Intervention de François Patriat

Réunion du 18 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Dans ce rapport, nous avions appelé à une réforme profonde et urgente, dans le respect des trois principes de simplification, de décentralisation et de paritarisme. Je rappellerai maintenant quelles étaient nos principales préconisations.

Nous recommandions tout d'abord de simplifier, de clarifier et d’homogénéiser la collecte en rationalisant le réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage, les OCTA, en réduisant leur nombre, en créant une « tête de réseau » des organismes collecteurs et en instaurant une comptabilité analytique obligatoire, ainsi que des conventions d’objectifs et de moyens.

Nous avions ensuite proposé d’introduire un pilotage régional dans la répartition de la taxe d’apprentissage en fonction des priorités de formation définies, par exemple, au travers du contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle, le CPRDFP.

Nous avions enfin recommandé d’associer l’ensemble des acteurs en introduisant le paritarisme dans la collecte et la répartition des fonds, de fusionner la taxe d’apprentissage avec la contribution de développement de l’apprentissage, la CDA, et de recentrer la taxe d’apprentissage vers le financement de l’apprentissage en augmentant la place des régions dans la gouvernance de la répartition des fonds, notamment en leur confiant la gouvernance des fonds non affectés par les entreprises, en coordination avec l’État et les partenaires sociaux. Il s’agit bien là de paritarisme !

Il faut se féliciter que l’essentiel de ces recommandations ait été mis en œuvre par le Gouvernement, d’abord par le biais de la loi de finances pour 2014, ensuite dans la loi de finances rectificative pour 2013 et enfin au travers du présent projet de loi. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, saisie pour avis, a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte.

Pour autant, comme je l’ai annoncé en introduction, je présenterai, au nom de la commission des finances, quatre amendements : le premier de fond, le deuxième de précision et les deux derniers purement rédactionnels.

Je m’arrêterai quelques instants sur les deux premiers amendements, portant sur l’article 9, qui réforme profondément les modalités de collecte et de répartition de la taxe d’apprentissage et opère une rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage aux niveaux national et régional, ramenant leur nombre de 147 à une vingtaine à l’échelle nationale – les OPCA nationaux de branches professionnelles ou interprofessionnelles seront agréés pour remplir les fonctions d’OCTA – et à un par région, soit 46 au total.

À l’échelon régional, une seule chambre consulaire sera habilitée à collecter et à reverser les fonds affectés de la taxe d’apprentissage, selon des modalités définies dans le cadre d’une convention conclue avec les autres chambres consulaires de la région. Cela va dans le sens de la simplification, de la clarification et de l’optimisation que j’évoquais tout à l'heure.

De plus, l’article 9 instaure une procédure nouvelle associant la gouvernance régionale, en particulier le conseil régional, aux termes de laquelle les OCTA procèderont dorénavant à l’affectation des fonds dits « libres », non affectés par les entreprises. Vous avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, que le principe de la liberté d’affectation des fonds était maintenu, mais qu’une partie de ces derniers serait affectée ensuite.

Nous avons estimé – il s’agit là d’un point de désaccord entre nous – que la rédaction retenue dans le projet de loi était perfectible. En effet, elle ne précise pas si les versements effectués par les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage doivent être ou non réalisés conformément aux observations et aux propositions issues de la concertation organisée par la région. En un mot, les préconisations de la région fondées sur les besoins du territoire seront-elles respectées par les OCTA ? Cette procédure n’offre pas de lisibilité sur le point de savoir si les propositions de la région et des partenaires sociaux seront prises ou non en considération.

Notre premier amendement aura donc pour objet de clarifier les conditions de répartition des fonds du solde du quota non affectés par les entreprises en renforçant le rôle de la gouvernance régionale.

Aussi je suggère que, à l’issue d’une concertation sur la proposition des organismes de collecte, la région décide de la répartition des fonds dits « libres » qui ne sont pas affectés par les entreprises. Je sais que le Gouvernement ne sera pas nécessairement favorable à cet amendement, mais je préfère défendre ici cette position quelque peu « maximaliste », quitte à me rallier, lors de la discussion des articles, à une solution de repli permettant aux organismes de collecte de continuer à procéder à leurs propres versements, par décision motivée si les versements en question ne sont pas conformes aux recommandations émises par la région.

Un deuxième amendement aura pour objet d’étendre aux organismes de collecte de la taxe d’apprentissage l’application des dispositions introduites sur l’initiative du Sénat dans la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie et visant à instaurer la conclusion d’une convention triennale d’objectifs et de moyens entre les organismes de collecte paritaires agréés et l’État ainsi que leur évaluation et la publication triennale d’un bilan.

Pour conclure, j’aborderai très rapidement les deux autres articles faisant l’objet de notre saisine pour avis.

Les articles 9 bis et 9 ter visent à remédier aux conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013 ayant censuré, parce qu’insuffisamment précis, plusieurs alinéas de l’article 60, portant réforme de la taxe d’apprentissage, de la loi de finances rectificative pour 2013, relatifs aux règles d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage. En un mot, le Conseil constitutionnel a jugé que cette affectation ne pouvait relever parfois de la loi et parfois du règlement, et qu’il fallait statuer une fois pour toutes.

Il faut se souvenir que les dispositions de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 opéraient la fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage et posaient de nouvelles règles d’affectation du produit. Ainsi, une « première fraction », dont le montant est au moins égal à 55 % du produit de la taxe due, était affectée aux régions, tandis que les modalités d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage d’une « deuxième fraction », dénommée « quota », attribuée aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage, étaient renvoyées au pouvoir réglementaire.

C’est sur ce dernier point que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article 60, estimant que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence.

Aussi les deux articles 9 bis et 9 ter du présent projet de loi prévoient-ils de réintégrer les dispositions censurées en veillant à préciser dans la loi le taux – 21 % – de la fraction du quota de la taxe d’apprentissage réservée au développement de l’apprentissage et celui – 23 % – du hors quota au titre des dépenses réellement exposées en vue de favoriser les formations technologiques et professionnelles initiales.

De facto, la part régionale du produit de la taxe d’apprentissage s’établira à 56 %, et je m’en réjouis. Il était nécessaire d’introduire ces dispositions dès maintenant, afin de permettre à toute la chaîne des acteurs de l’apprentissage de préparer l’application de cette réforme pour le 1er janvier 2015.

L’article 15, quant à lui, prévoit la compensation par l’État des transferts de compétences aux régions, dont le coût est estimé entre 150 millions et 200 millions d’euros. Monsieur le ministre, il faudra que le Gouvernement soit plus précis et explicite sur la question du financement de ce transfert de compétences. Les régions doivent savoir sur quels types de recettes de compensation elles pourront compter pour 2015 et les années suivantes. Il s’agit d’un sujet rémanent, si j’en juge par les différents textes de loi que nous allons examiner d’ici à cet été !

Enfin, je terminerai par l’un des articles emblématiques de ce projet de loi, à savoir l’article 18, relatif à la réforme et à la modernisation du financement du paritarisme.

La philosophie générale du dispositif est de passer d’un système opaque et illisible de financements éclatés entre différentes sources, principalement liées à la gestion paritaire d’organismes, à un système transparent de financement du coût du dialogue social, centralisé dans un nouveau fonds paritaire. Il s’agit d’instaurer un financement mutualisé à coût constant avant et après la réforme.

Si la réforme doit normalement être neutre pour les entreprises, il faut souligner que le budget global de ce nouveau fonds paritaire devrait dépasser 140 millions d’euros, dont près de 30 millions d’euros de subventions de l’État. Là encore il conviendra, dès le projet de loi de finances pour 2015, de s’assurer que cette dotation budgétaire réponde à ces mêmes impératifs de simplification, de clarification et d’optimisation que j’ai évoqués.

Enfin, monsieur le ministre, je présenterai, à titre personnel et avec quelques-uns de mes collègues, un certain nombre d’amendements n’entrant pas dans le cadre de la saisine de notre commission.

Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi. §

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