Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Chantal Jouanno ayant exposé notre position concernant la formation professionnelle, je me concentrerai sur le reste du projet de loi, dont le champ est très large, peut-être même un peu trop. La formation professionnelle étant un sujet à part entière, les autres aspects auraient sans doute pu faire l’objet de textes distincts.
C’est donc une question de méthode qui est posée : est-il lisible de mélanger des sujets qui relèvent de l’article L. 1 du code du travail, qui traite de la concertation avec les organisations paritaires, avec des thèmes qui n’en ressortissent pas ? Il s’agit également d’une question politique : une fois de plus, nous devons légiférer à marche forcée et, surtout, en changeant le moins de choses possible.
J’en viens au fond.
Le thème le plus consensuel de ce texte est l’organisation de la transparence des comptes des comités d’entreprise. Cette mesure, nous la réclamions de longue date. Elle avait été adoptée ici même dans le cadre de la proposition de loi de Mme Procaccia. Il n'était pas compréhensible que seul le comité d’entreprise échappe aux obligations de transparence des comptes.
Dans le même ordre d’idées, nous ne pouvons que souscrire aux mesures de transparence du financement des organisations représentatives.
Les autres volets sont plus problématiques. Certes, l’inscription dans la loi de critères de représentativité des organisations patronales est un progrès. Il était singulier que seule la représentativité des syndicats soit clairement définie par la loi, alors que celle du patronat ne l’était que par la jurisprudence. Mais, à bien y regarder, le progrès n’est que formel, puisque les critères retenus ne changent rien au paysage patronal actuel. Le critère qui évalue la représentativité en fonction du nombre d’entreprises adhérentes est sans aucun doute le plus contesté. Est-il satisfaisant sur le plan de la légitimité démocratique ? Sans doute pas complètement. En ce domaine, ne devrions-nous pas nous inspirer de la représentation parlementaire des États fédéraux ou de l’élection des chambres consulaires ? Telle est notre conviction, et nous déposerons un amendement tendant à transposer ce système à la représentativité patronale.
Nous franchissons un cran supplémentaire dans l’inquiétude avec la question de l’apprentissage, ainsi que M. Carle vient de le souligner.
Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif fixé par le Gouvernement de parvenir à 500 000 apprentis d’ici à 2017, ce qui équivaudrait presque à un doublement des effectifs. Comment toutefois concilier un tel volontarisme avec la suppression de l’aide à l’embauche d’un jeune en alternance pour les PME, avec la division par deux, dans la loi de finances pour 2014, du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, avec la réduction drastique de l’indemnité compensatrice forfaitaire accordée aux entreprises de plus de dix salariés s’investissant dans l’apprentissage et avec la suppression de passerelles entre l’école et l’apprentissage en fin de troisième ? De plus, cela a déjà été signalé, l’apprentissage est cannibalisé par les emplois d’avenir et les contrats de génération.
Les résultats sont là : le nombre de jeunes entrés en apprentissage en 2013 a reculé de 8 % ! Le projet de loi relatif à la formation professionnelle ne semble pas devoir corriger le tir, bien au contraire : 380 millions d’euros sont retirés aux CFA au profit des régions. Or l’efficacité du système repose en grande partie sur le lien tissé par les CFA avec les entreprises. En conséquence, nous déposerons une série d’amendements visant à remédier à cette situation.
Autre sujet qui fâche : la réforme de l’inspection du travail. Elle apparaît dans ce projet de loi comme un cavalier législatif, comme M. Desessard l’a souligné. Schématiquement, le texte pose trois problèmes, qui résonnent entre eux.
Le premier concerne la nature des pouvoirs qui sont conférés aux inspecteurs du travail. Ils doivent être définis de manière à concilier contrôle et liberté d’entreprendre. Au regard de cet impératif, la possibilité de prononcer des amendes administratives ou l’élargissement du dispositif d’arrêt temporaire ne nous semblent pas exorbitants, s’ils sont bien encadrés. En revanche, beaucoup plus problématique au regard de l’intelligence économique est le droit pour les inspecteurs de se faire communiquer tous les documents « nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». Ce pouvoir est trop largement défini pour ne pas receler une part de danger. Nous proposerons donc un amendement visant à l’encadrer.
Le deuxième problème touche à l’organisation hiérarchique de l’inspection. Les agents craignent que la création d’unités de contrôle ne porte atteinte à leur indépendance réelle. A contrario, les entreprises, qui craignent, comme vous le savez, l’arbitraire de certaines décisions de l’inspection, doutent de l’efficacité de cette réorganisation.
Le troisième problème n’est tout simplement pas abordé dans le texte : il s’agit des moyens financiers et humains du corps. Pourtant, c’est une clef essentielle.
Tout cela ne permet pas d’avoir une vision claire des perspectives que l’on entend donner à l’inspection du travail. Autrement dit, il eût été préférable de préparer un texte spécifique, assorti du temps nécessaire à son examen. Nous demanderons donc la suppression de l’article en question et le report de la discussion concernant l’inspection du travail.
Le groupe UDI-UC se positionnera sur tous ces sujets en fonction du sort qui sera réservé à ses propositions.
Enfin, je tiens à mon tour à remercier Claude Jeannerot de la qualité du travail d’analyse qu’il a accompli dans des conditions difficiles.