Oui, nous partageons ce jugement, Euronext est plus fort aujourd'hui qu'il ne l'était en 2007. Si l'opération dont nous parlons réussit, la fusion avec NYSE, en évitant l'absorption par le silo européen, aura été une formidable réussite tactique.
Je présente rapidement Paris Europlace : nous regroupons l'ensemble des acteurs de la place de Paris, que ce soit les banques, les compagnies d'assurance, les intermédiaires, les gestionnaires d'actif, les régulateurs, les collectivités territoriales... C'est un peu la City, en plus petit... mais avec d'avantages de monde autour de la table. Nous représentons également les émetteurs, c'est-à-dire les clients de la place.
D'ailleurs, Paris Europlace a souhaité mettre à sa tête le représentant d'un émetteur, qui porte la voix des entreprises. Et le message qu'elles souhaitent faire passer c'est que nous avons besoin d'une place forte, de proximité et compétitive, pour avoir accès aux financements dans des conditions au moins égales à celles de nos grands concurrents.
S'agissant de la comparaison avec les autres places, je note que le global financial index, certes piloté par la place de Londres, nous place au vingt-huitième rang ... Mais ce sont là des appréciations subjectives. Dow Jones a son propre index, qui repose sur des éléments statistiques et nous place au septième rang. La dynamique est cependant celle d'un recul, puisque nous étions cinquième en 2010.
La question d'Euronext est centrale, mais il ne faut pas confondre la Place de Paris et la bourse de Paris. Même si celle-ci comporte un aspect symbolique essentiel et que l'intérêt que nous y portons est justifié. La bourse de Paris représente 400 emplois directs, tandis que l'industrie financière c'est 300 000 personnes.
Le recul de la Place de Paris s'explique tout d'abord par la mauvaise allocation de l'épargne, pourtant abondante, qui s'oriente vers le logement et pas assez vers les entreprises. De plus, notre fiscalité fonctionne à l'envers, en privilégiant le court terme plutôt que l'épargne longue. Il y a eu quelques avancées, telles que le PEA-PME ou les fonds euro-croissance, mais elles demeurent des exceptions, là où une fiscalité « à l'endroit » aurait dû privilégier le risque et le long terme. En outre, l'instabilité de la règle fiscale et sa rétroactivité sont destructrices pour l'image de la place. Enfin, le secteur financier français lui-même est affecté par la surfiscalité qu'il subit.
Malgré ces faiblesses, il faut se féliciter de la robustesse de notre système de régulation financière, en France mais aussi en Europe, qui a permis d'éviter l'effondrement de la zone. Néanmoins, je crains que certains projets européens viennent remettre en cause l'équilibre vers lequel nous étions en train de tendre : je pense au projet de réforme bancaire et à la taxe sur les transactions financières.
La présence d'une industrie financière puissante est importante. Nos entreprises se financent majoritairement par le crédit bancaire, contrairement à celles américaines, mais le coût du crédit s'est renchéri tandis que les volumes se contractaient, du fait notamment des nouvelles règles prudentielles. Les entreprises ont donc d'avantage besoin de recourir au marché et Euronext est dans une position clé pour le marché des fonds propres.
La présence d'une place financière importante est donc un enjeu stratégique pour le tissu industriel français mais aussi un enjeu de souveraineté pour le pays. Nous avons beaucoup travaillée sur ce sujet - je pense aux rapports Cabanes sur l'intermédiation financière et au rapport Perrier sur les investisseurs - et plusieurs enjeux sont décisifs à nos yeux.
Tout d'abord, je le répète, les entreprises ont de plus en plus besoin du marché pour se financer et il faut pouvoir répondre à ce besoin. De plus, il faut que nous gardions la maitrise de nos centres de décision : actuellement 46 % de la capitalisation du CAC 40 et 63 % de la dette publique sont détenues par des étrangers. En outre, il faut développer les emplois financiers : je rappelle qu'ils représentent 1,2 million d'emplois, dont 300 000 dans la seule Île-de-France, soit 6 % de la population active.
S'agissant de l'intermédiation financière, il faut favoriser le développement des instruments de crédit, de financement de projet, les placements privés, la titrisation, les projects bonds et le marché d'obligations corporate, qui a pris ces dernières années beaucoup d'importance et qu'il faut rendre accessible aux PME et ETI. Il faut également développer la filière actions, qui traite des fonds propres, c'est-à-dire de la denrée la plus rare sur le marché du financement.
La mise sur le marché d'Euronext est un enjeu important pour retrouver une bourse continentale proche des utilisateurs et compétitive au plan européen et mondial. La décision prise par ICE de redonner sa liberté à Euronext est une opportunité que nous n'avons pas le droit de laisser passer. L'échec dépasserait ce que représente le capital d'Euronext pour les émetteurs : l'image de la place de Paris en serait durablement affectée et son rang dans les classements subjectifs reculerait encore...