Pour répondre à votre préoccupation de rassurer les particuliers et les PME, je citerai un exemple. Lorsque Lehman Brothers a fait faillite en 2008, les entités régulées - et plus précisément les chambres de compensation - ont clarifié ou « dé-risqué » leurs positions en trois semaines. Leurs fonds de garantie ont fonctionné parfaitement ; aucune d'entre elle n'a défailli. Les banques qui travaillaient dans l'opacité sont encore en train de trier le bon grain de l'ivraie ; comme elles n'y sont pas parvenues, elle ont créé des véhicules pour porter des actifs toxiques. Il faut donc distinguer la finance régulée et transparente - qui a montré qu'elle fonctionnait comme moteur de l'économie - et la finance opaque, extrêmement risquée.
Parmi les quatre grandes classes d'actifs sur les marchés financiers, les dérivés représentent la plus grosse part et la plus risquée. Ce sont par nature des contrats qui transfèrent du risque. Ce marché des dérivés représente environ 600 000 milliards de dollars de contrats ouverts, dont 90 % sont opaques - c'est-à-dire qu'ils ne sont pas « dé-risqués » par des chambres de compensation régulées.
Les travaux du G 20 ont permis de faire une grande avancée sur le management du risque des dérivés de gré à gré. Ce n'est pas encore fait, mais, à l'avenir, il conviendra de faire passer ces dérivés dans des chambres de compensation.
Concernant l'architecture générale d'Euronext continental, il existe un grand plan, que l'on ne peut entièrement dévoiler. La première étape consiste à détacher Euronext avec un paquetage complet et le mettre sur le marché via une IPO afin de le stabiliser. Ceci sera fait d'ici l'été prochain.
La deuxième étape, en cours de discussion, est un plan de développement organique de nouveaux services vis-à-vis des acteurs de l'économie, en particulier des PME. Nous souhaitons positionner Euronext, en zone euro, comme un centre de levées de capitaux au service des entreprises.
La troisième phase concernera la consolidation européenne. Mais nous n'allons pas claironner des mois ou des années à l'avance avec qui nous pourrions ou pas nous marier car c'est la meilleure manière que cela ne se réalise pas. Nous pensons que la consolidation doit se faire en zone euro pour amener des infrastructures de marché - dont Euronext ainsi que d'autres acteurs comme des chambres de compensation - à jouer ensemble. Il s'agirait d'une politique industrielle du monde de la finance en zone euro. S'il y a une chose que les britanniques ont réussi, c'est de créer cette politique industrielle de la finance à l'époque de Margaret Thatcher.
Il existe aujourd'hui une double opportunité, qui dépasse Euronext. La crise de 2008 et ses leçons ont sonné le glas d'un certain type de finance. La zone euro, qui avait abdiqué dans la définition de ses architectures de marché face aux anglo-saxons, a réalisé que c'était un domaine de souveraineté important pour financer notre économie. Ce courant de pensée, qui a émergé en 2008, devient de plus en plus concret par le biais de la régulation. Ensuite, les évolutions à venir d'Euronext créent un élan. Le ministre a ainsi commandé un rapport « Place de Paris 2020 » afin de profiter de ce changement pour construire cette politique industrielle des marchés financiers de la zone euro, où la France jouera un rôle moteur.
Le dernier point - et vous le comprendrez - est que nous ne pouvons pas dévoiler ces opérations de consolidation lointaines et spéculatives publiquement.