En définitive, ce système renforce les inégalités et a une efficience toute relative.
Malgré plus de 13, 7 milliards d’euros consacrés annuellement à la formation par les entreprises – soit bien plus que les obligations légales –, les enjeux prioritaires ne trouvent que peu de réponses satisfaisantes. Sans doute la complexité de notre système participe-t-elle de ce bilan. Je pense non seulement aux divers taux de contribution, mais aussi à la multiplicité des collecteurs ; j’y reviendrai tout à l’heure. Tout cela freine considérablement l’accès à la formation, pénalise nos concitoyens, nos entreprises et donc notre société.
En la matière, réformer, c’est faire de la formation professionnelle un instrument mobilisable à chaque instant, et il s’agit là d’une véritable révolution. Ainsi, l’article 1er a-t-il pour objet d’instaurer le compte personnel de formation. À la différence du droit individuel à la formation, encore attaché au statut professionnel, le CPF est attaché à la personne, quelle que soit sa situation au regard de l’emploi, et ne pourra être utilisé sans l’accord du titulaire. Le compte personnel de formation sera ouvert à tous les actifs dès l’âge de seize ans et aura une validité permanente jusqu’au départ à la retraite. Ce compte sera opposable pour acquérir le socle de connaissances et de compétences.
Mes chers collègues, ayons toujours à l’esprit que, dans notre pays, plus de deux millions de personnes sont illettrées et ne disposent pas des savoirs de base indispensables au quotidien et à l’accès à l’emploi. Via l’entretien professionnel, le salarié deviendra acteur de son devenir. Il ne sera plus dépendant des volontés de son employeur et pourra négocier la nature et la qualité de ladite formation. Il disposera donc d’un véritable pouvoir de choix de formation.
Ce compte sera crédité, cela a été dit, à hauteur de 2 heures par mois dans une limite de 120 heures, puis de 1 heure par mois jusqu’au plafond de 150 heures. Au-delà, il pourra être complété – j’y insiste en direction de nos collègues de l’opposition – par abondements supplémentaires, soit une centaine d’heures pour les salariés n’ayant pas connu d’évolution de leur situation professionnelle durant les six dernières années. Ce volume d’heures pourra également être revu à la hausse dans le cadre d’un accord d’entreprise ou de branche. S’ajoutent les heures que pourront prendre à leur charge les divers financeurs. Enfin, le financement du CPF est garanti au moyen du versement, par l’employeur, de 0, 2 % de la masse salariale.
À travers l’ANI, les partenaires sociaux se sont accordés pour transformer l’obligation de dépenses en une obligation de former. Aujourd’hui, le financement de la formation par les entreprises est soumis à des taux très divers selon leur taille. La mutualisation par les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, est parfois faible en faveur de ceux qui ont le plus besoin de formation, c’est-à-dire les salariés des plus petites entreprises. Le projet de loi institue une contribution au taux unique de 1 %, qui sera entièrement mutualisée au sein des OPCA.
Pour être allée, comme vous tous, à leur rencontre, j’entends bien la crainte des dirigeants de PME de voir la formation professionnelle diminuer au sein de leur entreprise. Je veux néanmoins rappeler qu’aujourd’hui le système est tellement peu redistributif que les PME de moins de cinquante salariés financent à hauteur de 50 millions d’euros par an la politique de formation des entreprises de plus grande taille. Pour autant, dans certaines régions, la mutualisation fonctionne mieux en faveur des petites entreprises, et il faudra être vigilant pour que cela puisse se poursuivre. L’évolution des missions des OPCA doit les conduire à développer une véritable offre de service à destination des entreprises, particulièrement des PME, partout sur le territoire.
Le conseil en évolution professionnelle est un service gratuit répondant à un cahier des charges national, mis en œuvre à l’échelon régional, qui doit apporter un appui aux personnes ayant besoin d’un conseil pour leur orientation professionnelle. Les cinq organismes cités dans le projet de loi chargés de ce conseil sont bien sûr incontestables. Néanmoins, il est important que les régions puissent s’appuyer sur d’autres organismes compétents, là où ils existent, comme les cités des métiers, les maisons de l’emploi, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, mais aussi les services de l’éducation nationale comme les centres d’information et d’orientation, qui peuvent contribuer eux aussi au service public régional de l’orientation. En se voyant confier l’organisation et le financement du service public régional de la formation professionnelle, la région en devient le chef de file.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi maintenant d’évoquer ici l’importance des articles 3 et 10 concernant la réforme du financement de l’insertion par l’activité économique.
Les mesures prises au sein du projet de loi ont pour objet d’adapter les dispositions existantes du code du travail en vue de l’entrée en vigueur de la réforme du financement des structures d’insertion par l’activité économique dans le courant de 2014. Cette réforme du financement de l’IAE se traduira par la généralisation, en 2014, d’une seule modalité de financement à toutes les structures d’insertion par l’activité économique : l’aide au poste d’insertion.
La loi de finances pour 2014 a supprimé le taux de prise en charge financière spécifique des contrats uniques d’insertion et des contrats d’accompagnement dans l’emploi conclus en ateliers et chantiers d’insertion, les ACI, auparavant fixé à 105 % du SMIC. Pour les ACI, l’aide au poste se substituera donc aux aides actuellement accordées via les contrats aidés à compter des embauches conclues à partir du 1er juillet 2014. Dans ce nouveau cadre, les embauches financées par aide au poste seront réalisées dans toutes les structures d’insertion par l’activité économique sous la forme de contrats à durée déterminée d’insertion.
L’article 10 permet aussi de garantir la continuité des parcours d’insertion dans les ateliers et chantiers d’insertion et les structures d’insertion par l’activité économique.
Les possibilités de recrutement par les collectivités territoriales et de dérogation individuelle à la durée hebdomadaire de travail qui existent actuellement pour les contrats aidés sont transposées pour les contrats à durée déterminée d’insertion en structures d’insertion par l’activité économique, afin de garantir la continuité des parcours d’insertion proposés aux personnes éloignées de l’emploi, quel que soit le support contractuel des embauches. Lors de l’examen en séance d’un amendement du député Christophe Cavard déposé à l’Assemblée nationale, un alinéa sur les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification a été inséré, dont l’objet est de préciser que les GEIQ peuvent bénéficier d’une reconnaissance dans des conditions fixées par décret.
Le projet de loi que nous examinons crée donc les conditions de l’accès à la formation pour les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique à travers les périodes de professionnalisation et de préparation opérationnelle à l’emploi.
Monsieur le ministre, la question de l’agrément pour les structures d’insertion par l’activité économique n’est pas abordée dans le texte de loi. Néanmoins, je ne doute pas qu’une solution puisse être trouvée dans les prochains mois afin que tous les salariés de l’IAE et leur structure employeuse puissent bénéficier, dans des conditions adaptées à leur parcours, de cet agrément.
Certains articles du projet de loi concernent l’apprentissage. M. le rapporteur pour avis, François Patriat, qui l’a évoqué tout à l’heure, a rédigé un rapport sur ce sujet. Force est de constater qu’un certain nombre de ses préconisations sont reprises dans le texte : le contrat d’apprentissage en contrat à durée indéterminée ou la clarification des missions des centres de formation d’apprentis, les CFA, transférés aux régions. Désormais, en lien avec le service public de l’emploi, notamment les missions locales, ces centres assisteront les jeunes dans la recherche d’un employeur. Ils chercheront aussi à résoudre les difficultés sociales et matérielles parfois très pénalisantes pour les apprentis. Ces dispositions, je n’en doute pas, seront de nature à sécuriser employeurs et apprentis et permettront d’atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017.
Je veux insister sur l’enjeu qu’il y a pour l’apprentissage de permettre aux jeunes d’atteindre le premier niveau de qualification. Les évolutions de ces dernières années, qui ont vu l’apprentissage se développer dans les niveaux de qualification supérieure, ne doivent pas se substituer aux formations préparant à une première qualification.
La gouvernance, en matière de formation professionnelle, a besoin d’être clarifiée et simplifiée : l’article 14 du projet de loi crée le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, qui remplace le CNE, le CRE et le CPNFPE – vous savez tous de quoi il s’agit.