Sur le fond, la première partie du projet de loi, relative à la formation professionnelle, traite d’un sujet central. Le montant élevé de la dépense nationale pour la formation professionnelle et l’apprentissage témoigne de l’importance de ce sujet : 32 milliards d’euros en 2011, soit 1, 6 % du PIB, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Les entreprises sont de loin les premiers financeurs – à hauteur de 43 % – et les montants alloués ont progressé de 3, 1 % par rapport à 2010. L’État est le deuxième contributeur, avec 15 % de la dépense, malgré une baisse de 1, 1 % des crédits alloués. Ensuite viennent les régions, qui assument 14 % de la dépense totale.
Les fonds sont donc là, mais il existe de grandes disparités entre les bénéficiaires. Selon une étude de l’INSEE de 2012, si 51 % des 25-54 ans en emploi ont suivi une formation pour raisons professionnelles dans l’année, seuls 27 % des chômeurs de cette même classe d’âge ont pu bénéficier d’une telle formation.
De grandes disparités existent également au sein même du monde du travail : selon la même étude, dans la catégorie des actifs occupant un emploi, 66 % des diplômés de niveau supérieur à bac+2 ont suivi au moins une formation professionnelle dans l’année, contre 25 % des personnes sans diplôme. Les inégalités sont ainsi très fortes, et la formation professionnelle profite peu ou pas suffisamment à ceux qui en ont le plus besoin.
Que les choses soient claires, la formation doit naturellement profiter à l’ensemble des salariés, y compris aux cadres. Améliorer ses compétences en permanence permet une adaptation aux nouvelles techniques et une transmission du savoir au sein de l’entreprise dont chacun bénéficie. Mais la formation doit aussi être rendue plus accessible aux chômeurs et aux précaires, afin de leur permettre d’apprendre un nouveau métier et de développer des compétences nouvelles.
La formation professionnelle est également – on l’oublie parfois – un moteur de développement personnel et d’épanouissement des individus, un moyen de préparer l’avenir s’accompagnant du plaisir d’apprendre.
Adaptation aux nouvelles technologies, réinsertion et réorientation des chômeurs et précaires, épanouissement : la formation professionnelle recouvre tous ces aspects et il nous faut trouver, ensemble, le juste équilibre.
Je le disais, la formation professionnelle est un outil d’adaptation aux changements de la société qui permet de se former aux nouvelles technologies et aux nouveaux métiers. Dans cette perspective – j’insiste sur ce point, monsieur le ministre, et j’y reviendrai au cours du débat –, il faut concevoir une démarche prospective à l’échelon national, et pas simplement dans les régions, pour identifier les métiers de demain et les techniques qu’ils mobiliseront, afin d’anticiper le changement plutôt que de le subir.
Si l’on doit préparer l’émergence des métiers de demain, il ne faut pas pour autant oublier ceux d’hier. Chaudronniers, ébénistes, tailleurs de pierre : tous ces professionnels se raréfient, alors qu’ils sont demandés. Une politique de formation cohérente doit nécessairement prendre en compte ces métiers et assurer leur pérennité. S’agissant de créneaux étroits, cela nécessite une coopération entre régions.
Par ailleurs, dans notre monde aux ressources de plus en plus limitées, nous devons faire preuve de volontarisme pour orienter nos modes de production vers la proximité, vers l’économie énergétique. Pour cela, nous avons besoin de techniciens compétents dans les domaines des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique des bâtiments, du recyclage des déchets. La formation professionnelle a tout son rôle à jouer dans la transition écologique : elle doit devenir un outil pour accompagner les mutations.
Le compte personnel de formation constitue un premier pas important vers la formation pour tous que nous appelons de nos vœux. Il est directement attaché au salarié, qui le conservera tout au long de sa carrière et en bénéficiera dès son entrée dans le monde du travail, indépendamment de sa situation et de son entreprise. Le détenteur du compte, s’il suit des heures de formation en dehors de son temps de travail, ne sera pas tenu d’en informer son employeur, ni d’obtenir son accord.
Je vous félicite, monsieur le ministre : ce dispositif représente une avancée réelle par rapport au droit individuel à la formation, dont le bénéfice était ouvert aux seuls salariés ayant un an d’ancienneté et subordonné à l’accord de l’employeur et dont la portabilité entre deux emplois posait parfois problème.
Néanmoins, le volume horaire du CPF reste faible : 150 heures sur sept ans et demi. Cette durée peut-elle vraiment permettre à un individu de suivre une formation qualifiante en vue de se réorienter en cours de carrière ?
En particulier, ce faible volume horaire est encore loin de permettre à des personnes éloignées de l’emploi de repartir sur de nouvelles bases. De fait, le CPF, comme aujourd’hui le DIF, risque d’être utile principalement aux salariés déjà qualifiés qui ont besoin d’une mise à niveau sur une nouvelle technologie, plutôt qu’aux personnes qui en auraient le plus besoin : les chômeurs, les précaires, les seniors…
Monsieur le ministre, l’augmentation de 600 millions à 900 millions d’euros des fonds consacrés aux demandeurs d’emploi est-elle suffisante ? Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Malgré ces insuffisances, qu’il nous reviendra de combler, nous tenons, nous écologistes, à saluer la mise en place du CPF. Nous considérons cette réforme comme une première étape majeure vers un droit universel à la formation tout au long de la vie.