… en revanche, grâce à ce texte, tout change dans les principes du système de formation professionnelle français.
Comme vous l’avez bien expliqué, monsieur le ministre, il était en effet urgent que la formation professionnelle redevienne un levier de qualification de tous les actifs, et donc un facteur de compétitivité pour nos entreprises et de sécurisation des salariés dans leurs parcours professionnels.
Ce texte est fidèle à l'objectif que Jacques Chaban-Delmas avait fixé en 1971 à la réforme dont il était l'initiateur : « donner à chacun une deuxième, voire une troisième chance, au cours de son existence professionnelle ».
Ce n'est pas là l'unique volet de ce projet de loi, qui comporte également d'importantes mesures visant à accroître la légitimité des acteurs du dialogue social, au niveau national comme à celui de la branche, achevant ainsi l’œuvre engagée par la réforme de la représentativité syndicale de 2008. Il poursuit également la réforme de l'inspection du travail, qui voit ses capacités d'action renforcées.
Son élaboration, précédée de la négociation et de la signature, par la majorité des partenaires sociaux, d'un accord national interprofessionnel, traduit l'engagement du Gouvernement en faveur d'une démocratie sociale vivante et respectée dans son domaine de compétence, défini à l'article L. 1 du code du travail. La preuve est ainsi apportée de la complémentarité des démocraties sociale et parlementaire, cette dernière restant bien sûr souveraine, mais se trouvant enrichie de cet apport essentiel.
Sans revenir sur l'ensemble des dispositions du projet de loi – le ministre en a fait une présentation exhaustive –, j'aimerais insister sur plusieurs innovations majeures de ce texte, pour lesquelles j'entrevois une pérennité comparable aux mesures de 1971, celles qui visaient – rappelez-vous – à construire la « nouvelle société ».
Les limites du modèle français de formation professionnelle sont bien connues. Tous les diagnostics réalisés ces dernières années – je pense au rapport remis en 2007 au nom de la mission commune d’information sénatoriale par notre collègue Jean-Claude Carle et notre ancien collègue Bernard Seillier ou à celui d’avril 2012 de notre collègue Gérard Larcher – mentionnent de nombreuses inégalités d'accès selon le niveau de formation initiale ou encore la taille de l'entreprise et l'inefficacité d'une partie des dépenses engagées en raison de l'obligation fiscale de financement du plan de formation.
Vous l'avez sans doute observé, les recommandations des rapports que j’ai cités sont convergentes : supprimer l'obligation légale afin que la formation redevienne, pour les entreprises, un investissement à part entière et mettre en place un compte individuel de formation attaché à chaque individu, et non à son statut. Ce projet de loi, mes chers collègues, en est la traduction. La réflexion mérite d'ailleurs d'être poursuivie pour que, d'un point de vue comptable, la formation figure un jour en haut de bilan, et ne soit plus considérée comme une charge.
À l'article 1er, le compte personnel de formation marque une rupture forte avec les outils de formation tels qu'ils ont été conçus jusqu'à présent et constitue – reconnaissons-le – une avancée réelle par rapport au droit individuel à la formation institué en 2004, qui est resté, malheureusement, inabouti. Plafonné à 150 heures – contre 120 heures pour le DIF – et alimenté à hauteur de vingt-quatre heures par an, le compte personnel de formation aura une validité permanente jusqu'au départ à la retraite de son bénéficiaire.
Surtout, les droits devront être utilisés pour financer des formations qualifiantes. À cette fin, le CPF s'articulera avec des abondements complémentaires, pour permettre de suivre des formations longues.
Vous l'avez compris, contrairement au DIF, le compte personnel de formation bénéficiera d'un financement dédié versé par les entreprises et défini dans le cadre de la refonte de l'obligation légale de financement.
En effet, les partenaires sociaux se sont accordés pour transformer l'obligation de dépenser, adoptée en 1971, en une obligation de former.
En lieu et place de l'obligation de financement du plan de formation et des divers dispositifs professionnalisants, une contribution au taux unique de 1 % de la masse salariale, contre 1, 6 % aujourd'hui, est instaurée par l'article 4. Elle sera entièrement mutualisée selon plusieurs usages.
J’en ai la conviction, ce pari visant à responsabiliser les entreprises sera couronné de succès : en moyenne, elles consacrent déjà plus de 2 % de leur masse salariale à leur plan de formation. Le taux réduit applicable aux très petites entreprises est maintenu et la mutualisation en leur faveur renforcée.
Contrairement à ce que certains prétendent, les PME ne sont pas les laissées pour compte de cette réforme – je le souligne avec force –, puisqu’un nouveau versement mutualisé est institué au titre de leur plan de formation . Aujourd'hui, reconnaissons que le système est tellement peu redistributif que les PME de dix à quarante-neuf salariés financent à hauteur de 50 millions d’euros par an la politique de formation des entreprises de plus grande taille.