Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 18 février 2014 à 21h30
Formation professionnelle — Article 1er

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Ce qui nous pose problème à l’alinéa 30, monsieur le ministre, c’est le fait que les formations « permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences » soient éligibles au compte personnel de formation.

Nous sommes opposés non seulement à l’idée même d’un socle commun de connaissances et de compétences au sein de la formation initiale, que nous considérons comme une approche réductrice des missions essentielles de l’école, mais aussi à ce que des formations dispensées dans le cadre professionnel au titre du CPF visent à acquérir des compétences qu’il revient à l’école de transmettre, sous des formes différentes, bien entendu, selon les âges et les personnes concernées.

En tout état de cause, si ce socle fait défaut, il nous semble qu’il est de la responsabilité de l’employeur de former ses employés afin que ces derniers puissent lire, écrire et compter correctement. Pour ce faire, il dispose de la prérogative du plan de formation. À nos yeux, de telles formations, qui ne relèvent pas de la qualification professionnelle mais sont essentielles à la sécurité et à l’efficacité du salarié, ne doivent pas être imputées sur le compte personnel de formation, celui-ci étant strictement réservé à des formations professionnelles qualifiantes destinées à permettre au salarié de gagner des compétences dans son métier ou dans un autre domaine.

À titre d’illustration, je rappellerai que l’employeur dispose d’une obligation de moyens et de résultat en matière de sécurité au travail. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la manière dont pourrait évoluer la jurisprudence. Un salarié ne sachant pas lire correctement peut ne pas respecter une consigne élémentaire de prudence et exposer sa vie ou celle de ses collègues à un risque certain. Dans ce cas, l’employeur peut être considéré comme responsable, les juges estimant qu’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens pour que les consignes soient comprises et assimilées. Mais si, demain, un employeur peut avancer l’idée qu’un salarié a commis une imprudence parce qu’il ne savait pas lire et qu’il avait refusé une formation lui permettant d’acquérir ce socle de connaissance, qu’adviendra-t-il de cette obligation de résultat ?

Selon toute vraisemblance, le risque est grand d’inverser la logique actuelle et de faire peser finalement sur les salariés les moins formés, notamment ceux qui n’ont pas bénéficié d’une formation initiale suffisamment achevée, une forme de responsabilité jusque-là partagée avec l’employeur. Cela constituerait à nos yeux un revirement majeur de jurisprudence que nous ne saurions accepter.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer l’alinéa 30 de l’article 1er. La formation destinée à savoir lire, écrire et compter est indiscutablement un vrai sujet aujourd'hui, mais elle ne saurait s’imputer sur le compte personnel de formation, sauf à en travestir l’objectif premier.

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