À l’époque, mener de front ces deux réformes aurait été impossible, d’autant qu’il est complexe de mesurer l’audience des organisations patronales.
Ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil des réformes déjà engagées par Gérard Larcher, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, trois ministres avec lesquels j’ai beaucoup travaillé. Je ne suis donc pas vraiment perdue quant au contenu.
S’agissant de la formation professionnelle, beaucoup de choses ont été dites, que je ne répéterai pas. J’espère sincèrement que le compte personnel de formation ne se révélera pas aussi difficile à gérer que le droit individuel à la formation.
Vouloir réorienter les actions vers ceux qui en ont le plus besoin, tel était déjà l’objectif annoncé par le président Sarkozy en 2009 dans son discours de Valence. Mais moi qui ai commencé ma carrière professionnelle en mettant en application, dans une entreprise, la loi de 1971 citée par notre rapporteur Claude Jeannerot, moi qui ai testé tant de formations, qui se sont révélées surtout utiles aux finances de l’organisme qui les proposait, je dirai que, malheureusement, rien n’a changé en quarante ans : trop d’argent continue et continuera à être dépensé pour rien, parce que la notion de qualité ou d’efficacité n’existe toujours pas. Vous dites, monsieur le ministre, que la loi actuelle marquera les quarante ans à venir ; j’espère que cela ne se fera pas sans contrôle !
Les récentes révélations sur des gigantesques escroqueries de faux organismes de formation dans la région d’Île-de-France – plus de 4 millions d’euros ! – démontrent la fragilité d’un système incontrôlé dans les faits. Des milliers de témoignages existent sur ces formateurs incompétents, sur les fausses feuilles d’émargement et sur ces formations écourtées chaque jour, mais bel et bien facturées à temps plein.
La formation professionnelle est devenue un monstre complexe qui s’auto-alimente et entraîne une complexité réglementaire.
Le rapport remis par l’IGAS, en août 2013, suggérait d’ailleurs, à l’instar de ce que font nos partenaires étrangers, une démarche de certification et de contrôle, qui n’apparaît pas dans ce texte.
Évoquons maintenant la réforme de l’inspection du travail.
Grâce au cycle suivi à l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, j’ai une approche assez concrète de la réforme des « agents de contrôle ». Ce cycle, qui intègre, grâce à Gérard Larcher, des parlementaires, permet de travailler avec des directeurs des ressources humaines, des juristes du droit du travail, des syndicalistes et des directeurs ou inspecteurs du travail, à Marcy-L’Étoile, là où ces derniers sont formés.
Cette approche est complétée par mon passé dans une entreprise qui voyait débarquer très régulièrement des inspecteurs. Depuis que je suis parlementaire, j’ai pu mesurer combien mon entreprise était exemplaire, et, rétrospectivement, je comprends la notion d’acharnement. Il était bien plus confortable pour les inspecteurs de surveiller pendant des mois, bien au chaud, le pointage de 2 000 cols blancs que de vérifier les chantiers de travaux publics au pied de notre immeuble.
Loin de moi l’idée de stigmatiser tous les agents de contrôle, mais lorsque des directeurs du travail expliquaient que leurs inspecteurs refusaient d’aller vérifier les conditions de travail dans des entreprises susceptibles d’être amiantées, cela m’a troublée et marquée à tout jamais. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à encadrer le délai dans lequel un inspecteur garde une entreprise dans son giron.
Si mes propos montrent jusqu’à présent que je reconnais des avancées dans le projet de loi, il n’en sera pas de même s’agissant des dispositions relatives à l’apprentissage. J’y retrouve là le paradoxe français ou, pis, la schizophrénie de la gauche, qui déclare que l’apprentissage et l’alternance sont des voies d’excellence et qui, dans les faits, discrimine ce cursus professionnalisant. Je ne reviendrai pas sur les explications formulées par notre collègue Jean-Claude Carle à propos des mesures mises en place en faveur de l’apprentissage ou, plutôt, contre l’apprentissage. Au moment où le Sénat va recevoir, comme chaque année, les meilleurs apprentis de France, comment voulez être crédible, alors qu’il n’a jamais été aussi difficile de trouver un maître de stage et que les centres de formation d’apprentis sont au bord de la faillite ?
Enfin, dans la loi de 2009, nous avions fixé des règles d’indemnisation pour les stagiaires. Aussi, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles une proposition de loi relative aux stages sera soumise au vote de l'Assemblée nationale. Dans le cadre de la loi de 2009, nous avions également évoqué les problèmes réguliers qui se posent en matière de droit du travail. J’interviens sur cette question depuis de nombreuses années, et j’ai pu aussi constater que les bonnes intentions se traduisaient souvent par des effets inverses à ceux qui sont recherchés.
Pour ma part, j’attendrai avec intérêt vos réponses, monsieur le ministre, et je mesurerai les avancées lors de nos débats pour me positionner définitivement sur le projet de loi.