Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 18 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Ces « hors champ » seraient consultés sur les problèmes de financement du dialogue social et des formations. Surtout, on ne sait pas actuellement s’ils seront associés, avec voix délibérative, au comité en question. J’attends confirmation de ce point, monsieur le ministre.

Quant à la décentralisation, nous ne la contestons pas. Nous constatons simplement que l’État se désengage totalement du financement, en particulier en supprimant les contrats d’objectifs et de moyens État-région. Selon moi, il aurait été également nécessaire de lisser dans le temps ce désengagement, pour permettre aux uns et aux autres de s’y habituer. Qui plus est, malgré la fusion de deux institutions, vous instaurez une gouvernance nationale et régionale complexe, avec une représentation limitée, puisque, dans les COPIDEF et les CREFOP, un certain nombre de partenaires ne sont pas associés. Je pense en particulier aux chambres consulaires, tout au moins dans les CREFOP, qui sont des comités consultatifs, et aux départements, qui sont chefs de file en matière de handicap, d’insertion et de RSA. Il aurait été tout à fait naturel de les associer aux organes de réflexion sur la formation de ces publics.

S’agissant des trois listes de formations qualifiantes, elles seront relativement complexes à mettre en œuvre. Dans le cadre du choc de simplification que le Gouvernement entend mettre en avant, une telle mesure aurait nécessité une réflexion préalable. J’espère que, compte tenu des incertitudes liées au financement, il ne s’agit pas d’un obstacle supplémentaire destiné à écarter du dispositif certains bénéficiaires du CPF.

En outre, comme l’écrit M. le rapporteur dans son rapport, et comme l’ont souligné certains intervenants au cours des auditions que nous avons menées, prétendre que les OPCA vont complètement changer de mentalité représente un vrai pari, compte tenu des incertitudes pesant sur le financement. Certes, une telle évolution est tout à fait souhaitable, et il convient de sortir d’une logique de collecte forcée et d’adopter une logique d’offre à l’égard des partenaires sociaux et des entreprises. Toutefois, êtes-vous sûr qu’une telle évolution sera aussi rapide et immédiate que vous l’affirmez ? Vous connaissez aussi bien que moi, dans ce domaine, la force d’inertie des intervenants. Je nourris donc quelques doutes sur ce sujet. Il aurait été certainement nécessaire d’aller un peu plus loin dans l’analyse prospective, afin d’instaurer des garde-fous plus importants.

Pour ce qui concerne la réorganisation de l’inspection du travail, nous n’y sommes pas opposés, je l’ai déjà dit. Gérard Larcher avait d’ailleurs préconisé une réforme de l’organisation des inspections du travail. En revanche, donner des pouvoirs exorbitants, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 euros par salarié si l’employeur ne respecte pas une décision d’arrêt temporaire de travaux ou d’activité, c’est faire peser une épée de Damoclès sur les entreprises. Surtout, par une procédure exorbitante du droit commun, les inspecteurs du travail pourraient, pour les besoins de leurs missions, non seulement prendre connaissance, au siège de l’entreprise, comme ils le faisaient auparavant, de certains documents, mais aussi les emporter avec eux. Une telle mesure ne s’inscrit pas dans le cadre d’un dialogue constructif, même s’il est nécessaire de contrôler les sociétés qui ne respecteraient pas le droit du travail.

Supprimer de telles dispositions serait de nature à rassurer les entreprises quant aux intentions du Gouvernement.

J’en viens au temps partiel. Chacun se rend bien compte que seulement deux ou trois branches – les autres jouant probablement la montre – ont accepté de négocier les accords en question, qui déstructurent des secteurs d’activité complets, notamment celui des services à la personne. Je pense en particulier aux municipalités confrontées à la modification des rythmes scolaires. En la matière, il faut prendre le temps de réfléchir, pour améliorer la situation.

Je le répète, l’apprentissage a été sacrifié. Il servira désormais de variable d’ajustement. Et je n’oublie pas que la formation des personnes handicapées fait désormais l’objet d’un désengagement total de l’État !

Vous en conviendrez, voilà une longue liste de critiques ! À mon avis, ce texte a été bâti trop vite, sans recul suffisant. Ce point de vue est corrélé par le fait que, malgré mon peu d’appétence pour le dépôt d’amendements, notre groupe a été amené à déposer presque quatre-vingts amendements, ce qui est tout de même symptomatique de l’insatisfaction engendrée par ce texte. En effet, après avoir terminé nos auditions, nous nous sommes rendu compte que de nombreux problèmes n’étaient pas abordés par le projet de loi.

Je terminerai en disant que nous avons voulu, au vu des nombreux points positifs de ce texte, ouvrir la porte à des amendements de sagesse, malgré les sujets qui fâchent comme l’apprentissage ou l’inspection du travail. Je le reconnais volontiers, le sentiment de frustration de certaines organisations patronales au sujet de la représentativité mérite d’être pris en compte. Voilà pourquoi, à la fin de l’examen de l’article 16, nous proposerons un amendement visant à donner un peu de temps au temps et à attendre l’échéance de 2017, qui permettra d’obtenir la « photo de la représentativité patronale ». Un comité de suivi pourrait être établi et ces deux années mises à profit pour que les partenaires sociaux rediscutent, évoluent et, surtout, essaient de se comprendre. Car bien souvent, il s’agit uniquement d’un problème de compréhension ! À mon avis, vous feriez un geste d’apaisement en acceptant cet amendement.

Par ailleurs, s’agissant du temps partiel, compte tenu des blocages que ce sujet implique, nous pourrions peut-être envisager de redemander aux négociateurs de l’ANI d’arrondir le texte et de répondre aux frustrations observées dans certains secteurs.

Dans ces conditions, je ne vois vraiment pas comment le groupe UMP pourrait voter ce texte.

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