Pour ce qui concerne la réforme de l’inspection du travail, les critiques qui s’expriment s’opposent entre elles sur certains points. Pour certains, nous affaiblirions l’inspection du travail en la mettant au pas pour satisfaire les revendications patronales. D’autres, à l’inverse, craignent que nous ne renforcions les pouvoirs de contrôle des inspecteurs, au détriment des entreprises.
À nouveau, où est la vérité ? Elle est dans l’équilibre de ce texte.
Ne rien changer serait condamner l’inspection du travail à une forme de fossilisation, à rester figée dans un format qui n’a jamais changé depuis sa création. Il faut conserver l’inspecteur du travail généraliste actif dans sa section de proximité, mais y adjoindre une organisation collective plus efficace.
Quant aux pouvoirs de l’inspecteur, ils sont garantis et augmentés, dans des cadres qui existent dans d’autres corps d’inspection : la liberté de décision de donner des avertissements ou des conseils plutôt que d’intenter ou de recommander des poursuites est confortée ; le responsable hiérarchique n’aura pas plus demain qu’il ne l’a aujourd'hui le droit de dessaisir l’agent d’un dossier ou de le changer d’affectation, ni de lui donner un ordre sur le contenu d’une décision ; les agents auront toujours une liberté d’organiser et de conduire des contrôles – sur les chantiers, dans les entreprises, ce sont eux qui continueront de décider, de constater, de dresser le procès-verbal, en toute indépendance, une indépendance d’ailleurs désormais gravée dans la loi, grâce à l’adoption d’un amendement important à l’Assemblée nationale.
Mettre en place une inspection indépendante, mais sachant s’organiser de manière à lutter collectivement contre la grande délinquance ou les grands risques : telle est l’ambition de la réforme, qui y ajoute un mouvement exceptionnel de promotion professionnelle, puisque les contrôleurs sont appelés à être transformés en inspecteurs dans les dix années qui viennent.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, un texte d’une telle ampleur ne peut satisfaire chacun sur tous les points, mais il en est de même des avancées que les partenaires sociaux obtiennent grâce à des compromis et qui ne peuvent satisfaire toutes leurs revendications. C’est un texte de progrès, qui instaure de nouveaux équilibres et apporte de nouvelles réponses aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Les forces qui croient au progrès le savent au fond d'elles-mêmes : chaque progrès est une conquête, rien ne vient jamais d'un seul coup. Ce texte fait de nombreux pas en avant, que je vais maintenant détailler.
Le pas puissant d'un texte produit par et dans le dialogue : donnons un signe fort en démontrant que cette méthode est la seule qui permette de réformer notre pays, et qu'elle est au fond acceptée et souhaitée par tous !
Le pas en avant d'un texte qui réforme la formation professionnelle comme elle ne l'a pas été depuis la loi Delors de 1971 et qui, pour quarante ans peut-être, refonde le système. Nous avons ici l'occasion d’écrire une page de l’histoire économique et sociale de la France.
Le pas décidé d'un texte qui affronte les déséquilibres du système : 50 % des salariés des entreprises qui en emploient plus de 1 000 ont accès à la formation, contre 30 % des salariés des entreprises qui en emploient moins de dix et 20 % des chômeurs. Une telle situation n’est plus admissible.
Le pas léger d'un texte qui simplifie le paysage complexe de la formation en créant une contribution unique de 1 % de la masse salariale tout en ramenant le nombre d'organismes collecteurs de près de 200 à une vingtaine au niveau national et à un par région.
Le pas important d'une loi qui crée le compte personnel de formation universel, portable et attaché à la personne.
Le pas résolu d'un texte qui remplace une obligation de financer par une obligation de former, en pariant sur la responsabilité des acteurs.
Le « pas après pas » qui achève de transférer à la région les compétences en matière de formation professionnelle, constituant ainsi un bloc homogène de compétences, au plus près du tissu économique et de ses besoins en savoir-faire.
Le pas décisif d'une réforme qui prend acte que la compétition mondiale se joue désormais majoritairement sur le terrain des compétences et des connaissances. Cette réforme doit donc encourager et donner envie à chacun de progresser d'un niveau.
Le pas d'une réforme qui règle le sujet resté pendant de la représentativité patronale – une question épineuse depuis bien longtemps –, selon un mécanisme clair et pertinent, fondé sur l'adhésion et un socle de critères communs à la représentativité syndicale.
Le pas de la transparence des mécanismes de financement du dialogue social, de manière à dissiper les fantasmes et les soupçons, ainsi qu'à assumer le fait que la démocratie sociale a un coût et que la démocratie politique s'honore à le garantir.
Enfin, le pas résolu, après deux ans de dialogue, vers la réforme d'une inspection du travail confrontée au changement du monde.
Face à autant de grands et de petits pas, je me félicite d’avoir maintenant avec vous un débat qui s'annonce riche et intéressant, comme il le fut à l'Assemblée nationale. Je ne peux que vous engager à réserver un accueil favorable à ce texte, pour lui permettre d'entrer en vigueur rapidement et favoriser ainsi une mise en œuvre fluide de ces réformes d'ampleur qui supposent l'intervention non seulement de textes réglementaires, mais aussi de négociations, en particulier dans les branches et les entreprises.
J'en terminerai en adressant un mot de remerciement à vous tous qui allez contribuer à ce débat. Je salue en particulier la présidente de la commission des affaires sociales, Mme David, qui comme toujours, malgré des délais très resserrés, a œuvré pour la qualité des travaux en commission. Je salue aussi la commission des finances et son rapporteur pour avis, M. Patriat, qui connaît parfaitement tous ces sujets, notamment la formation professionnelle et l'apprentissage, ainsi que, bien entendu, M. Claude Jeannerot, dont chacun connaît ici la maîtrise des dossiers, le sens de la pédagogie et l’humeur toujours égale. §