sécurité routière examinent actuellement les différentes pistes suggérées par le comité d’experts et débattent de ces dernières. Elles rendront leurs conclusions lors de l’assemblée plénière de ce conseil, le 16 mai prochain.
Le ministre de l’intérieur, qui s’est déjà montré favorable à l’idée d’une expérimentation, fera ensuite examiner par ses services les propositions formulées par le conseil. Ce travail sera naturellement conduit en étroite concertation avec les préfets et les présidents de conseil général.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le coût résultant de la modification de la signalisation routière. Il s’agit là d’une question importante. Tous les éléments d’évaluation des principaux effets de la mesure envisagée seront bien sûr établis.
Nous devons agir résolument pour continuer à améliorer la sécurité sur nos routes. Il ne doit plus y avoir de fatalité à voir les gens mourir ainsi. Pour atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement, toutes les pistes devront être explorées.
Permettez-moi de compléter les informations destinées à être portées à la connaissance de M. le ministre de l’intérieur.
Je prendrai l’exemple du CHU de Rennes, que je connais bien. Le mois dernier, le CHU de Rennes a admis, de nuit, quatre personnes souffrant de traumatismes gravissimes, présentant une alcoolisation excessive ou ayant consommé des substances illicites. Les services de la gendarmerie ont inscrit sur le procès-verbal : « vitesse excessive et consommation d’alcool ». Mais les professeurs en traumatologie et en réanimation disent, quant à eux, que c’est la trop forte consommation d’alcool ou celle de drogue la nuit qui est à l’origine de la vitesse excessive et de la perte de la maîtrise du véhicule. Par conséquent, il serait intéressant que soient uniformisées les méthodes à partir desquelles les rapports de police ou de gendarmerie sont rédigés. Au volant, il faut faire une différence entre excès de vitesse et vitesse excessive consécutive à une consommation d’alcool.
Le CHU de Rennes est à la disposition des services du ministre pour travailler sur cette question.
La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre des outre-mer.
Sourires.
Le service militaire adapté, ou SMA, est un dispositif d’insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes volontaires les plus éloignés de l’emploi au sein des outre-mer. Lancé en 1961 aux Antilles, il a été progressivement étendu à pratiquement tous les départements et collectivités d’outre-mer.
Le succès du SMA est bien réel puisque trois jeunes sur quatre sont insérés à l’issue de leur parcours SMA. C’est la raison pour laquelle il a été décidé en 2009 d’en doubler les effectifs, avec pour objectif d’atteindre 6 000 stagiaires pris en charge annuellement à l’horizon 2016.
Wallis-et-Futuna est une des rares collectivités ultramarines à ne pas avoir de SMA, alors même que nos jeunes ne trouvent pas de débouchés et que l’attrait pour l’armée reste fort parmi eux.
Le Président de la République, lorsqu’il a reçu la délégation de Wallis-et-Futuna à la fin du mois de novembre, a d’ailleurs rendu hommage à l’engagement des Wallisiens et Futuniens dans nos forces militaires.
Voilà quelques années, il avait été envisagé de réserver des places pour les Wallisiens et Futuniens dans le SMA de Périgueux. Mais cela soulevait trop de difficultés. Donc, dès novembre 2008, avant même l’annonce du plan « SMA 6 000 », le gouvernement d’alors avait décidé l’implantation d’un détachement du SMA sur notre territoire, et la chefferie d’Alo à Futuna avait gracieusement accordé des terrains par convention signée en novembre 2009 avec l’État.
Les premières délégations de crédits devaient intervenir dès 2010, mais hélas ! il a été décidé de surseoir au projet, dont la mise en œuvre est depuis lors gelée.
Monsieur le ministre, je sais toute l’importance que vous attachez au système du SMA, dont vous connaissez les résultats extrêmement probants. Votre budget en témoigne puisque vous avez décidé une augmentation substantielle – de l’ordre de 5 % – des moyens accordés au dispositif en loi de finances pour 2014.
Je sais aussi tout l’intérêt bienveillant que vous portez à notre territoire et votre volonté d’aider à son développement. Le rattachement des jeunes Wallisiens et Futuniens aux autres SMA, en particulier à celui de Nouvelle-Calédonie, pose de vrais problèmes, vous le savez.
Dans le cadre du déploiement du dispositif vers l’objectif des 6 000 stagiaires, j’espère de tout cœur, monsieur le ministre, que vous pourrez entendre notre demande de relance et de concrétisation du projet de SMA à Futuna.
Monsieur le sénateur, je vous confirme notre grand intérêt pour Wallis-et-Futuna, territoire que j’ai appris à aimer pour m’y être rendu deux fois. Et j’espère bien avoir l’occasion d’y effectuer une troisième visite.
Vous appelez mon attention sur les possibilités offertes aux jeunes Wallisiens et Futuniens pour mener à bien leur projet d’insertion professionnelle, dans le cadre du service militaire adapté.
Comme vous le savez, le SMA comprend sept régiments – les « RSMA » – implantés sur les différents territoires d’outre-mer. Ces RSMA accueillent des jeunes volontaires âgés de 18 à 25 ans qui, peu ou pas qualifiés, sont éloignés du marché du travail. Ainsi, parmi les jeunes accueillis, le SMA compte près de 38 % d’illettrés et 70 % n’ayant pas leur brevet des collèges.
Le SMA est avant tout un dispositif original qui renforce la capacité d’insertion socioprofessionnelle de ces jeunes dans la vie active en développant le goût de l’effort et en permettant l’apprentissage de la vie collective.
Ce dispositif ancien a su s’adapter aux évolutions des besoins des entreprises et des jeunes : en 2013, 5 400 volontaires ont été accueillis sur l’ensemble des outre-mer et 75 % d’entre eux se sont insérés à l’issue de leur parcours au SMA.
En 2016, conformément au plan de doublement des effectifs, ce seront près de 6 000 volontaires – vous l’avez dit – qui devraient bénéficier chaque année d’un parcours au SMA.
Comme vous l’indiquez également, le SMA n’est actuellement pas implanté à Wallis-et-Futuna, pas plus qu’il ne l’est à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, au nord de la Guadeloupe.
Les jeunes volontaires Wallisiens et Futuniens résidant sur le bassin de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, bénéficient néanmoins du dispositif puisqu’ils sont accueillis par le régiment du SMA implanté dans la province Nord de l’île, à Koumac et à Koné. Ces jeunes sont une vingtaine chaque année. Ils sont motivés par les formations professionnelles de la sécurité et du bâtiment. Leur parcours au SMA débouche sur 83 % de sorties positives sur le territoire calédonien.
Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, la création d’un détachement du SMA sur le territoire de Wallis-et-Futuna a été envisagée dès le début des années 2000, avec l’ambition de former, à terme, une cinquantaine de jeunes volontaires. Ce projet ne s’est pas concrétisé jusqu’à présent, principalement en raison de contraintes budgétaires, mais il n’est pas pour autant abandonné.
Je profite de l’occasion pour signaler que le régiment du SMA de Guadeloupe, compte tenu de la proximité de l’île de Saint-Martin avec ce qu’il est convenu d’appeler le continent guadeloupéen, accueille de jeunes Saint-Martinois. Wallis-et-Futuna étant situé à quelque 2 000 kilomètres du continent calédonien, un accord similaire aurait peut-être pu être trouvé, mais ce n’est pas le choix qui a été fait.
La mise en œuvre de ce projet de création d’un détachement du SMA sur le territoire de Wallis-et-Futuna, qui a été différée, est envisageable sous deux conditions : la première, c’est que des ressources budgétaires nouvelles puissent être mobilisées à la fois pour la création de postes d’encadrement et pour les dépenses d’investissement ; la seconde, c’est que le niveau de services de ce détachement soit au moins équivalent à celui qui est actuellement proposé à ces jeunes accueillis au SMA de Nouvelle-Calédonie. J’attache en effet vraiment du prix à ce qu’un tel dispositif puisse proposer un nombre significatif de formations pour renforcer les chances d’insertion des jeunes volontaires.
Dans l’intervalle, je resterai bien sûr très attentif à ce que les jeunes Wallisiens et Futuniens concernés puissent continuer à accéder dans les meilleures conditions au dispositif implanté en Nouvelle-Calédonie.
Je le répète, ce projet est différé, mais il n’est pas abandonné.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous attendons votre troisième visite à Wallis-et-Futuna ; et j’espère que nous pourrons continuer à approfondir cette question de SMA à Futuna.
Le SMA, dispositif très intéressant et prometteur, permet aux jeunes, grâce aux formations qu’il leur offre, de s’intégrer rapidement sur le marché du travail.
Voilà quelques années, j’avais visité le régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie, implanté à Koumac et à Koné. Les jeunes volontaires, en raison des formations qui leur sont dispensées, sont très privilégiés. Si les Wallisiens et Futuniens de Nouvelle-Calédonie y sont accueillis, les jeunes originaires du territoire de Wallis-et-Futuna ne l’intègrent pas facilement. D’où l’intérêt de créer à Futuna un dispositif SMA équivalent en matière de formation à celui de Nouvelle-Calédonie.
Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de Mme la ministre déléguée chargée de la famille, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 661, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’obligation de mise aux normes des cabinets médicaux pour l’accessibilité aux personnes handicapées à partir du 1er janvier 2015.
Depuis le 1er janvier 2007, les cabinets médicaux nouvellement créés doivent répondre à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les locaux doivent être équipés d’aménagements spécifiques, et deux arrêtés de 2006 et de 2007 précisent quels sont les équipements obligatoires.
La mise en conformité des cabinets médicaux existants a été fixée au 1er janvier 2015, et ce quelle que soit leur date de création. Cette mise en conformité va entraîner des travaux importants et soulever des difficultés dans les locaux anciens. Mais les problèmes les plus importants se poseront dans le cas des immeubles collectifs.
Madame la ministre, le professionnel de santé devra-t-il supporter seul le financement ? Il est prévisible que les copropriétaires refuseront de contribuer à financer un aménagement qui ne s’impose qu’à un seul occupant.
En ville, de nombreux cabinets médicaux sont situés en étage, dans des immeubles anciens où il est impossible d’installer un ascenseur. Il avait donc été annoncé que certains cabinets pourraient obtenir des dérogations. Existe-t-il une liste précise de ces dérogations et, si oui, quels en sont les critères ?
Enfin, vous le savez, cette situation entraînera des risques de fermeture anticipée. Compte tenu des dépenses et des contraintes, de nombreux médecins proches de l’âge de la retraite évoquent déjà leur départ. Cette situation va accroître la désertification médicale, y compris dans les villes, avec l’impossibilité de trouver un successeur, puisqu’il sera lui aussi confronté aux mêmes obligations.
Les médecins semblent peu ou pas informés. Que va-t-il se passer si les frais sont prohibitifs, ou en cas de refus des copropriétaires de procéder aux aménagements, ou pour les immeubles, il est vrai en petit nombre, classés monuments historiques ?
Madame la sénatrice, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qui est actuellement en concertation, justement, sur les mesures que prendra le Gouvernement afin de donner une nouvelle dynamique à la mise en accessibilité.
Vous avez raison de rappeler, madame la sénatrice, que la mise en accessibilité des cabinets médicaux existants a été fixée au 1er janvier 2015 par la loi du 11 février 2005.
Le Gouvernement ne crée donc pas de nouvelles obligations. Il doit faire face à une situation qui est la conséquence du manque de portage politique de la loi de 2005 pendant de trop nombreuses années. La loi de 2005 prévoit déjà plusieurs types de dérogations possibles, notamment lorsque le bâtiment est classé, en cas d’impossibilité technique ou de disproportion manifeste entre les coûts et les bénéfices résultant des travaux à réaliser.
Ces dérogations s’appliquent aux cabinets médicaux et permettent de prendre en compte, par exemple, la question du coût financier des travaux sur l’activité ou bien les situations de refus d’une copropriété d’aménager les locaux. Un guide de l’accessibilité spécifique aux locaux des professionnels de santé est déjà disponible sur le site de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle. Il précise également la nature des dérogations, et je ne peux qu’encourager les représentants des professionnels de santé à diffuser ce dernier.
Par ailleurs, au printemps, sera déposé sur le bureau du Sénat un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans deux domaines : d’une part, l’adaptation des normes de mise en accessibilité afin d’ouvrir ces dernières à tous les types de handicap ; d’autre part, l’introduction dans la loi des agendas d’accessibilité programmée, ou Ad’AP. Tous les gestionnaires d’établissements recevant du public – cela inclut les cabinets médicaux existants – et de systèmes de transports qui ne seront pas en conformité avec la loi s’engageront sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité. La signature d’un Ad’AP permettra de lever le risque pénal auquel seront exposés les intéressés dès l’échéance du 1er janvier 2015, et ce sur toute la durée de l’agenda, en contrepartie, bien sûr, de son respect.
Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne et présidente de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, vient de terminer les concertations dans ces deux domaines avec l’ensemble des acteurs afin de recueillir le plus large consensus possible.
Je tiens à appeler chacun à la responsabilité. L’accessibilité des cabinets médicaux est naturellement une condition sine qua non de l’accès aux soins et donc de la santé des personnes handicapées. Nous ne pouvons imaginer de société inclusive sans un accès égal au système de santé, exigence qui est au cœur de notre modèle social.
Madame la ministre, si j’ai bien compris votre réponse, il faut attendre le printemps pour obtenir un peu plus de précisions, et les médecins devront signer ces Ad’AP, dont pour ma part je découvre l’existence. Mais je ne suis pas un professionnel de santé, et je vais donc me rapprocher de ma collègue Mme Claire-Lise Campion pour en savoir plus sur les normes d’accessibilité.
Cela étant, peut-être une autre solution aux problèmes d’accessibilité pourrait-elle être envisagée ? Ne pourrait-on concevoir que, pour toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap, les déplacements à domicile des médecins soient automatiquement pris en charge, sans autorisation préalable, dès lors que le cabinet du médecin n’est pas accessible ? Compte tenu du rapport coût-bénéfice des travaux, que vous avez évoqué, ce pourrait être une bonne solution. Je pense donc qu’il y a plusieurs moyens de régler le problème de l’accessibilité.
Mais je veux surtout insister sur un point – c’était d’ailleurs l’esprit de ma question –, à savoir le problème de la désertification médicale. En effet, étant donné les dépenses et les contraintes liées à la question de l’accessibilité, de nombreux médecins proches de l’âge de la retraite songent à arrêter leur activité. Parallèlement, il n’y a pas de médecins repreneurs. En effet, si le cabinet repris est considéré comme un cabinet nouvellement créé, le repreneur ne pourra pas satisfaire aux normes de mise en accessibilité en vigueur depuis le 1er janvier 2007. Voilà qui va freiner l’installation de nouveaux médecins.
Il y a donc un réel problème, pas seulement pour les médecins, mais aussi relativement à leur implantation. Et la question se pose aussi en milieu urbain : ainsi, dans mon département du Val-de-Marne, le président du conseil départemental de l’ordre des médecins évalue à quelque 15 à 20 % la part des cabinets situés en étage et donc non accessibles aux personnes handicapées, et ce dans un territoire qui, compte tenu d’une démographie médicale en chute, connaît une certaine forme de désertification médicale. Il est donc important de progresser sur ce sujet.
La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 669, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention, et celle du Gouvernement, à la suite de la publication de l’arrêté pris par le directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes en date du 10 décembre 2013, qui n’a pas retenu le projet de création d’un institut médico-éducatif de 20 places pour enfants autistes à Saint-André-le-Puy.
Je ne comprends toujours pas, et le mot est faible, l’avis défavorable de la commission consultative concernant l’appel à projets, et encore moins l’arrêté de l’ARS, alors que de nouvelles pièces avaient été portées au dossier.
En effet, ce projet a notamment reçu l’avis favorable, depuis de nombreuses années, des services de l’État et de ceux du conseil général de la Loire, ainsi qu’un avis très positif de l’ancienne directrice du handicap et du grand âge de l’ARS Rhône-Alpes, Mme Lejeune. La méthode ABA répond pleinement aux recommandations définies par la Haute Autorité de santé pour le troisième plan Autisme et à celles de l’ARS de la région Rhône-Alpes.
Surtout, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, à l’époque ministre des solidarités et de la cohésion sociale, avait qualifié ce dossier d’exemplaire, après examen par ses services. Elle avait même demandé, dans une lettre datée de mars 2012, au directeur général de l’ARS d’autoriser la création de cet IME. À cet effet, Mme Bachelot-Narquin avait écrit que le budget de l’agence régionale de santé bénéficierait en 2014 d’un abondement exceptionnel de 1, 2 million d’euros par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce qui a été fait, permettant l’ouverture de l’établissement en septembre 2014.
Mme Valérie Létard, que je souhaite associer à cette question, a aussi soutenu ce dossier avec force et conviction.
Aujourd’hui, c’est le travail de plusieurs années qui est remis en cause. Par ailleurs, je ne peux accepter que certains dysfonctionnements de l’État pénalisent les enfants.
J’ai été abasourdi par la réponse du directeur de l’ARS de Rhône-Alpes, M. Christophe Jacquinet – du reste, limogé la semaine dernière - qui, dans une lettre datée du 10 octobre dernier, m’a informé qu’il n’avait pas connaissance du courrier de mars 2012 de Mme Roselyne Bachelot-Narquin...
Enfin, je ne peux accepter que l’abondement qui avait été attribué spécifiquement à ce projet soit transféré à un autre, en l’occurrence celui des Liserons à Saint-Chamond, structure qui se créera désormais à Saint-Étienne.
Pour couronner le tout, M. Christophe Jacquinet demande à l’association ABA de se rapprocher de l’association Les Liserons pour s’arranger avec elle.
Je m’interroge fortement sur le fait que l’on puisse revenir sur la parole et les écrits d’un ministre de la République. À travers lui, c’est bien sûr la parole et les engagements de l’État qui sont remis en question, ainsi que la continuité des décisions prises au plus haut niveau.
Les familles et les élus sont exaspérés par la façon dont les services de l’État ont traité cette affaire.
Ainsi, madame la ministre, je vous demande solennellement de réexaminer ce dossier et de prendre en compte les avis favorables qui ont été émis, afin que ce magnifique projet pour les enfants autistes puisse voir le jour.
Monsieur le sénateur, je répondrai de nouveau au nom de Mme Carlotti.
Vous attirez l’attention du Gouvernement sur le projet de création d’un institut médico-éducatif de 20 places porté par l’Association ABA-Apprendre autrement, qui est soutenu par la commune de Saint-André-le-Puy et également appuyé par un courrier de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en date du 7 mars 2012 adressé à Mme Létard.
La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009 définit, en matière de créations d’établissements médico-sociaux, une procédure qui s’applique à tous. Le principe de continuité gouvernementale exige d’abord que l’actuel gouvernement applique et respecte les lois initiées par le précédent gouvernement et votées par la majorité parlementaire d’alors.
Ce cadre, c’est celui de la nouvelle procédure d’autorisation, qui inclut l’appel à projets. Ainsi, la notification de la CNSA en date du 4 octobre 2012 au directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes précise, comme il se doit, qu’une enveloppe de 1, 2 million d’euros est attribuée en vue de la création d’un IME de 20 places dans le département de la Loire.
La procédure a ensuite suivi son cours, conformément à la loi de 2009, et la commission de sélection d’appel à projets a adopté, à l’unanimité, un classement qui ne place pas le projet défendu par l’association ABA-Apprendre autrement dans le premier tiers.
Je n’ose imaginer qu’elles auraient été les réactions si le Gouvernement avait fait pression pour que la décision finale du directeur général de l’ARS contredise radicalement l’avis de la commission, contrairement à l’esprit et à la lettre de la loi HPST. C’eût été flécher une enveloppe vers une association au mépris de l’avis unanime d’une instance composée de représentants des fédérations, d’associations d’usagers, de personnalités qualifiées et de représentants de l’État.
Le directeur général de l’ARS a ensuite cherché, sa décision prise, une solution consensuelle avec l’ensemble des acteurs.
Ce qui importe pour les enfants autistes et leurs familles, c’est que soit créé dans la Loire un institut médico-éducatif appliquant les recommandations de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, qui sont le fil rouge du troisième plan Autisme. Marie-Arlette Carlotti s’est assurée auprès du directeur général de l’ARS de Rhône-Alpes que cette structure serait ouverte dans les délais impartis.
Monsieur le sénateur, le troisième plan Autisme se déploie entre 2013 et 2017 et est accompagné par un effort inédit de 205 millions d’euros.
Madame la ministre, je ne suis pas satisfait de votre réponse, vous vous en doutez. Je tiens à vous rappeler que le dossier technique de Saint-André-le-Puy est opérationnel, puisqu’un terrain de 5 000 mètres carrés a été cédé à l’association ABA en janvier 2010 et qu’un bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans a été signé le 25 juin 2013. Ce n’est pas le cas de l’association Les Liserons, qui n’a ni localisation ni terrain.
En outre, l’implication des familles est totale, la méthode ABA reconnue et Saint-André-le-Puy permettrait de mutualiser l’IME avec l’école et les associations sportives. Les enfants, qui grandissent, devront-ils encore attendre des années ?
De façon plus générale, et pour conclure, il n’est pas satisfaisant, surtout pour le membre de la délégation française auprès de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que je suis, de devoir constater que la France a été pointée du doigt au Conseil de l’Europe, car elle ne respecte pas le droit des enfants et adolescents autistes à être scolarisés dans des établissements ordinaires.
La parole est à Mme Delphine Bataille, auteur de la question n° 672, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, le Gouvernement s’est engagé, à travers le pacte territoire-santé, dans la lutte contre les déserts médicaux, enjeu essentiel pour la région Nord-Pas-de-Calais.
Le directeur général de l’agence régionale de santé reconnaissait voilà quelques semaines qu’il y avait beaucoup à faire dans un contexte de difficultés général, mais se félicitait, dans le même temps, de l’engagement des acteurs locaux et du partenariat avec la collectivité régionale.
Le pacte territoire-santé s’est traduit, en Nord - Pas-de-Calais, par un avenant au programme régional « démographie des professions de santé » arrêté au mois de juin dernier.
Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a dressé, la semaine dernière, un premier bilan très positif de ce pacte, en soulignant la mobilisation de l’ensemble des acteurs dans toutes les régions.
Néanmoins, les résultats restent insuffisants pour le Nord - Pas-de-Calais, et la ministre de la santé y a insisté en précisant que cette région n’a pas suffisamment embrayé pour combler son retard et qu’elle a besoin d’être dynamisée.
Par ailleurs, les mesures visant à renforcer la présence médicale dans les territoires et à majorer les subventions des maisons de santé pluridisciplinaires risquent de se révéler insuffisantes pour résorber la fracture médicale dans le département du Nord, où les zones rurales sont sous-équipées en médecins généralistes, où l’offre de soins est quasi inexistante pour certaines spécialités, comme la pédopsychiatrie, et qui, de manière globale, reste confronté à des enjeux sanitaires et sociaux plus importants qu’au niveau national.
Situé dans une région marquée durablement par l’empreinte industrielle et la reconversion des sites sidérurgiques et miniers, le Nord est confronté à des problématiques spécifiques qui se traduisent notamment par une surmortalité importante et persistante au regard de la moyenne nationale et par une espérance de vie demeurant la plus faible de France.
Ces graves indicateurs révèlent une situation sanitaire de ces bassins industriels ruraux profondément dégradée, malgré un investissement constant en équipement et dans des actions de prévention des collectivités locales, qui traduisent leur souci de résorber la fracture dans l’accès aux soins.
La santé d’une population étant à la fois cause et conséquence des dynamiques territoriales, une approche globale permettant d’agir sur l’ensemble des déterminants de santé est donc nécessaire et doit s’accompagner d’une territorialisation des politiques publiques de santé.
Dans ce contexte, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer, madame la ministre, les actions concrètes que le Gouvernement compte entreprendre dans cette mission régalienne, soutenue par l’action des collectivités locales, pour améliorer l’état sanitaire du département du Nord et permettre un rattrapage des inégalités qui touchent sa population plus que les autres, par rapport aux références nationales.
Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine.
Comme vous le rappelez à juste titre, le Gouvernement s’est engagé très rapidement dans la lutte contre les déserts médicaux avec le lancement, dès la fin de 2012, du pacte territoire-santé. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé était d’ailleurs la semaine dernière à Chalon-sur-Saône, où elle a dressé le bilan national de la première année d’application de ce pacte.
Nous sommes partis du constat que les mesures prises par nos prédécesseurs ont été inefficaces, car ponctuelles et sans cohérence d’ensemble. La force de ce pacte réside donc notamment dans le fait qu’il a été conçu comme un plan global composé de douze engagements concrets interagissant les uns avec les autres.
Un an après l’annonce du pacte, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Des médecins s’installent dans les territoires manquant de professionnels ; 180 praticiens territoriaux de médecine générale ont franchi le pas en 2013. Devant le succès du dispositif, 200 nouvelles installations sont prévues pour 2014. En outre, 591 étudiants ou internes ont opté pour le versement d’une bourse en contrepartie de l’engagement de s’installer dans un désert médical. Cela représente une augmentation de 65 %, et le dispositif sera désormais élargi aux futurs chirurgiens-dentistes.
Des structures d’exercice coordonné maillent le territoire, et la dynamique engagée montre bien que ce cadre d’exercice répond aux attentes des jeunes médecins.
Entre 2012 et 2013, le nombre de maisons de santé a plus que doublé, passant de 174 à 370 ; en 2014, il y en aura plus de 600.
L’accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité en 2014 pour 1 million de personnes supplémentaires, grâce à l’évolution considérable du nombre de médecins correspondants du SAMU : 150 en 2012, 650 en 2014.
De nombreuses autres mesures portent également leurs fruits : réalisation des stages en médecine générale pour les étudiants ; mise en place d’un correspondant « installation » dans chaque ARS ; développement de la télémédecine.
Madame la sénatrice, la dynamique est bien engagée, en Nord - Pas-de-Calais, et en particulier dans le département du Nord que vous connaissez bien : 28 contrats d’engagement de service public, ou CESP, ont été signés, 31 projets de maisons et pôles de santé sont recensés dans le département, dont 7 sont en fonctionnement ; 6 devraient ouvrir rapidement. En outre, un projet de télémédecine pour la prise en charge des plaies complexes est expérimenté sur les zones de Cambrai et de Roubaix.
Un autre projet porte sur la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux dans le sud du département du Nord et l’Artois-Douaisis.
Vous évoquez également la prévention. La région est très mobilisée, avec 300 projets pour près de 8, 6 millions d’euros financés par l’agence régionale de santé, sur des thématiques telles que le cancer, les addictions, l’alimentation ou encore la santé mentale.
L’engagement du Président de la République et du Gouvernement dans la lutte contre les inégalités d’accès aux soins est aujourd’hui une réalité. Mme Touraine est confiante quant aux solutions mises en œuvre et quant à l’évolution de la situation des territoires en difficulté.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Vous avez parfaitement ciblé les thématiques de santé qui mobilisent l’énergie des acteurs du département du Nord.
Ma question présentait deux aspects. D’une part, j’insistais sur les facteurs sociaux qui, dans ce département, pèsent plus lourdement que dans le reste du territoire national sur les parcours de soins, et sur les dépenses de santé, qui y sont plus élevées que la moyenne nationale. D’autre part, je soulignais l’existence de disparités cette fois à l’échelle infradépartementale, certains bassins de vie ruraux du sud du département connaissant des facteurs plus élevés.
Face à cette situation, les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais se sont engagés dans une démarche originale et audacieuse : s’affranchissant des limites administratives, ils ont signé une convention-cadre sur les relations entre l’ARS et les deux départements, traduisant ainsi leur ambition partagée en matière de santé.
Ces deux départements sont très peuplés et engagent 2 500 millions d’euros en dépenses directes de solidarité, dont 1 700 millions d’euros pour le seul département du Nord. Quelque 4 000 agents administratifs sont en charge des politiques sociales, dont 1 000 pour la santé.
De plus, la région Nord – Pas-de-Calais renforce toujours son intervention en termes d’investissements pour les équipements. S’il y a quelque temps encore les patients devaient attendre six mois pour un scanner ou une IRM, ces délais sont aujourd’hui réduits à quinze jours !
Vus de Paris, les chiffres du Nord peuvent sembler correspondre à la moyenne nationale. Toutefois, dans certains territoires isolés, les moyens sont très nettement limités, et le sentiment d’abandon qu’éprouve la population en est encore accru. C’est que la réalité n’est pas la même selon que l’on réside dans la métropole lilloise ou dans la campagne profonde : dans certains villages, il est difficile de trouver un médecin généraliste, madame la ministre !
De surcroît, de nombreuses familles sont dans une précarité telle qu’elles sont peu mobiles et ne peuvent pas toujours se déplacer pour aller là où se trouve un cabinet médical.
Nos concitoyens ne cherchent pas un responsable politique ou administratif, ils demandent une attention globale des pouvoirs publics à leur endroit. À ce titre, il est nécessaire d’affiner le diagnostic territorial pour mieux cibler les besoins et mieux adapter les réponses.
Pour conclure, je souligne que le rôle régulateur de l’État demeure déterminant au sein de ces territoires ruraux. S’il existe une complémentarité entre un État fort et des collectivités décentralisées, l’intervention de l’État reste fondamentale pour permettre un rééquilibrage de l’offre de soins et empêcher la désertification médicale.
Vous l’avez indiqué, madame la ministre, il faudra continuer à veiller, avec l’ARS, à ce que les nouvelles installations de médecins profitent à ces territoires isolés.
La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 668, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les modalités de désignation des directeurs des foyers départementaux de l’enfance.
Les services de l’aide sociale à l’enfance ont notamment en charge directe le soutien matériel, éducatif et psychologique des mineurs en situation de danger dans l’ensemble de leur ressort. À cet égard, les foyers départementaux de l’enfance jouent un rôle essentiel dans le dispositif d’évaluation, d’hébergement et d’orientation des mineurs en danger, particulièrement en situation d’urgence.
Ces structures sont, le plus souvent, des établissements sans personnalité morale, intégralement financés via le budget annexe du département et administrés par une commission de surveillance nommée par le président du conseil général. En revanche, la direction de ces établissements relève toujours du pouvoir de nomination de l’autorité compétente de l’État, après avis consultatif du président du conseil général.
En application des dispositions du code de l’action sociale et des familles et de l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986, ce sont donc les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux, relevant de la fonction publique hospitalière, qui ont vocation à être nommés à la tête de ces structures.
Or force est de constater que, dans le cursus actuel de l’école des hautes études en santé publique, l’EHESP, le sujet de l’enfance en danger n’est, malheureusement, que très peu abordé, quand il l’est.
Cette inadéquation des formations, couplée à des fonctions de directeur étroitement liées aux décisions du département, rend ces postes peu attractifs.
Ainsi, en cinq ans, trois directeurs d’établissements sanitaires et sociaux se sont succédé à la tête du village de l’enfance de la Dordogne.
Pour un directeur territorial ayant l’expérience nécessaire et une formation adaptée à la problématique de l’enfance en danger, il n’est pour l’heure pas possible de postuler à ce poste ou d’être proposé par le président du conseil général. Seuls les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux issus de l’EHESP peuvent prétendre à une direction de foyer départemental de l’enfance.
Par ailleurs, l’évaluation individuelle des directeurs, la validation de leurs congés et de leur formation continue sont confiées aux services déconcentrés qui, depuis la décentralisation, n’ont plus l’expérience ni la connaissance de la protection de l’enfance.
Dans ce contexte, à la suite de la réaffirmation du rôle central dévolu aux départements par la réforme la protection de l’enfance, il paraît peu cohérent de ne pas confier aux présidents de conseil général le choix de la direction des foyers départementaux de l’enfance placés au cœur du dispositif de protection de l’enfance dont ils ont la responsabilité.
Par ailleurs, le fait de réserver ces postes à un corps ayant essentiellement une formation sanitaire et gestionnaire n’est pas en adéquation avec la nécessité d’assurer aux équipes éducatives de terrain un appui et un pilotage éclairés. Cette problématique a déjà été soulevée, sans qu’une réponse satisfaisante soit apportée pour autant.
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les clarifications, modifications et précisions réglementaires et législatives que le Gouvernement serait susceptible d’adopter ou de proposer en ce sens ?
Monsieur le sénateur, vous attirez l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les modalités de désignation des directeurs des établissements départementaux de l’aide sociale à l’enfance, et sur l’opportunité de décentraliser ces nominations.
Cette question, que vous soulevez à juste titre, met en évidence le décalage existant entre la décentralisation de la mission de protection de l’enfance, dévolue aux départements, et le maintien d’une nomination par le ministre des directeurs des établissements chargés de la mise en œuvre de cette même mission.
Je rappelle qu’à ce jour le choix des directeurs des établissements relevant des départements n’exclut pas les conseils généraux, dont l’avis est recueilli avant toute nomination.
Reste que ces personnels dirigeants relèvent du statut particulier des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, régi par le décret n° 2007-1930 du 26 décembre 2007. Ces nominations échappent, de ce fait, à la compétence du conseil général.
Cette formule se révèle inadaptée en cas de carence de candidature des directeurs formés à l’EHESP pour ce type d’établissements, ou dans la mise en œuvre de la procédure d’évaluation des directeurs des établissements départementaux de l’enfance.
C’est pourquoi le Gouvernement a engagé une réflexion sur ce sujet, dans le cadre de travaux consacrés à la cartographie des postes de direction de la fonction publique hospitalière. Il s’interroge à ce titre sur une évolution du dispositif actuel.
Deux pistes méritent plus particulièrement d’être travaillées : la formation des directeurs au sein de l’EHESP et la diversification du recrutement.
Compte tenu de son caractère généraliste, la formation dispensée par l’EHESP permet aux directeurs d’appréhender toute la diversité des politiques publiques. Cette formation comporte un volet spécialisé sur l’enfance pour les candidats à la direction d’établissements de ce secteur. Toutefois, ces problématiques de formation continue et d’adaptation à l’emploi des directeurs doivent faire l’objet de travaux complémentaires, pour permettre à ces directeurs de mieux appréhender les questions liées à la protection de l’enfance. En tant que ministre de la famille, chargée de ces sujets, j’y suis particulièrement sensible.
Par ailleurs, afin de pallier les vacances de postes de direction préjudiciables à la mise en œuvre des projets d’établissement, il importe de diversifier les voies de recrutement. Les statuts des différentes fonctions publiques permettent d’en ouvrir le champ. Il est ainsi possible de recourir au détachement de fonctionnaires appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de même niveau que les directeurs de la fonction publique hospitalière. Des nominations peuvent également être assurées par la voie du tour extérieur, après examen individuel des candidatures.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui apporte une première solution à la question posée. De fait, vous avez conclu votre propos en indiquant qu’il était possible de recourir au détachement de fonctionnaires appartenant à des corps ou à des cadres d’emploi de même niveau, et que des directeurs pouvaient par ailleurs être choisis par la voie du tour extérieur.
De telles modalités de nomination permettraient de résoudre ce problème si spécifique. Je prends acte de votre volonté en la matière. Nous resterons bien sûr très vigilants concernant les évolutions que vous nous avez indiquées.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 674, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne pouvant être présente ce matin, Claire-Lise Campion m’a chargé de poser, à sa place, cette question qui m’intéresse du reste au plus haut point.
Dans l’Essonne, comme sur l’ensemble du territoire national, on constate des inégalités en matière d’accès aux soins et de répartition des professionnels de santé.
À titre d’exemple, dans le sud de ce département, on déplore une situation de sous-effectif des médecins généralistes et spécialistes – dentistes, psychologues, psychiatres, notamment. D’après une étude menée par les services du conseil général, aujourd’hui, un Sud-Essonnien sur quatre rencontre des difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste, et un sur deux pour obtenir une consultation chez un spécialiste. Pis, un Sud-Essonnien sur cinq aurait même renoncé à se soigner !
Les inégalités pointées à ce titre ont un impact sur l’activité même des médecins qui ont choisi d’exercer dans ces zones sinistrées. Ils doivent en effet faire face à une surcharge de travail, qui touche les praticiens de cinq cantons sud-essonniens sur sept.
L’ARS d’Île-de-France a pour l’heure identifié trois zones d’intervention prioritaires quant à la présence de professionnels de santé. Mais l’avenir laisse augurer une aggravation de la situation, si l’on considère les dynamiques d’implantation, les médecins généralistes comme les spécialistes s’installant de préférence dans les zones aisées et densément peuplées.
D’autres données indiquent que, dans bon nombre de communes, la relève n’est pas assurée, ces territoires perdant, en proportion, plus de médecins que la moyenne de l’Île-de-France. Celle-ci est certes la région française formant le plus grand nombre de médecins, mais elle peine à les retenir. Aussi, la continuité des soins étant menacée, la question du renouvellement se pose de toute urgence.
Aux communes qui éprouvent déjà le manque de professionnels de santé s’ajoutent celles qui, au regard des tendances de la démographie médicale, souffriront à court et à moyen terme des mêmes atteintes. Cet état de fait suscite de grandes inquiétudes.
Faute de trouver une offre de soins de proximité satisfaisante, les Essonniens s’en remettent aux services d’urgence hospitaliers, dont ils louent la qualité et les compétences du personnel. Mais, dans ce domaine également, rien ne semble acquis, des incertitudes pesant actuellement sur le maintien de services, à l’image de l’unité de réanimation du centre hospitalier d’Arpajon.
Dans une délibération du 25 novembre 2013, le conseil général de l’Essonne a exprimé sa volonté de poursuivre et de renforcer sa collaboration avec l’ARS d’Île-de-France pour lutter plus efficacement contre les inégalités sociales et territoriales de santé. Cette volonté se manifeste par la mise en œuvre d’un protocole de travail entre les deux entités, devant déboucher, à terme, sur une convention départementale de santé.
Le Gouvernement, prenant lui aussi le problème à bras-le-corps, a annoncé il y a près d’un an la mise en œuvre d’un pacte territoire-santé comportant douze mesures destinées à la résorption des déserts médicaux et fondées sur la mobilisation et l’incitation des professionnels de santé. Il y affiche des objectifs clairs : adapter la formation et faciliter l’installation des jeunes médecins, transformer les conditions d’exercice des professionnels de santé et investir dans les territoires isolés.
Aussi, Mme Campion demande à Mme la ministre de bien vouloir lui indiquer les mesures mises en œuvre dans le département de l’Essonne au titre de ce pacte territoire-santé, en vue d’enrayer le phénomène de désertification médicale et de pérenniser les services hospitaliers, qui deviennent bien souvent une solution alternative face au manque de praticiens.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé à juste titre dans votre question que le Gouvernement, et particulièrement la ministre des affaires sociales et de la santé, s’est engagé très rapidement dans la lutte contre les déserts médicaux, avec l’élaboration du pacte territoire-santé, dont nous venons de célébrer le premier anniversaire.
En Île-de-France comme sur l’ensemble du territoire, la dynamique est bien engagée. Pour le département de l’Essonne, que vous connaissez bien, je vous livre quelques exemples. Trois contrats de praticien territorial de médecine générale y ont été signés en 2013, deux dans le sud du département, dans le canton de Méréville, et un à Vigneux-sur-Seine.
L’accompagnement des professionnels de santé est renforcé grâce à des permanences locales, organisées par l’agence régionale de santé, les unions régionales des professionnels de santé, ou URPS, les ordres et l’assurance maladie.
Je citerai encore création de cinq maisons et pôles de santé pluridisciplinaires, dont l’inauguration de la MSP Le Jariel, à Forges-les-Bains, en novembre 2013, qui résulte d’une forte mobilisation des élus locaux et du soutien de l’ARS.
De nombreux projets sont en cours. Trois doivent ouvrir dans le courant de l’année, dont un en territoire déficitaire : à Corbeil, à Paray-Vieille-Poste et à Boutigny-sur-Essonne.
Vous faites également référence à la situation de certaines structures hospitalières du département. Parmi les mesures du pacte, l’engagement 11 vise à renforcer les coopérations entre les établissements. Une équipe de professionnels de santé travaillant sur deux établissements permet de mieux répartir les ressources, de renforcer le niveau des compétences et d’améliorer l’attractivité des postes offerts.
L’engagement du Président de la République et du Gouvernement dans la lutte contre les inégalités d’accès aux soins est aujourd’hui une réalité. Je suis confiante quant à l’évolution de la situation, en particulier dans les territoires en difficulté.
Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse précise, que je transmettrai à ma collègue Claire-Lise Campion. Je sais l’engagement de Mme Marisol Touraine pour la résorption des déserts médicaux. Beaucoup, toutefois, reste à faire, au vu de l’âge moyen des médecins généralistes aujourd’hui : cinquante-six ans…
Cette question, ainsi que l’a souligné tout à l'heure Delphine Bataille, reste problématique au niveau infradépartemental, avec des territoires désertiques où l’on ne voit pas de solution poindre à l’horizon.
La parole est à M. Christian Bourquin, auteur de la question n° 626, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, un projet de loi de santé publique va être présenté au Parlement au cours de cette année 2014. Il devrait comporter de nombreuses mesures concernant certains produits de consommation comme le tabac, les aliments gras ou riches en sucre, et l’alcool. Mon intervention portera sur les dispositions concernant le commerce du vin.
Parmi les mesures attendues, ou plutôt redoutées, figurent l’interdiction de parler positivement du vin dans les médias, notamment sur internet, une taxation plus sévère du vin à des fins de santé publique, ou encore un renforcement des mentions sanitaires sur les étiquettes.
Si je soutiens entièrement le Gouvernement dans sa volonté de protéger la santé de nos concitoyens, j’insiste sur la nécessité de ne pas culpabiliser inutilement les consommateurs. Ce n’est pas le simple fait de consommer du vin, mais bien le fait de le consommer de manière abusive ou immodérée, qui emporte des conséquences néfastes sur la santé.
Or, entre des mesures préventives incitant à la modération et des mesures culpabilisantes visant l’arrêt pur et simple de la consommation, il n’y a qu’un pas, que nous serions mal avisés de franchir.
Si durcissement de la législation il doit y avoir, il est primordial qu’il apparaisse de manière claire que ce n’est pas le vin qui est combattu, mais sa consommation excessive.
Il serait contre-productif et préjudiciable pour notre économie d’adopter, pour le vin, les mesures drastiques conçues pour la législation encadrant le tabac. Je vous le demande, monsieur le ministre, et je prends à témoin mes collègues et le président de séance : comment apprécier une bonne bouteille, lors d’un repas convivial, en famille ou entre amis, si sont portées sur l’étiquette les mentions « Ce produit tue » ou « Ce produit provoque des cancers » ?
Adopter ce type de mesures extrêmes aurait de lourdes conséquences économiques pour notre pays. Les élus sont préoccupés par ce possible durcissement de la législation. À titre d’exemple, le chiffre d’affaires de la filière, production et négoce inclus, en Languedoc-Roussillon, où je suis élu, s’élève à plus de 3 milliards d’euros par an, soit 20 % des exportations de la région. Il s’agit d’une activité cruciale pour le territoire, qui compte environ 3 000 entreprises vitivinicoles, 25 000 producteurs et 240 caves coopératives.
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous vous engagiez aujourd’hui à défendre auprès du ministre de la santé, en cas de modification de la législation encadrant le commerce du vin, un équilibre entre les mesures préventives incitant à la modération de la consommation, et la préservation de l’attractivité du vin, fleuron de notre patrimoine national.
Je m’associe volontiers à cette question, mon cher collègue !
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet d’adresser un message rassurant à nos viticulteurs.
Le Gouvernement a toujours été clair : la filière viticole joue un rôle majeur, en particulier dans la balance commerciale de la France. Grâce au vin et aux spiritueux, en effet, notre balance commerciale agroalimentaire est excédentaire.
Au-delà de cette réalité commerciale et économique, les vins français sont emblématiques de notre patrimoine, dont ils constituent un fleuron, vous l’avez dit à juste titre. Si le repas des Français a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, c’est aussi parce que le vin y a sa place !
Le Gouvernement mène des politiques de prévention qui ne s’attaquent pas au vin en tant que tel, mais à la consommation excessive de vin, à la consommation abusive d’alcool, dont nous connaissons tous, malheureusement, les conséquences. La consommation de vin, pourvu qu’elle soit modérée et raisonnable, n’est pas en cause. Des repères de consommation ont d’ailleurs été déterminés et sont associés à des recommandations en matière de réduction des risques.
Le Gouvernement est engagé dans plusieurs politiques de prévention, en matière de lutte contre le cancer, contre la drogue et contre les conduites addictives ou en matière d’amélioration de la sécurité routière.
Concernant les questions de santé publique, nous nous devons d’être extrêmement vigilants et responsables. Nous le sommes, en particulier, pour aider les jeunes de notre pays à prendre conscience des dangers d’une consommation excessive. Nous devons donc parvenir à faire évoluer les comportements, dès lors qu’ils mettent en jeu la vie de certains consommateurs, comme de ceux qui croiseraient leur route. Cette vigilance a produit des résultats et doit s’inscrire dans la durée.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement entend continuer à mener des politiques de prévention visant à lutter contre la consommation excessive d’alcool, mais entend tout autant soutenir une filière que nous savons essentielle pour notre économie. Et je ne risque pas d’être démenti par le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon ! §C’est pourquoi nous n’avons pas augmenté la fiscalité du vin ni modifié l’encadrement de la publicité qui s’y rapporte. Cet équilibre sera maintenu.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Quel que soit le sujet, toujours plus de prévention ne saurait nuire. Je voudrais cependant vous enjoindre de tordre le cou à cette rumeur persistante, qui se répand partout. Elle n’est pas saine pour le pays. Je suis prêt à vous y aider, comme toutes les forces des territoires concernés. Il est essentiel que vous y parveniez.
L’économie n’est pas toute la vie, mais c’en est une partie. Dans ce domaine, laissez-moi faire un peu la promotion du Languedoc-Roussillon dans le temps qui m’est imparti : aujourd’hui, notre région conforte sa position dans l’exportation du vin, qui progresse de 7 % cette année après une augmentation de 6 % l’année passée. Vous le savez, malheureusement, l’ensemble de nos exportations diminuent de 1, 3 %. Autrement dit, monsieur le ministre, nous tenons bon et, si nous tenons bon, c’est grâce à des produits agroalimentaires comme le vin, qui est notre force tout autant que la raison de notre existence économique.
Il ne faut donc pas faire n’importe quoi. Concernant la prévention, tous les acteurs économiques de nos territoires sont prêts à vous aider, mais il vous appartient à vous, en votre qualité de ministre, de tordre le cou à cette rumeur !
La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Ma question s’adressait en effet au ministre de l’éducation nationale…
Le Président de la République a fait de la jeunesse une de ses priorités. M. le ministre de l’éducation nationale a fermement défendu, et à plusieurs reprises, l’idéal laïc et républicain. Pas plus tard que la semaine dernière, M. le Premier ministre a fait de l’engagement associatif une grande cause nationale pour 2014.
Nous sommes donc bien au cœur du sujet avec cette question.
Les Éclaireuses et Éclaireurs de France, branche laïque du scoutisme français, ont été la première association de scoutisme fondée en France, en 1911. Cette association est ouverte à tous, sans distinction d’origine, de situation sociale ou de conviction philosophique et religieuse. Elle vise à former des jeunes citoyens actifs et responsables et constitue ainsi une école de citoyenneté et d’engagement pour les jeunes.
Reconnue d’utilité publique depuis 1925, et complémentaire de l’enseignement public, l’association est en danger en raison d’une possible décision de réduction draconienne de la subvention que lui attribue le ministère de l’éducation nationale dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs.
L’histoire de cette association plus que centenaire comme la multitude de ses actions novatrices au service de l’éducation par l’action sont ainsi bafouées. La réduction annoncée de 50 % de son financement remet en cause l’ensemble des interventions de ce mouvement, notamment au sein des écoles, comme la formation des délégués de classe, l’accueil de classes transplantées ou les ateliers d’éducation à la paix et la non-violence. De plus, la qualité de ses actions risque d’être altérée par l’obligation, que provoquerait le manque de moyens, de se séparer des enseignants détachés de l’éducation nationale.
La remise en cause de son financement empêchera, par ailleurs, la participation de ses membres, auprès de nombreuses collectivités locales, au projet de refondation de l’école, si cher à M. le ministre de l’éducation nationale.
Parallèlement, je crois savoir que la plupart des autres associations qui signeront une convention pluriannuelle d’objectifs avec le ministère de l’éducation nationale subissent une baisse de leur subvention qui n’excède pas 10 % du montant de la convention pluriannuelle d’objectifs 2010-2013.
Les Éclaireuses et Éclaireurs de France acceptent, et comprennent, dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques, une baisse de leur subvention de 10 % au maximum. Une diminution de 50 % est d’autant plus inacceptable, et incompréhensible à leurs yeux, que l’évaluation par les services de l’éducation nationale de leurs actions est positive. Je vous précise également qu’il s’agit de la seule association à bénéficier d’une telle force bénévole.
Monsieur le ministre, il serait regrettable qu’un gouvernement de gauche mette en danger l’association centenaire du scoutisme laïque dont la place dans le paysage éducatif est et demeure fondamentale.
Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour sécuriser l’avenir de cette association ? Peut-il lui garantir qu’elle bénéficiera d’une convention pluriannuelle d’objectifs et non d’une convention annuelle ?
Enfin, le Gouvernement peut-il revoir son arbitrage concernant l’attribution des subventions, afin que cette association ne soit pas plus pénalisée que les autres associations d’éducation populaire complémentaires de l’école, qui bénéficient, comme elle, d’une convention pluriannuelle d’objectifs ?
Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Vincent Peillon, qui n’a pu être présent ce matin.
Je veux vous dire combien le Gouvernement partage les valeurs que vous avez évoquées – la laïcité, la démocratie, l’ouverture aux autres et la solidarité – et qui sont celles de l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France. À cet égard, je souligne, au nom du Gouvernement, combien nous apprécions l’engagement de cette association dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.
À ce titre, le centre d’accueil et d’animation de La Planche, situé dans un territoire que vous connaissez bien, me semble-t-il, madame la sénatrice, …
… est devenu, je tiens à le dire ici, une référence pour l’accueil des classes de découverte, les séminaires, les séjours et les camps de vacances.
S’agissant de l’accompagnement financier, vous avez rappelé le contexte de redressement des finances publiques dans lequel nous évoluons aujourd'hui. Notre responsabilité est de trouver le juste équilibre entre les besoins que vous avez exprimés et les moyens dont nous disposons pour faire fonctionner au mieux l’école de la République.
Dans ce cadre, des discussions ont été engagées avec les grandes associations complémentaires de l’école qui bénéficient de conventions pluriannuelles d’objectifs, afin de préparer le renouvellement desdites conventions pour la période 2014-2016.
Le ministère de l’éducation nationale a pour ligne directrice de mettre la priorité sur les actions dont le cœur d’activité est l’école plutôt que sur les activités portant sur les temps de loisirs ou l’extrascolaire. Des discussions sont ouvertes sur cette base, et aucun chiffre, je veux le souligner ici, ne sera arrêté tant que celles-ci se poursuivront.
Les dirigeants des Éclaireuses et Éclaireurs de France, à l’instar de ceux de la Jeunesse au plein air, ont été reçus une nouvelle fois au ministère de l’éducation nationale, les 28 janvier et 5 février derniers. Le principe de la reconduction d’une convention pluriannuelle d’objectifs – tel était le sens de votre question – a déjà été acté avec eux. Cet effort – c’en est un ! – témoigne du soutien que nous souhaitons continuer à apporter à ces deux associations pour les années 2014, 2015 et 2016.
Le Gouvernement agit donc pour permettre aux associations d’assurer au mieux leurs missions, tout en tenant compte, vous le comprendrez aisément, madame la sénatrice, des contraintes auxquelles nous sommes tous soumis aujourd'hui.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des informations intéressantes que vous m’avez communiquées ce matin et que je transmettrai à l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France. Je note que la convention pluriannuelle d’objectifs n’est pas remise en cause.
M. le ministre de l’éducation nationale a indiqué – je reprends ici ses termes – qu’il veut valoriser et promouvoir le rôle des associations et de l’engagement bénévole dans notre société.
La question des nouveaux rythmes scolaires se pose en ce moment même, et c’est juste après les élections municipales que les collectivités locales se réveilleront, si je puis dire, pour mettre en œuvre ces nouveaux rythmes lors de la prochaine rentrée scolaire. Sur cette question, il est certain que l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France, comme beaucoup d’autres, devront se mobiliser de manière plus forte et plus soutenue.
Vous avez relevé, monsieur le ministre, que le rapport à l’école est au cœur de la décision. Cette association est précisément concernée : présente sur de nombreux territoires, elle est déjà largement sollicitée pour accompagner les collectivités locales dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.
C’est pour cette raison que je veux revenir sur la seconde partie de ma question. Une diminution de sa subvention de 50 % paraît drastique et limiterait d’autant les actions qu’elle conduit avec les collectivités locales, d’autant que ces actions sont, vous le savez, particulièrement soutenues en direction de l’école.
Permettez-moi d’insister sur le fait que cette association compte un très grand nombre de bénévoles. À l’heure où le Gouvernement entend mettre en avant le bénévolat, il serait regrettable que l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France subisse une diminution trop importante de ses moyens dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs, ce qui la conduirait à priver les collectivités locales de tous ces bénévoles.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 633, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de Mme la garde des sceaux sur le fonctionnement du service public de la justice dans le département de l’Eure, notamment.
Depuis plusieurs années et, plus particulièrement, ces derniers mois, notre pays fait face à une augmentation de la délinquance, qu’attestent les derniers chiffres pour l’année 2013. Cette hausse concerne tout particulièrement les cambriolages, avec une hausse de 6, 4 % en zone urbaine et de 4, 7 % en zone rurale, et les vols à la tire, avec une augmentation de 11, 5 % en zone rurale et de 12, 4 % en zone urbaine.
« La notion de sanctuaire rural et périurbain n’existe plus [...] la délinquance et l’insécurité frappent au cœur de nos territoires, dans la ruralité profonde. » Ce constat n’est pas de moi, il émane du directeur général de la gendarmerie nationale, auditionné le 18 décembre dernier par l’Assemblée nationale. Les Euroises et les Eurois vivent ce constat au quotidien.
Face à cette montée de la délinquance, deux services de l’État doivent être pleinement mobilisés et travailler en étroite collaboration : les forces de l’ordre – police et gendarmerie – et le service public de la justice.
Les forces de l’ordre, bien que disposant de moyens de plus en plus réduits, les obligeant même à limiter l’achat de carburant et les réparations de véhicules, font un travail tout à fait remarquable, mais elles se heurtent malheureusement à la réalité de la réponse pénale.
En effet, on observe que, très souvent, les individus interpellés sont conduits au tribunal, mais aucune poursuite n’est engagée et a fortiori aucune peine n’est prononcée.
Ainsi, pour ne donner qu’une seule illustration de cette situation, un auteur d’infractions dans la ville de Bernay dont je suis maire a été sanctionné à sa quinzième ou seizième comparution devant le tribunal !
Vous le comprendrez, monsieur le ministre, cette situation démotive les forces de l’ordre, qui voient ainsi leur travail réduit à néant, et révolte les victimes. Elle détruit le lien qui unit la justice à nos concitoyens.
Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale disait en ces termes clairs et précis l’inquiétude des forces de gendarmerie : « Les gendarmes sont inquiets, car on prend plus soin des auteurs que des victimes. » Il poursuivait en expliquant ainsi les conséquences de cette situation : « Quand vous relâchez 65 % de ceux qui se sont rendus coupables d’un certain nombre d’exactions, comment voulez-vous que les chiffres baissent ? C’est tout à fait impossible. Vous pouvez multiplier par deux les effectifs de gendarmes […], cela ne changerait rien. »
Pourtant, le Gouvernement ne semble pas mesurer l’ampleur et la réalité de cette situation extrêmement préoccupante : aucune mesure concrète n’est proposée pour y remédier.
Si cette situation perdure, le climat d’incompréhension et même de défiance que nourrissent nos concitoyens, de très nombreux élus locaux, mais également les forces de l’ordre, ne pourra que croître, et vous serez comptable des conséquences qui en résulteront.
Aussi, quelles mesures le Gouvernement entend-il – enfin ! – mettre en œuvre pour faire face à l’évolution préoccupante de la délinquance et garantir la sécurité de nos concitoyens ?
Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de Mme la garde des sceaux, qui n’a pu être présente ce matin pour vous répondre personnellement.
Monsieur le sénateur, évitons tout simplisme, en opposant la police à la justice. Au contraire, il nous faut traiter avec responsabilité ces sujets, qui doivent nous rassembler plutôt que nous diviser.
S’agissant de la politique pénale du Gouvernement, en application de l’article 1er de la loi du 25 juillet 2013 – et cela constitue un véritable progrès pour notre République –, le garde des sceaux n’est plus autorisé à donner des instructions aux parquets, dans le cadre d’affaires individuelles, ni même d’interférer dans les procédures judiciaires.
Par ailleurs, la circulaire du 19 septembre 2012 prévoit que la réponse pénale doit être ferme, juste et adaptée. Il appartient ainsi aux procureurs de la République de mettre en œuvre l’ensemble des modes de poursuite mis à leur disposition par la loi, avec pour principal objectif de prévenir la récidive. Ce qui compte, c’est l’efficacité.
Pour ce faire, il faut certes favoriser la compréhension de la peine et privilégier les mesures de nature à encourager la réinsertion de l’auteur de l’infraction, mais il faut aussi agir avec fermeté lorsque la personnalité de l’auteur et, bien évidemment, la gravité des faits le justifient.
Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, présenté au conseil des ministres du 9 octobre dernier, prévoit, dans son article 11, la prise en charge effective des victimes.
Sur ce point, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que, depuis mai 2012, la ministre de la justice a fait ouvrir plus de 100 bureaux d’aide aux victimes, et tous les tribunaux de grande instance en seront dotés en 2014.
Le texte, qui vous sera bientôt soumis, a été élaboré après de très amples auditions, consultations et expertises. Au travers de ce texte, il s’agit de donner du sens à la peine, de promouvoir des solutions pragmatiques et efficaces, avec l’idée – retenez bien, monsieur le sénateur ! – que la peine doit être individualisée dans son prononcé comme dans son exécution.
L’objectif du Gouvernement est clair : instaurer un suivi et un contrôle véritables du justiciable, afin d’améliorer la sécurité des Français, de diminuer le nombre des victimes et de garantir la réinsertion des personnes condamnées.
Monsieur le ministre, quelles que soient la qualité de la réponse et l’amabilité avec laquelle vous me l’avez transmise, permettez-moi de déplorer l’absence de Mme la garde des sceaux. Sur un sujet concernant la justice et la sécurité, je regrette en effet qu’il revienne au ministre chargé de l'agroalimentaire de représenter le Gouvernement. Cela peut surprendre, pour ne pas dire heurter !
Sur le fond, il n’y avait rien de simpliste dans mon propos. J’ai cité un exemple concret : lorsqu’il faut attendre la dix-septième mise en cause pour sanctionner une personne qui a été déférée quinze ou seize fois – on lui a trouvé à chaque fois une bonne raison de la laisser repartir dans la ville où elle a sévi ! –, on est très loin de la réponse pénale ferme, juste et adaptée que vous avez évoquée, très loin aussi de l’objectif de prévention de la récidive sur lequel vous avez insisté.
Je comprends que vos dossiers quotidiens ne vous permettent pas de vous familiariser avec le terrain, monsieur le ministre, mais telle est la réalité !
Vous dites qu’un texte de loi va améliorer la situation. Mais le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines tel qu’il est rédigé consiste essentiellement à pallier l’absence de places disponibles dans les établissements pénitentiaires. Pour l’instant, je n’y ai malheureusement vu aucune disposition de nature à apporter une meilleure réponse pénale et à lutter contre la récidive. Espérons que le Parlement améliorera le texte qui nous sera présenté par le Gouvernement !
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 662, adressée à M. le ministre du redressement productif.
Monsieur le ministre, par ma voix, ce sont les professionnels de la filière bois qui lancent un cri d’alarme. Ce secteur d’activité est, en effet, brutalement touché par la hausse du prix des grumes, qu’expliquent les exportations massives de la France vers des pays tiers, en particulier la Chine.
Tout cela est la cause d’un grand gâchis.
C’est d’abord un gâchis économique, car nous nous privons ainsi de la création d’une valeur ajoutée dans ce secteur. En effet, ces grumes sont utilisées par des industries, notamment chinoises, pour fabriquer des meubles et des parquets qui nous reviennent ensuite massivement, et à des prix compétitifs. Voilà donc une valeur ajoutée qui nous échappe.
C’est ensuite un gâchis énergétique, car nous nous privons de ce bois, qui traverse les océans pour aller dans des contrées lointaines, mais qui constitue une partie de la ressource qui nous est nécessaire dans le domaine de l’énergie.
C’est aussi un gâchis au regard de l’économie circulaire, monsieur le ministre, car le bois, planté il y a des dizaines d’années, s’inscrit dans un cycle que l’on connaît bien, mais qui se trouve aujourd’hui compromis.
C’est un gâchis structurel, enfin, car, ironie du sort, comme l’activité des exploitants est soutenue par le Fonds forestier national, au bout du compte, nous subventionnons une activité qui permet à des pays tiers, notamment la Chine, de disposer d’une ressource de qualité, toutes les essences étant concernées, pour mieux nous faire ensuite une concurrence inacceptable.
L’activité du secteur est doublement pénalisée : non seulement les professionnels subissent une hausse très forte et très brutale du prix de la matière première – 25 % en quatre mois, c’est tout à fait considérable –, hausse qu’ils ne peuvent pas répercuter sur les clients, mais encore des produits concurrents aux leurs arrivent sur notre marché à des prix nettement inférieurs.
Nous sommes obligés de constater, monsieur le ministre, que l’Europe se défend mal. Beaucoup de pays ont pris des dispositions pour se protéger. C’est le cas d’un tiers des pays du G8 et de deux tiers des pays du G20. Nous, nous ne faisons rien !
Dès lors, je me tourne vers vous, monsieur le ministre. Parmi les plans de reconquête que vous avez définis pour l’industrie française, le plan Industries du bois, audacieux, volontariste et ambitieux, nous permet d’espérer.
Dans le même temps, il y a urgence à agir. C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, les dispositions que vous envisagez de prendre pour soutenir cette activité essentielle à nos territoires.
Monsieur le sénateur, s’agissant de la situation de l’amont de la filière bois, vous faites le bon diagnostic. La France a le deuxième massif forestier d’Europe, mais son industrie de transformation souffre. L’aval de la filière a connu également des difficultés, notamment dans l’ameublement, et a dû se restructurer. Entre les deux, les scieries, c’est-à-dire l’outil de transformation du bois, cherchent à se développer.
Nous sommes devant un douloureux paradoxe : les grumes, la matière première, remplissent fort à propos les fonds de cales de ces bateaux qui s’en retournent vers la Chine à vide une fois leur cargaison déchargée, pour nous revenir, quelque temps plus tard, sous la forme de parquets ; de telle sorte que, si le bois est bien français, le produit fini est chinois !
Forts de cette constatation, le ministre de l’agriculture et moi-même avons pris des mesures.
Premièrement, il a été décidé de commencer à prendre plus de précautions lors de l’exportation des grumes : des contrôles, phytosanitaires comme douaniers, seront mis en place. C’est dans notre intérêt ! Aujourd’hui, les professionnels de la scierie indiquent ne pas avoir assez de bois à leur disposition, l’essentiel de la ressource partant vers des pays qui en manquent.
Deuxièmement, notre stratégie est de renforcer la compétitivité de l’outil productif des scieries. Nous discutons par exemple de la question de la cogénération dans le cadre de la loi sur la transition énergétique. Les Allemands ont un dispositif assez avantageux en la matière, qui permet aux scieries, y compris celles de petite taille ou de taille moyenne, de profiter d’un tarif d’achat de l’électricité qu’elles produisent à partir des déchets que leur activité génère. Elles réinjectent la somme ainsi obtenue – c’est ce que vous avez appelé l’« économie circulaire », monsieur le sénateur – dans la transformation du bois.
C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons. Notre plan sur les industries du bois, je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le sénateur, est assez ambitieux. Dans quelques semaines, nous détaillerons l’ensemble des mesures qu’il comporte, élaborées à partir de la feuille de route que les industriels, qui, chacun dans leur secteur, pilotent ces 34 plans, nous auront fournie. Ce sera l’occasion, pour le Gouvernement, de venir devant les assemblées parlementaires pour en donner les détails, et d’y associer les territoires. Vous en êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, les représentants : voilà qui tombe bien ! Nous reparlerons donc bientôt de ces sujets.
Monsieur le ministre, je veux d’abord vous remercier d’avoir pris le temps de venir au Sénat pour répondre à ma question, …
… d’autant que, je le sais, votre agenda est très contraint.
Je prends acte des informations que vous nous donnez. Reste, malgré tout, qu’il faut certainement envisager des dispositions plus contraignantes.
Il n’est pas normal que, en dépit des règles de l’OMC, des pays se permettent de prendre des dispositions pour protéger leurs propres produits, et que nous n’envisagions même pas de le faire. Je le sais, tout cela est difficile, et toute action en ce sens doit s’inscrire dans le cadre européen. Mais il y a urgence, monsieur le ministre, et je suis convaincu que vous partagez mon point de vue.
J’ajouterai un élément qui concerne une autre de vos casquettes. Vous m’avez répondu en tant que responsable du secteur industriel, mais je veux faire une petite digression sur les aspects énergétiques de la question, qui ont été évoqués dans ma question et dans votre réponse.
Hier s’est tenue à l’Élysée une rencontre, la presse s’en est fait l’écho, entre les autorités françaises et des représentants de groupes industriels mondiaux. Ce fut l’occasion d’affirmer la volonté de rendre la France plus attractive et, surtout, de démontrer que notre pays dispose d’atouts. C’est un objectif que nous ne pouvons que partager. Or, dans la soirée, la chaîne publique France 2 a diffusé un reportage consacré au bois. Les caméras se sont déplacées dans le Jura, où s’est implantée une entreprise suisse de transformation. Le responsable suisse évoquait les contraintes qu’il subissait, et les handicaps de notre pays. Il ne s’agit pas de les cacher : il a parlé, notamment, de la lourdeur de l’administration, sujet qui pourrait nous mener très loin. Mais ce responsable soulignait également un avantage, insuffisamment connu, hélas : le prix de l’énergie en France. Le prix de l’électricité, notamment, est un vrai atout pour notre pays.
Monsieur le ministre, à la faveur de cette question, permettez-moi de vous dire combien nous comptons sur vous et sur votre pugnacité, …
… pour faire valoir que l’électricité, notamment grâce à son origine nucléaire, est un vrai atout pour la France, et qu’il y a d’autres ressources énergétiques, sur lesquelles nous avons de temps en temps l’occasion de nous entretenir, qui peuvent aussi constituer une chance importante pour notre pays.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi ce trait d’humour, nous ne sommes pas loin de partager ici la définition que donnait Lénine du communisme : le socialisme plus l’électricité.
Sourires.
La France dispose d’un atout compétitif extraordinaire : le prix de son électricité est le plus bas d’Europe. Dans le débat sur la transition énergétique, nous avons choisi de faire bénéficier de cet avantage notre base productive et industrielle, qui a été très abîmée ces dernières années.
Nous devons diriger une partie de ce bénéfice vers l’industrie, particulièrement celle qui a de gros besoins d’électricité, ou de gaz, d’ailleurs.
Monsieur le sénateur, vous pouvez donc compter non seulement sur ma pugnacité personnelle, mais aussi sur la politique du Gouvernement, pour répondre favorablement à votre préoccupation.
La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 634, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Ma question s’adressait en effet à M. Cuvillier, ministre délégué chargé notamment des transports. Elle concerne les préconisations rendues le 7 juin dernier par la commission Mobilité 21, chargée de hiérarchiser les grands projets d’infrastructures de transports. Le sujet intéresse donc également M. le ministre du redressement productif, que je remercie d’être présent pour répondre aux quelques questions que je vais lui poser.
Dans ses conclusions, la commission Mobilité 21 préconise de donner une place prioritaire à la rénovation du réseau existant. Tous les acteurs institutionnels s’accordent sur ce point : ils insistent sur l’urgence de rénover, moderniser et électrifier les lignes classiques et les trains du quotidien. Pour le département du Cher, il s’agit de l’électrification de la ligne Bourges - Saint-Amand-Montrond - Montluçon et de la modernisation de la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, ou POLT.
Monsieur le ministre, ces deux lignes, qui font partie des quarante liaisons classées « train d’équilibre du territoire », vont-elles intégrer la prochaine génération de contrats de plan État-régions pour la période 2014-2020, qui doivent permettre de définir les opérations prioritaires à réaliser ?
Ces lignes, je le rappelle, assurent la desserte fine des territoires tout en préparant en amont l’arrivée de la grande vitesse, dans un objectif de raccordement et d’interconnexion avec le projet Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon, ou POCL.
Parallèlement, et afin de préparer le réseau de demain, la commission Mobilité 21 a hiérarchisé les projets de ligne à grande vitesse, ou LGV. Ainsi, le POCL figure parmi les projets à réaliser à l’horizon 2030. Un courrier du ministre des transports, en date du 21 novembre 2013, nous a confirmé que le préfet de la région Auvergne était le préfet coordinateur de l’étape préliminaire à l’enquête d’utilité publique.
Afin de poursuivre la réalisation du calendrier du projet POCL, pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, quand la synthèse des études complémentaires de l’année de concertation sera rendue par Réseau ferré de France ?
Compte tenu des différentes données sur le degré de saturation de certains tronçons du réseau ferroviaire existant – on peut penser à la ligne nouvelle 1, ou LN1, entre Paris et Lyon et à ses capacités d’évolution –, la commission Mobilité 21 a proposé la mise en place d’un observatoire chargé de déterminer avec précision l’échéance d’une telle saturation.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si l’association TGV Grand Centre Auvergne restera un acteur incontournable de la réflexion, à même de garantir le dialogue entre les élus et de favoriser l’union sacrée autour d’un projet indispensable à l’avenir de nos territoires ? Aura-t-elle un siège au sein de cet observatoire ? Intégrera-t-elle le prochain comité de pilotage ?
Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que ces questions émanent de l’ensemble des élus des départements et régions concernés.
Enfin, concernant la mise en place d’une réserve de précaution de 2 milliards d’euros pour d’éventuels travaux, préconisée par la commission Mobilité 21 et approuvée par le Gouvernement, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez les projets qui se verront affecter ces financements, lesquels permettront de faire avancer les études et préparer l’avenir de la grande vitesse. Le POCL en fait-il partie ? Si oui, pour quelle étape est-il concerné ?
Je vous remercie par avance de vos réponses, monsieur le ministre.
Monsieur le sénateur, avant toute chose, veuillez excuser l’absence de Frédéric Cuvillier. Je tâcherai de répondre le plus précisément possible aux préoccupations que, en tant que président de l’association TGV Grand Centre Auvergne, vous avez exprimées.
Sur la base des recommandations de la commission Mobilité 21, le Gouvernement a souhaité donner la priorité à l’amélioration des réseaux existants. Ce principe sera donc mis en œuvre pour la desserte ferroviaire du Grand Centre.
Ainsi, des moyens significatifs devront être consacrés pour moderniser et renforcer la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, axe majeur du réseau ferré national.
Vous l’avez rappelé, 500 millions d’euros ont été mobilisés par RFF entre 2004 et 2016. L’ambition doit être d’accélérer le programme de rénovation est de modernisation de l’axe à partir de 2016, avec notamment la mise en œuvre d’un programme de renouvellement de plus d’un milliard d’euros dans les dix années suivantes ; il s’agit donc de doubler le rythme d’investissement sur cet axe stratégique pour la desserte du Grand Centre.
S’agissant de la ligne Bourges - Saint-Armand - Montluçon, ligne moins circulée, sa modernisation entre dans le cadre de la prochaine génération des contrats de plan État-régions 2014-2020, qui sont en cours d’élaboration et seront finalisés à l’été 2014. C’est au regard de l’ensemble des priorités à l’échelle régionale et de sa cohérence avec l’horizon de réalisation de la ligne nouvelle à grande vitesse Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon que sera examinée l’opportunité d’inscrire l’électrification de la ligne.
S’agissant précisément du projet de ligne nouvelle à grande vitesse Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon, ou POCL, et de son horizon de réalisation, la commission Mobilité 21 l’a classé parmi les secondes priorités, tout en précisant qu’il faisait partie des projets pour lesquels les premiers travaux pourraient être anticipés avant 2030, au regard notamment des enjeux de saturation, travaux qui se voient allouer une enveloppe de 2 milliards d’euros, à côté d’autres projets, comme Montpellier-Perpignan.
C’est pourquoi, afin de préparer au mieux le travail d’actualisation des priorités qui aura lieu tous les cinq ans, le ministre, Frédéric Cuvillier, a demandé la mise en place d’un observatoire de la saturation de l’axe Paris-Lyon, dont la constitution est en cours. C’est en fonction des travaux de cet observatoire que la date de réalisation pourra être précisée.
Dans l’attente, les études de définition du projet doivent se poursuivre, dès que la convention de financement aura été signée par l’ensemble des cofinanceurs. Nous souhaitons que leur avancement permette de converger vers un scénario unique avant la fin de cette année.
Enfin, vous m’interrogez sur les instances de gouvernance des études de la ligne à grande vitesse POCL. Celles-ci associent, aux côtés de l’État et de RFF, les cinq conseils régionaux concernés qui cofinancent les études. Le ministre, Frédéric Cuvillier, est attaché à la mise en place d’une gouvernance resserrée autour des collectivités cofinanceuses des études, qui est la garantie d’un avancement efficace.
Mais cette organisation doit naturellement s’accompagner d’un dispositif de concertation élargi permettant d’associer le plus grand nombre d’acteurs, parmi lesquels figure bien évidemment l’association TGV Grand Centre Auvergne, que vous représentez. Soyez donc rassuré : vous aurez l’occasion d’exprimer le point de vue de l’association préalablement à toute décision sur le projet, et les acteurs que vous représentez seront consultés.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me rassure en tant que président de l’association TGV Grand Centre Auvergne.
Il y a eu une véritable union sacrée de l’ensemble des collectivités locales. Ainsi, 5 régions, 12 départements, 34 parlementaires, 210 collectivités et 18 chambres consulaires se sont mobilisés pour faire avancer ce projet, et 14 000 personnes ont participé au débat public.
Notre Grand Centre Auvergne mérite, me semble-t-il, que ses habitants ne soient plus les oubliés de la grande vitesse. Nous devons, nous aussi, pouvoir contribuer à l’activité économique de notre pays, ainsi qu’à sa compétitivité, à laquelle je vous sais très attaché, monsieur le ministre du redressement productif.
La relance de la croissance passe effectivement par l’investissement dans des projets structurants. Plus on investira dans la modernisation des lignes existantes et l’électrification, avec des entreprises, je l’espère, nationales, pour essayer de desservir plus finement notre territoire, plus nous favoriserons la croissance.
Nous avons donc intérêt à aller assez vite en la matière et à préparer l’arrivée du POCL en essayant de moderniser en amont la ligne POLT et la ligne Bourges - Saint-Armand – Montluçon.
Monsieur le ministre, vous avez proposé de nous recevoir. Je souhaite que nous puissions discuter de ce projet avec vos services, voire avec vous-même, si vous le pouvez.
La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 615, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Ma question s’adresse effectivement à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mais elle concerne également M. le ministre du redressement productif.
Dans la lutte contre le chômage des jeunes, une mauvaise nouvelle vient malheureusement une nouvelle fois assombrir le bilan de l’action du Gouvernement.
Les chiffres publiés par le ministère du travail viennent de faire état d’une baisse de 8 % du nombre d’inscriptions en apprentissage, et ce en l’espace d’une seule année.
Alors que 24 % des jeunes étaient en recherche d’emploi l’an dernier, contre 8 % seulement en Allemagne, la France ne parvient toujours pas à attirer plus de jeunes vers cette filière d’excellence, ce véritable passeport pour l’emploi, qui permet à plus de 70 % des apprentis, voire 100 % dans certaines filières, d’entrer dans la vie professionnelle avec non seulement une formation mais aussi un diplôme.
Comment en est-on arrivé là ? Le Gouvernement semble s’entêter à négliger l’objectif courageux fixé par le Président de la République au mois juillet dernier : atteindre les 500 000 jeunes formés en alternance d’ici à 2017.
Les entreprises, notamment les PME, se plaignent de difficultés de recrutement. Près de 400 000 emplois restent non pourvus, faute d’une formation adéquate. Pourtant, on multiplie les mesures inadéquates qui coûtent des sommes astronomiques sans répondre aux besoins exprimés.
Les emplois d’avenir, qui coûtent bien cher aux contribuables - 2, 3 milliards d’euros en 2013 et 3 milliards d’euros en 2014 - font, certes, baisser les statistiques du chômage, mais ils n’apportent que peu de qualification et pas de diplôme. S’adressant aux services publics, aux collectivités et aux associations, ils ne risquent pas de favoriser la croissance portée par les entreprises !
Les contrats de génération, quant à eux, patinent, faute de prise en compte des contraintes des entreprises et du vrai coût financier d’un tel dispositif pour une entreprise petite ou moyenne.
Les emplois francs ont un objectif bien modeste : seulement 10 000 contrats en trois ans.
Enfin, et c’est presque le pire, la « garantie jeune », très éloignée de l’emploi, offre une allocation de 450 euros pour s’insérer dans l’emploi, alors que c’est de formation technique et pratique que les jeunes ont besoin !
En matière d’apprentissage, ce sont plutôt des signes négatifs que le Gouvernement adresse aux jeunes et aux entreprises ayant fait le choix et l’effort de tendre la main à ces derniers pour les insérer dans une formation qualifiante.
En 2014, vous avez décidé une baisse de 20 % du budget de l’apprentissage, en supprimant dans les sociétés de plus de dix salariés la prime à l’embauche de 1 000 euros et en réduisant le crédit d’impôt lié à la présence d’apprentis. Croyez-moi, cette mesure va être durement ressentie ! Et la prime des employeurs qui ont recruté un apprenti en 2013 va diminuer encore sur les deux années à venir.
De surcroît, on déstabilise les efforts que les régions avaient consentis en faveur de l’apprentissage pour les inciter à financer, avec le produit de la taxe, ces fameux contrats d’avenir qui, eux, ne débouchent sur aucune qualification.
Certes, vous vous appuyez sur les vingt régions que vous dirigez, mais vous contraignez ces partenaires essentiels de l’apprentissage à diminuer leurs efforts de financement, privant les centres de formation et les entreprises partenaires de moyens essentiels à leur développement.
Clou de cette politique, le Gouvernement n’a même pas voulu lancer la campagne nationale de promotion de l’apprentissage, pourtant absolument nécessaire pour l’information des jeunes et des familles.
Monsieur le ministre, au moment où le Président de la République, reconnaissant près de deux ans d’erreurs successives et d’échecs en matière de lutte contre le chômage, oriente désormais ses efforts vers les entreprises, au moment où vous-même tenez courageusement un discours très fort en la matière, pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences que cette nouvelle priorité aura sur l’apprentissage ?
Cette filière de formation d’excellence, qui permet en Allemagne à 5 millions de jeunes de s’insérer durablement dans la vie professionnelle, va-t-elle enfin devenir en France aussi une priorité nationale et un facteur de croissance pour l’emploi ?
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Michel Sapin, qui m’a prié de bien vouloir vous transmettre sa réponse à votre interrogation, d’ailleurs légitime !
Quoi que l’on puisse dire, le Gouvernement est très attaché au développement de l’apprentissage, qui a d’ailleurs abondamment démontré son efficacité en termes de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi l’objectif de porter le nombre d’apprentis à 500 000 en 2017, inscrit dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, que Louis Gallois avait inspiré dans son rapport, est central pour l’ensemble du Gouvernement.
Le bilan de l’année 2013 est maintenant connu. Permettez-moi de les reprendre dans le détail.
Le nombre de contrats enregistrés sur l’ensemble de l’année est en effet en recul, de 8, 1 %. Ce chiffre doit être lui-même relativisé du fait de la modification du mode d’enregistrement des contrats intervenue en 2012, qui a rendu la procédure plus rapide. De ce fait, des contrats qui auraient été enregistrés au mois de janvier dans le système précédent l’ont été à la fin de l’année 2012. Il faudra donc vérifier avec la correction en glissement si le résultat n’est pas en fait meilleur.
En outre, l’apprentissage étant fortement « calé » sur le calendrier scolaire, la période la plus significative est celle de la campagne 2013-2014, qui court de juin à décembre. Or, sur cette période, la baisse enregistrée est limitée à 4, 5 %. Et la baisse du « stock » d’apprentis en fin d’année a été estimée à hauteur de 2, 5 % seulement.
Je ne pense donc pas que les propos catastrophistes sur un prétendu écroulement de l’apprentissage soient de mise.
Au demeurant, tout le monde a besoin de l’apprentissage : le Gouvernement, les entreprises, les jeunes. Il n’y a pas de raison de susciter des réticences à l’égard de cette solution.
Pour nous, les petites entreprises, dans lesquelles se trouvent plus de la moitié des apprentis, doivent être rassurées et soutenues.
C’est à cette fin que l’architecture des aides aux employeurs d’apprentis a été modifiée en loi de finances pour l’année en cours. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, réalisé au printemps 2013 pour analyser les économies à proposer, a en effet mis en évidence que ces aides étaient mal ciblées.
C’est pourquoi l’indemnité compensatrice forfaitaire versée sans discernement aux employeurs d’apprentis a été remplacée par une aide ciblée sur les entreprises de moins de onze salariés. §Ma collègue Sylvia Pinel a raison d’acquiescer, car il s’agit de son secteur : l’artisanat. C’est là où les besoins de formation sont considérables, et les emplois non pourvus ! Et le petit-fils de boucher charcutier de Saône-et-Loire que je suis en sait quelque chose : il manque 3 000 bouchers en France ! Nous les cherchons ? Ils sont là, dans ces petites entreprises, et c’est donc là qu’il faut investir !
Dans le même temps, le crédit d’impôt apprentissage est recentré sur les premiers niveaux de qualification, c'est-à-dire les niveaux V à III, qui sont dominants dans les petites entreprises, mais qui connaissent depuis plusieurs années une baisse du nombre d’apprentis.
Enfin, la réforme de la taxe d’apprentissage en cours de débat au Parlement prévoit qu’une partie plus importante de cette taxe soit fléchée vers l’apprentissage lui-même, notamment par un renforcement des moyens des régions.
Voilà la mobilisation du Gouvernement, monsieur le sénateur. On peut se tromper et avoir besoin de votre éclairage… C’est une cause nationale. Unissons nos efforts et nous réussirons !
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos déclarations. Je préfère votre engagement personnel aux arguties statistiques du ministre du travail sur les chiffres du chômage !
Simplement, ayant moi-même dirigé pendant vingt-huit ans une PME avant de siéger dans cet hémicycle, je sais que tous les chefs d’entreprise, de plus ou de moins de dix salariés, ont besoin d’encouragements, d’aide et de soutien.
Être maître d’apprentissage, prendre l’engagement de former un jeune et d’y consacrer du temps, cela représente une charge très importante, qui peut parfois faire reculer un chef d’entreprise.
Or nous voulons atteindre l’objectif des 500 000 jeunes en apprentissage, au demeurant modeste par comparaison avec les 5 millions de jeunes concernés en Allemagne.
Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à être sensibles à votre discours de mobilisation sur le redressement industriel.
Je vous remercie de ces propos, qui me font très plaisir et qui, je l’espère, figureront bien au Journal officiel.
Je confirme simplement ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous indiquer, monsieur le ministre. Il est vrai que le fait d’être ensemble dans cette Haute Assemblée permet parfois de se dire quelques vérités.
D’ailleurs, vous entendez vous-même des chefs d’entreprise demander des jeunes formés. Alors qu’il y a plus de 3, 5 millions de chômeurs dans notre pays, 300 000 à 400 000 emplois ne trouvent pas preneur. Je pense que c’est un vrai scandale national !
L’apprentissage ne peut pas répondre à tous les besoins et à toutes les demandes, mais je pense que c’est une bonne formule qui mérite que tous ensemble nous nous mobilisions, comme vous nous y invitez. Je retiens votre appel, monsieur le ministre, mais je compte sur vous pour plaider, au sein du Gouvernement, une cause que vous défendez fort bien par ailleurs, ce dont je vous remercie
Nul doute que cette question sera abordée cet après-midi, avec la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
La parole est à M. Dominique de Legge, auteur de la question n° 666, adressée à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
Ma question s’adresse effectivement à Mme le ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, que je remercie d’avoir pu se libérer pour venir me répondre en personne.
Le label « Tourisme et handicap » a été créé en 2001 sur une idée simple : sensibiliser les professionnels et les inciter à accueillir dans les meilleures conditions les personnes handicapées. Le corollaire de cette démarche était, bien évidemment, de permettre aux personnes handicapées d’accéder à des prestations touristiques et de disposer d’informations leur permettant de s’assurer qu’elles seraient accueillies dans les conditions souhaitées.
Pour ne prendre que le cas d’un pays touristique au sujet duquel j’ai été sollicité, celui de la baie du Mont-Saint-Michel, on recense à ce jour à peu près une vingtaine de labellisations. On peut estimer que c’est un bon résultat comme on peut penser qu’il y a là une marge de progression possible, mais peu importe. Ce qui inquiète aujourd'hui les professionnels, c’est le nouveau cahier des charges du label « Tourisme et handicap ».
Le document ne comporte pas moins de vingt-sept pages – je l’ai sous les yeux – et contient je ne sais combien de prescriptions, toutes aussi précises, au millimètre près, les unes que les autres. Ainsi, l’axe de la cuvette des toilettes doit se trouver à 50 centimètres du mur arrière… Je connais un hôtel qui devra refaire ses salles de bain, remises pourtant à neuf il y a tout juste deux ans ! Les campings qui, jusqu’à présent, n’étaient astreints qu’à proposer un hébergement ou deux, en fonction de leur taille, doivent désormais proposer un pourcentage par rapport au nombre de places total, et ce indépendamment de la réalité de la demande.
À la page 16 du document, on peut lire que « les girons de marches des escaliers hélicoïdaux doivent permettre un appui complet du pied du côté le plus large ». Quid des bâtiments anciens ou des monuments classés ? À la page 17, on nous explique que « la zone d’accueil doit être immédiatement repérable grâce à un positionnement cohérent par rapport à la porte principale »…
La multiplication de mesures de ce type risque de décourager un certain nombre de professionnels à s’engager dans la démarche de mise aux normes et, surtout, d’en inciter d’autres à sortir du dispositif à l’occasion de la révision des labels, ce qui diminuerait d’autant les possibilités pour les personnes handicapées d’accéder à ces équipements.
Madame le ministre, quelles sont les raisons qui ont conduit votre ministère à revoir ce cahier des charges et dans quelles conditions peut-on le rendre plus acceptable, dans l’intérêt non seulement des professionnels, mais aussi des personnes handicapées elles-mêmes ?
Monsieur le sénateur, le label « Tourisme et handicap » a été créé dès 2003, bien avant la publication de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, afin de favoriser le tourisme des personnes en situation de handicap.
Il était l’aboutissement de deux ans de travaux menés en concertation avec les professionnels du tourisme et les associations de personnes handicapées. Il a pour objectifs, d’une part, d’identifier des structures offrant une accessibilité réelle de leurs prestations, garantie par leur conformité à un référentiel d’accessibilité adapté à chaque type d’activité, d’autre part, d’apporter une information objective et vérifiée aux personnes handicapées quant à l’accessibilité des sites marqués.
Cette démarche, volontariste et pédagogique, rassemble aujourd’hui plus de 5 200 établissements labellisés. Elle ne doit cependant pas être confondue avec la mise en accessibilité prévue par la loi de 2005, qui se décline dans un ensemble de textes d’application. De nombreuses normes d’accessibilité ont été directement inspirées des critères du label, mais en imposant des exigences plus élevées.
Après la publication des textes réglementaires, il s’est révélé indispensable, pour la crédibilité du label, que celui-ci soit au moins au niveau de la loi. Un important travail de refonte du cahier des charges a donc été mené. Les quotas de chambres adaptées que vous évoquez sont la traduction d’une exigence réglementaire à laquelle les hôtels existants ont l’obligation de se soumettre avant 2015.
Dans le cadre de ces travaux de refonte, de nouveaux critères ont également été définis, qui traduisent le souhait de progresser vers une société plus inclusive. Le label propose aujourd'hui des référentiels d’accessibilité tant pour des équipements devant répondre à des normes très détaillées, comme les hôtels, que pour des équipements pour lesquels il n’existe aucune prescription précise en dehors d’une obligation générale, comme certaines parties des campings ou les pontons de pêche. Attribué pour une durée de cinq ans, le label garantit, par des contrôles quinquennaux, le maintien du niveau d’accessibilité dans le temps.
Je vous rappelle également que le Gouvernement, ayant tiré les conséquences d’un rapport remis lors de la précédente mandature, mais jamais publié, a ouvert une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, en se fixant deux objectifs : la création d’agendas d’accessibilité programmée et l’adaptation des normes.
Le cahier des charges du label sera ajusté afin de tenir compte de ces évolutions et de ne pas devenir, comme vous le craignez, rédhibitoire pour les professionnels.
Madame la ministre, vous faites état de plus de 5 200 établissements labellisés, mais je crains que ce nombre n’aille pas en augmentant dans les années à venir, bien au contraire !
Le Président de la République s’est engagé en faveur d’un choc de simplification. Il est toujours difficile de simplifier, et c’est particulièrement vrai lorsque l’on aborde la question de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Pour autant, nous ferions bien d’aller vers moins de normes, et de veiller plutôt à ce que les normes existantes soient véritablement opérantes et appliquées. Il faudrait changer de logique et passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.
Madame le ministre, j’ai examiné de près ce cahier des charges : à force de tout vouloir normaliser au centimètre près, sur une base purement technique, on risque de perdre de vue l’objectif fixé il y a dix ans au moment de la création du label.
Pour rester sur une note optimiste, puisque vous nous annoncez une concertation, je forme le vœu que celle-ci soit l’occasion de revenir à un peu plus de bon sens, à un peu moins de normes et à davantage d’efficacité !
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 651, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
Madame le ministre, je souhaite relayer les préoccupations de la filière Cognac, eu égard aux règles de fiscalité applicables en matière de stocks et d’imposition des viticulteurs lors de la transmission des entreprises. Je suis certain que cette question est préoccupante dans de nombreuses régions, qui rencontrent les mêmes contraintes, mais pour d’autres alcools.
Concernant le stockage, la mise en vieillissement est inhérente à l’activité viticole, le Cognac étant un produit à cycle long. Afin que la viticulture se réapproprie son stock, les professionnels ont travaillé à la mise en place de réserve de gestion, l’activité de bouilleur de cru, et plus encore celle de vendeur direct, engageant au stockage.
Permettez-moi un petit aparté sur le statut particulier des bouilleurs de cru, pour souligner que celui-ci doit être préservé, car il fait partie intégrante de notre patrimoine. En effet, des inquiétudes se font jour quant aux conditions de détention ou de location des alambics, qui représentent souvent un lourd investissement, à la valorisation du travail et à la qualité de la production.
Pour en revenir au stockage, il s’agit d’un investissement de plusieurs générations qui, compte tenu de la lourdeur de la fiscalité, devient de plus en plus difficile à réaliser. En effet, le stock est considéré comme un bien dont l’assiette de base d’appel de la fiscalité ne se déprécie pas, comme cela peut être le cas pour des biens immobiliers. Cette situation engendre des problèmes très importants en matière de succession.
Tant que les stocks restent dans l’actif d’une société, la cessation d’activité d’un actionnaire n’a pas d’incidence. Il en va de même si les stocks restent dans une société créée pour cette activité. Mais, dès lors que les stocks constituent un actif de succession, ils peuvent être taxés aussi fortement que s’il s’agissait d’une vente. Quelle aberration que de vendre des stocks pour payer le droit d’en détenir, alors qu’ils font partie de l’outil de travail du vendeur direct !
Dans tous les cas, que la succession ait lieu dans le cadre familial ou non, les droits de succession sont dus et varient selon le degré de parenté.
À ces droits de succession, l’administration ajoute l’impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la CSG, et la TVA, ce qui fait que le solde dû par l’héritier peut s’élever à plus de 50 % du volume de stock pour une succession dans un cadre familial et à plus de 80 % dans le cas d’une succession hors cadre familial !
Un stock viticole détenu par un bouilleur de cru ne devrait-il pas être valorisé à son prix de revient lors d’une mutation à titre gratuit et tant que ce stock reste sous le contrôle du service des douanes, la fiscalité intervenant lors de la mutation à titre onéreux ? Il s’agit non pas d’exonérer les professionnels de l’imposition, mais de permettre la pérennité des entreprises.
Alors que, sur le site internet, et pour expliquer le statut d’entrepositaire agréé, l’administration des douanes prévoit que, « conformément aux directives européennes, pour éviter aux entreprises d’avoir à faire une avance de trésorerie importante en attendant de récupérer les droits au moment de la vente au consommateur final, leur paiement est reporté le plus tard possible dans la chaîne de distribution », cette même administration ne prévoit rien pour faciliter la pérennité des entreprises de la filière Cognac.
La fiscalité des stocks de Cognac est un problème régional. La taille des exploitations est en hausse constante, les stocks augmentent donc en proportion. Dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu’en dernier lieu.
La fiscalité du Cognac est très lourde puisqu’elle est appuyée sur la valeur vénale. Elle n’est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés, mais, dès lors qu’un héritier exerce une autre activité, il n’est plus considéré comme pouvant bénéficier d’une suspension de droits.
Cette règle rend les successions de plus en plus complexes, et nombre d’héritiers s’endettent pour pouvoir indemniser leurs collatéraux et continuer à exercer leur profession de producteur de Cognac.
Madame le ministre, le Gouvernement envisage-t-il des propositions de réforme fiscale sur ces points afin d’assurer la pérennité et l’avenir de notre économie régionale, mais aussi nationale, car, comme je l’ai souligné, d’autres secteurs sont concernés par cette question ?
La profession attend une réforme fiscale afin d’apporter de la lisibilité au système et davantage de simplification.
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Cazeneuve.
Les difficultés liées à la transmission des entreprises appartenant à des viticulteurs qui cessent leur activité sont aujourd’hui très largement prises en compte par les services de la Direction générale des douanes et droits indirects.
C’est ainsi que les viticulteurs produisant du Cognac et détenant en suspension de droits d’accises un stock de vin ou d’alcool disposent d’un statut fiscal spécifique, celui d’entrepositaire agréé, conformément à l’article 302 G du code général des impôts. À ce titre, ils bénéficient notamment d’une dispense de cautionnement pour la détention de leurs produits.
En cas de cessation d’exploitation en raison d’une cessation d’activité ou du décès du viticulteur, les successeurs qui reprennent les stocks de vin ou d’alcool ont deux possibilités.
Soit ils peuvent continuer à détenir ces produits en suspension dans leur propre entrepôt fiscal suspensif des droits d’accises, s’ils ont déjà le statut d’entrepositaire agréé en tant que viticulteurs. Dans ce cas, aucun droit ne sera dû à l’occasion de ce transfert. Si le successeur est lui-même récoltant, il pourra également continuer à bénéficier de la dispense de caution pour ses produits.
Soit ils peuvent acquitter les droits afférents aux alcools à l’occasion de leur sortie de l’entrepôt fiscal suspensif du viticulteur qui cesse son activité, s’ils ne disposent d’aucun statut fiscal.
Il est vrai que les droits d’accises et la cotisation sécurité sociale dus à l’occasion de cette transmission peuvent être élevés. Ils sont effectivement calculés en fonction du volume d’alcool pur des produits et non sur leur valeur vénale. Toutefois, tout successeur conserve la possibilité d’opter pour le statut fiscal adapté afin de lui permettre de détenir les produits en suspension sans avoir à acquitter l’ensemble des droits à l’occasion de la transmission.
Enfin, je souhaiterais préciser que les services des douanes et droits indirects peuvent également étudier la mise en place de facilités de paiement afin de permettre aux personnes rencontrant des difficultés d’acquitter les droits.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, de la volonté du Gouvernement de ne pas faire obstacle à la transmission de ces patrimoines.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse positive mais réaliste par rapport à la situation que je viens de décrire.
J’ai toutefois le sentiment que la question de la fiscalité trop lourde qui s’applique aux stocks n’est pas suffisamment prise en compte. J’ai compris que vous étiez d’accord sur la dispense de caution pour transfert, ce qui est une bonne chose, mais c’est surtout en matière de transmission ou de vente que la fiscalité est trop importante et pénalise les entreprises. Les facilités de paiement, si elles sont opportunes, ne suffisent pas.
Je vous demande donc de prendre en considération d’une façon plus concrète et plus déterminante cette question importante pour nos territoires locaux.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 665, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget .
Madame la ministre, ma question a effectivement été transmise à M. Cazeneuve, mais je suis très heureux que vous le remplaciez aujourd'hui, car les sujets auxquels elle renvoie, qui touchent au commerce et à l’artisanat, concernent aussi votre ministère.
Le Gouvernement a décidé de mettre en place le pacte de responsabilité, et cette démarche me semble essentielle pour créer de l’emploi dans nos territoires. Ce sont bien les TPE et les PME, les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont à même de créer de nouveaux emplois ; ce sont elles qu’il faut écouter et aider.
Ma question va justement dans le sens d’une meilleure prise en compte de la réalité de ces entreprises, notamment dans le bâtiment, source de nombreux emplois dans nos territoires ruraux. Elle est concrète et pragmatique : je veux parler ici de la possibilité pour les artisans et les ouvriers du bâtiment qui travaillent dans les communes rurales de bénéficier d’une pause déjeuner et de repas chauds.
Pour bien me faire comprendre, je prendrai l’exemple d’une entreprise de peintres en bâtiment qui emploie plusieurs ouvriers vivant dans différentes communes sur un chantier de rénovation situé sur une commune encore différente. Ces ouvriers se retrouvent le matin à l’entreprise et partent ensemble dans le même véhicule sur le chantier distant de quelques kilomètres. À l’heure du repas, partageant le même véhicule, que peuvent-ils faire ? Il leur est difficile de rentrer chez eux, puisque leur temps de pause n’est pas extensible. Ils sont alors amenés à prendre leur déjeuner au restaurant dans une commune proche du chantier.
Dans ce cadre, c’est souvent l’employeur qui règle directement les frais de ces déjeuners au restaurateur.
En pareille situation, les contrôleurs de l’URSSAF considèrent que les ouvriers ne sont pas en situation de déplacement et qu’en conséquence la prise en charge par l’entreprise des frais de restaurant constitue un avantage en nature qu’il convient de réintégrer dans l’assiette des cotisations et non en frais professionnels. Ils s’appuient pour cela sur l’arrêté du 10 décembre 2002 qui ne donne aucune précision sur la notion de « déplacement ».
Alerté par des entreprises et des restaurants du Finistère, j’ai sollicité une réunion avec les représentants départementaux et régionaux du contrôle, les représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, et ceux de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, l’UMIH. De cet échange il est ressorti effectivement qu’aucune disposition légale n’encadrait « les petits déplacements ».
Sans base légale, cette appréciation a de multiples conséquences pour les hommes et les femmes qui travaillent dans nos territoires ruraux. Elle pénalise les ouvriers, qui ne peuvent pas prendre de repas chaud s’ils ont un chantier proche du siège social de leur entreprise – à une distance qui reste à l’appréciation de vos services. Elle a en outre des conséquences importantes pour les restaurants qui travaillent principalement pour cette clientèle, car ils ne peuvent pas accueillir les entreprises domiciliées dans la commune où ils sont eux-mêmes implantés.
Ma question est donc simple, madame la ministre : pourrait-on envisager une clarification de la règle fiscale en vigueur, qui, sans nuire aux finances publiques, permettrait aux travailleurs des TPE et PME de nos territoires ruraux de mieux vivre ?
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Bernard Cazeneuve.
Je partage votre propos introductif sur la nécessité d’accompagner et de soutenir l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises. J’aurai d’ailleurs l’occasion prochainement de présenter à votre assemblée un projet de loi en leur faveur.
Les employeurs du secteur du bâtiment bénéficient de diverses possibilités de prise en charge des frais de repas de leurs salariés, assorties d’un régime social favorable, particulièrement en situation de déplacement professionnel.
D’une manière générale, lorsqu’un salarié prend un repas hors de l’entreprise et que l’employeur règle directement le restaurateur, la somme correspondante est considérée comme un avantage en nature, donc un élément de rémunération soumis aux cotisations sociales. Ces cotisations peuvent être évaluées sur la base d’un forfait ou sur la base de la somme réellement versée. De même, lorsque l’employeur verse au salarié une indemnité pour financer ses repas, l’avantage en espèces correspondant est soumis aux cotisations et contributions sociales.
Néanmoins, ces règles ne s’appliquent pas aux salariés en situation de déplacement professionnel ni à ceux qui travaillent sur un chantier hors des locaux de l’entreprise, tels que les ouvriers du bâtiment ; dans ces situations, des règles plus favorables sont déjà prévues.
Ainsi, la prise en charge des frais de repas par l’employeur dans les situations de déplacement professionnel n’est pas soumise aux cotisations sociales lorsque la somme est inférieure à 8, 70 euros par repas. Cette disposition s’applique chaque fois que le salarié est dans l’impossibilité de rejoindre son lieu de travail habituel : déplacements temporaires, chantier. En effet, la prise en charge a alors pour objet de compenser la dépense supplémentaire occasionnée par ce déplacement.
Dans le secteur du bâtiment, les employeurs bénéficient en plus de la possibilité d’opter pour une déduction forfaitaire spécifique de 10 % sur les salaires au titre des frais professionnels. Applicable aux professions listées à l’annexe IV du code général des impôts, ce dispositif permet à l’employeur, lorsqu’il paie directement au restaurateur le prix du repas de ses salariés en déplacement, de ne pas tenir compte de cet avantage dans l’assiette des cotisations sociales ; le dispositif est présenté dans une circulaire du 19 août 2005.
Aussi la réglementation sociale en vigueur concernant la prise en charge des frais de repas par les employeurs du secteur du bâtiment permet-elle déjà de répondre de manière précise à la pluralité de situations des salariés concernés, tout en préservant autant que possible les droits des assurés et les recettes de la protection sociale, qui sont réduits par ces mécanismes d’exclusion d’assiette.
S’agissant du secteur du bâtiment en particulier, le dispositif de déduction permet donc de tenir compte des situations particulières, comme celle que vous avez évoquée - même si le ministère du budget et le mien sont disposés à étudier plus particulièrement la question précise que vous avez soulevée.
Dès lors, il n’est pas envisagé d’assouplir cette réglementation, qui est stable depuis de nombreuses années et qui s’applique uniformément sur l’ensemble du territoire.
Je vous remercie, madame la ministre, de la clarté de votre réponse. Cependant, elle ne me satisfait qu’à moitié, puisque vous ne répondez pas véritablement à la question de la prise en charge des frais de repas pour l’ensemble des ouvriers – il est vrai que cela concerne essentiellement ceux du bâtiment – et, surtout, vous ne prenez pas en compte la notion de « déplacement ». Celle-ci est appréciée de manière très subjective par vos services, comme, malheureusement, j’ai dû le constater à plusieurs reprises.
L’interprétation plus restrictive qui est faite de cette notion dans certains départements entraîne parfois des conséquences assez lourdes. Le fait que les ouvriers ne puissent pas prendre leur repas dans le restaurant de la commune où ils travaillent au motif qu’elle est trop proche du siège de leur entreprise les oblige, en pratique, à revenir aujourd'hui à la gamelle. C’est une dégradation des conditions de travail qui est tout de même très inquiétante, et je souhaite que la réflexion sur ce sujet soit poursuivie.
Nous en avons terminé avec les questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspe ndue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures.