Un groupe peut être représenté par une seule personne, madame Debré ! Je remercie donc d’autant plus M. Desessard de sa disponibilité et de son engagement.
Nous reviendrons très vite sur la question du compte personnel de formation, qui a suscité de nombreuses interrogations : 120 heures, 150 heures ? Un plafond de 150 heures est-il suffisant ou non ?
On ne peut pas comparer les 120 heures d’hier aux 150 heures d’aujourd'hui. Les 120 heures du droit individuel à la formation, le DIF, étaient – passez-moi l’expression – un « plafond-plafond » : on allait jusqu’à 120 heures, et c’était terminé. Les 150 heures du nouveau dispositif sont, si j’ose dire, un « plafond-socle » : on va jusqu’à 150 heures, et ensuite on s’appuie sur ce socle pour obtenir des compléments d’heures, en fonction de la situation de chacun. Évidemment, les chômeurs, les personnes les moins qualifiées, tout comme celles qui sont en situation de handicap – cette préoccupation a été exprimée – en auront plus. Des dispositifs permettront de venir abonder le plafond de 150 heures en ce sens.
Qu’il me soit permis d’apporter une précision. Dans la mesure où nous travaillons, vous l’avez tous souligné, avec un budget contraint, nul n’a demandé davantage d’argent pour la formation professionnelle. Chacun a plutôt tendance à considérer que d’importants moyens sont déjà consacrés à celle-ci. On s’interroge plutôt sur la meilleure utilisation possible des crédits. Toutefois, prenez-y garde, si vous permettez à tout le monde de franchir le plafond des 150 heures, il y aura moins d’argent pour les publics spécifiques !
J’entends qu’un amendement sera défendu afin de passer à 250 heures, pour tous. Très bien ! Dans ce cas, les cadres les prendront et ce sera autant d’argent en moins pour ceux qui auraient eu besoin d’un abondement spécifique et auraient pu bénéficier de 300, de 500 ou de 1 000 heures, car les besoins sont importants, et il faut du temps pour se former.
Soyons donc vigilants, car le mécanisme est simple : au fur et à mesure que l’on ajoute des heures, l’on augmente les dépenses, dans une période où personne n’a envie de demander plus aux entreprises, à l’État ou aux régions, lesquelles contribuent déjà beaucoup. Nous découpons, si je puis utiliser cette image pour illustrer mon propos, des tranches à l’intérieur d’un même gâteau : en augmentant la part de ceux qui sont les mieux servis, on diminue d’autant la part de ceux qui en ont le plus besoin !
En ce qui concerne l’inspection du travail, j’ai senti que vous éprouviez, tous, certaines préoccupations. Le dispositif n’est pas un cavalier. Une administration capable de contrôler l’application des lois, tout particulièrement l’appréciation de cette loi, est une administration en cohérence avec le reste du texte. J’en dirai plus au cours de l’examen des amendements.
Quoi qu’il en soit, je veux d’ores et déjà affirmer que je n’ai nullement l’intention de remettre en cause l’indépendance de l’inspection du travail. Ma responsabilité, en tant que ministre, est que cette institution, déjà centenaire, soit toujours efficace dans cent ans.
Or, en l’espace d’un siècle, bien des choses ont bougé. La protection du salarié n’est plus une question qui s’envisage seulement dans une entreprise ou sur un territoire. Elle nécessite d’être capable de lutter contre des atteintes aux droits beaucoup plus diffuses et complexes, beaucoup plus organisées qu’auparavant, avec une véritable délinquance, qui trouve ses racines parfois au-delà de nos frontières, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs. Il suffit d'ailleurs que je cite la question des travailleurs détachés pour que chacun comprenne ici à quoi je fais allusion.
Un inspecteur du travail seul, dans son coin, ne peut pas lutter contre des mécanismes aussi lourds. Mon souhait – je reviendrai sur ce point –, est de conserver à l’inspection du travail ses qualités actuelles, à savoir la proximité et son indépendance intégrale, tout en organisant autrement ses moyens pour lui permettre de lutter contre la grande délinquance, y compris en lui accordant des pouvoirs plus importants ou différents pour qu’elle puisse s’adapter aux nouvelles situations. Voilà ma conviction.
J’ai entendu vos remarques, mais je ne souhaite pas que perdure un procès que je trouve d’autant plus injuste que ceux qui me l’intentent ne le font pas toujours de bonne foi. Le ministre que je suis n’a pas pour mission de remettre en cause l’indépendance de l’inspection du travail. Au contraire, il a la charge de faire en sorte que cette administration œuvre de manière efficace, dans un monde qui a changé, tout comme les modalités d’atteinte aux droits des salariés et des travailleurs. Si cette institution n’évolue pas, c’est la protection des salariés qui risque d’être mise en cause.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter à cette heure.