Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 18 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot, rapporteur :

Pour les demandeurs d'emploi, le CPF sera une clé pour bénéficier de formations longues, auxquelles ils ont difficilement accès aujourd'hui, en particulier grâce à 300 millions d'euros de ressources supplémentaires.

Dans le même temps, le projet de loi procède à une clarification bienvenue de la répartition des compétences en matière de formation et de gouvernance régionale et nationale du système. En se voyant confier l'organisation et le financement du service public régional de la formation professionnelle, la région en devient le véritable chef de file. Elle pourra mettre en œuvre, dans le respect du droit communautaire, un service d'intérêt économique général.

Au niveau national, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles – le CNEFOP – se substituera aux instances existantes. Au niveau régional, un comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles – le CREFOP – rassemblera toutes les parties prenantes pour adapter les politiques de formation, notamment le CPF, aux besoins des territoires.

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, n'est pas oubliée : le patrimoine actuellement détenu par l'État qui est mis à sa disposition pourra, dans certaines conditions, être transféré aux régions. Sur ce point, le texte a connu des avancées à l'Assemblée nationale, mais il peut encore être amélioré. Nous nous y emploierons ensemble.

Ce texte contient de nombreuses autres mesures, toutes d’importance, sur la formation professionnelle, visant notamment à encourager le dialogue social dans l’entreprise à ce sujet. Il élargit également l’accès à la formation pour les personnes en insertion par l’activité économique. Enfin, il contribue à la modernisation de l’apprentissage en sécurisant le parcours des apprentis, en rationalisant le processus de collecte de la taxe d’apprentissage et en garantissant que son produit aille prioritairement à l’apprentissage.

Je ne développe pas ces points pour l’instant, car nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail lors de la discussion des articles et des amendements.

Venons-en maintenant au deuxième volet du projet de loi, relatif à la démocratie sociale.

L’article 16 tend à définir les règles de la représentativité patronale et vient ainsi combler un vide juridique préjudiciable à la légitimité du dialogue social.

Cette réforme résulte, d’une part, de la position commune signée le 19 juin 2013 par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF et l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, et, d’autre part, du protocole d’accord conclu le 30 janvier dernier entre ces trois organisations et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL, et l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES. Le projet de loi fixe ainsi un cadre global pour établir la représentativité des organisations patronales aussi bien au niveau des branches professionnelles qu’au niveau national interprofessionnel ou multiprofessionnel.

Il prévoit que la mesure de l’audience sera fondée non sur une élection, mais sur le nombre d’entreprises adhérentes, comme l’a fort bien expliqué M. le ministre.

Il définit par ailleurs des règles spécifiques en cas d’adhésion d’une organisation de branche à plusieurs organisations qui ont vocation à devenir représentatives au niveau national et interprofessionnel. La multi-adhésion n’est pas rare au niveau des branches. Ainsi, le Conseil national des professions de l’automobile, le CNPA, adhère à la fois au MEDEF, à la CGPME et à l’UPA.

Le projet de loi maintient cette liberté, mais prévoit que l’organisation de branche devra affecter une part déterminée de ses entreprises adhérentes à chacune des organisations de niveau national et interprofessionnel. Cette part ne pourra être inférieure à un seuil fixé par décret, seuil que le projet de loi encadre dans une fourchette comprise entre 10 % et 20 %.

Le texte définit également le droit d’opposition patronale à l’extension d’une convention ou d’un accord, et instaure quatre dispositifs ambitieux pour accélérer la restructuration des branches professionnelles.

L’article 18 institue un fonds paritaire afin de rendre transparent le financement des partenaires sociaux et de mettre ainsi un terme à un climat délétère de suspicion. Leur financement sera maintenu au même niveau qu’aujourd’hui, mais les circuits seront simplifiés, rendus publics et mieux contrôlés.

Je présenterai un amendement de la commission tendant à ce que toutes les organisations qui bénéficieront de financements du fonds paritaire soient informées des projets de décision et de délibération relatifs à la répartition de ces crédits.

L’article 19 traite de la transparence des comptes des comités d’entreprise, question sur laquelle notre commission s’est penchée en octobre dernier. Le projet de loi reprend l’essentiel des dispositions du texte que nous avions alors adopté sur proposition de son rapporteur, Catherine Procaccia, et il emporte par conséquent notre pleine adhésion.

Le troisième et dernier volet a pour objet une réforme de l’inspection du travail, sans doute la plus importante et la plus ambitieuse depuis des décennies. Je veux saluer ici l’engagement du Gouvernement, tout particulièrement celui du ministre du travail, dans l’élaboration d’un projet qui est, j’en suis convaincu, porteur de progrès. Pourtant, il fédère contre lui des critiques émanant des deux bords de l’hémicycle, qui me semblent méconnaître les garanties qu’apporte ce projet de loi équilibré.

Certains dénoncent une réforme qui porterait atteinte aux principes essentiels fondant l’inspection du travail, comme l’indépendance et la liberté dans les suites données à un contrôle. Je rappellerai tout d’abord que l’Assemblée nationale a consacré ces principes dans le code du travail, répondant ainsi à une demande des agents.

En outre, les futurs responsables d’unité de contrôle seront des inspecteurs comme les autres, chargés d’assurer, notamment dans la mise en œuvre des actions collectives, l’animation et l’accompagnement des agents de contrôle placés sous leur autorité. En somme, ce lien ne sera pas plus attentatoire à la liberté des agents que ne l’est celui qui existe aujourd’hui entre les inspecteurs et les contrôleurs au sein d’une section d’inspection.

Enfin, le risque de chevauchement des compétences, lors d’un contrôle commun, entre les agents des unités de contrôle territorialisées, des unités régionales de contrôle et du groupe national de contrôle d’appui et de veille me semble essentiellement théorique. En pratique, les structures régionales et nationales agiront évidemment en concertation avec les agents de terrain ; elles se concentreront surtout sur les chantiers et les entreprises mobiles, pour lutter contre le fléau du travail illégal, tandis que chaque agent de contrôle demeurera libre de déterminer quelles suites il entend donner à ses contrôles.

D’autres, à l’inverse, soulignent les risques d’arbitraire que ferait courir la réforme à l’encontre des employeurs. Je veux rappeler que si la procédure de sanction administrative est engagée par l’agent de contrôle, c’est le directeur de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, qui prendra la décision de sanctionner l’employeur, après l’avoir invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois. L’agent de contrôle ne sera donc pas juge et partie ; des contre-pouvoirs existeront au sein même de la DIRECCTE et les droits de la défense seront respectés. Toute sanction pourra être contestée devant le juge administratif dans les conditions de droit commun. De même, la transaction pénale sera engagée par le directeur de la DIRECCTE, mais nécessitera l’homologation préalable du procureur de la République. Quant aux plafonds des amendes administratives, ils sont cohérents avec ceux que prévoit actuellement le code du travail.

Monsieur le ministre, nous devrons ensemble faire œuvre de pédagogie pendant l’examen de ce texte au Sénat afin de dissiper les inquiétudes que suscite cette réforme. Je considère pour ma part, je l’ai dit, que le texte qui nous est proposé est équilibré : il donne de nouveaux pouvoirs à l’inspection du travail pour mieux défendre les intérêts élémentaires des travailleurs, tout en respectant les droits des employeurs et les principes de l’État de droit. Nous présenterons néanmoins un amendement visant à améliorer encore l’information des agents de contrôle lorsque la procédure de transaction pénale est engagée.

Je vois donc une grande cohérence dans ce projet de loi, qui répond tout à la fois aux besoins des salariés et à ceux des entreprises françaises. Une formation professionnelle efficace, adaptée aux besoins de l’économie et redevenue un outil de qualification et de promotion sociale, un dialogue social marqué par la légitimité de ses acteurs et la transparence de leurs financements, une inspection du travail efficace et impartiale : cela ne correspond-il pas aux exigences de notre économie et, plus largement, de notre société ?

La commission des affaires sociales n’a pas semblé le croire puisque, contre l’avis de son rapporteur, elle n’a pas adopté de texte sur ce projet de loi lors de sa réunion du mercredi 12 février dernier. Elle avait néanmoins auparavant adopté les cinquante-trois amendements que je lui avais proposés. Nos débats porteront donc sur le texte du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. §

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