... je vous demande de bien vouloir m’expliquer pourquoi un tel choix a été fait par le Gouvernement.
Vous en conviendrez, nous avons été jusqu’à présent relativement critiques sur certains points du projet de loi. Toutefois, nous l’avons été non pas parce que nous sommes dans l’opposition, mais parce que nous sommes des parlementaires et que, à ce titre, il nous semble être de notre devoir de pointer les défauts de la loi et de demander au Gouvernement de modifier si nécessaire sa conduite.
Croyez bien que mes collègues et moi-même sommes tout à fait conscients de l’urgence qu’il y avait à se doter d’un tel texte face à la recrudescence des actes de piraterie. Ce texte existera bientôt ; nous nous en réjouissons. Cependant, la perfection n’étant pas de ce monde, j’ai cru bon d’énumérer ici les légitimes inquiétudes qui sont les nôtres.
Bien sûr, tout comme vous, nous souhaitons que les agents de l’État bénéficient d’une sécurité juridique sans faille pour intervenir face aux pirates en mer. Nous voudrions les assurer qu’ils peuvent bien agir sereinement dans un cadre sûr ; c’est primordial pour nos forces. À défaut, on irait vers un développement accentué et difficilement maîtrisable du phénomène des sociétés militaires privées, qui escortent déjà bon nombre de navires affrétés par de grands groupes. Telle n’est pas là ma conception de la défense.
Au-delà de ces considérations nationales, je rappelle avant de conclure que la piraterie est, par définition, un sujet à dimension internationale. L’Organisation des Nations unies l’a bien compris et a émis en juillet dernier plusieurs recommandations pour traiter le problème. Je ne vais pas faire ici un examen exhaustif des propositions de son secrétaire général. Toujours est-il que le rapport met l’accent sur le rôle qu’ont à jouer les États des régions directement concernées par la piraterie.
Il est noté que, dans le cadre du programme fixé par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, l’UNODC, le Kenya a inauguré en juin de cette année une chambre de haute sécurité précisément destinée à la lutte contre la piraterie. C’est là, je le crois, une façon de responsabiliser les pays d’où sont bien souvent originaires les pirates interpellés.
Cela ne signifie pas que la France ou l’Europe doivent se détourner du problème. En effet, s’agissant d’un enjeu international, le problème ne peut être résolu qu’avec l’appui de tous les États concernés.
Il est également important que des pays comme la Somalie disposent d’installations pénitentiaires suffisantes et conformes au droit international pour la détention des pirates. À cet égard, la situation politique et sociale dans laquelle se débat la Somalie ne laisse augurer rien de bon pour le moment. Une aide devra nécessairement être fournie à Mogadiscio si l’on souhaite que soient mis en place des systèmes judiciaire et pénitentiaire appropriés. Mais que de travail à faire dans ce pays avant d’en arriver là !
Pour en terminer, et au risque de me répéter, je reprendrai les arguments tels qu’ils avaient été développés à cette même tribune lors de l’examen du projet de loi de finances.
Certes, ce texte a le mérite d’aider à lutter contre la piraterie, un crime grave qui doit être puni. Mais nous parlons ici des seules manifestations et conséquences. Or ce n’est pas en arrachant ses feuilles que l’on soigne un arbre malade ! Conjointement à l’ONU et à l’Union européenne, il nous faut lutter avec acharnement contre les causes de ce fléau.
Cela implique d’abord de venir en aide aux États en situation de faillite politique totale, comme la Somalie.
Cela implique ensuite de secourir les populations qui sont victimes de ce contexte et ainsi de les empêcher d’être tentées de survivre grâce au crime, voire au crime organisé.
Cela implique enfin d’empêcher d’agir des hommes tels que Garaad Mohamed, qui exploitent la misère et la faiblesse des plus pauvres de leurs compatriotes.
Alors oui, ce projet de loi est un premier pas dans la bonne direction. Il nous faut maintenant avancer sur ce chemin.